Programme de l’UMP : l’imposture de la "société du libre choix"

mercredi 20 décembre 2006.
 

En pleine désignation interne au PS le 16 novembre, la sortie du projet présidentiel de l’UMP est presque passée inaperçue. S’y annonçant « décomplexée », la droite prétend « changer le visage de la France en quelques semaines ». Le tout sous un habile maquillage.

Après la fracture sociale, servie en 1995 et 2002, l’UMP prône désormais la « philosophie du choix » pour « changer la vie des Français », détournant ainsi sans complexe le slogan de la gauche en 1981. Derrière la rengaine d’être « plus solidaires avec les plus méritants » et plus « sévères avec ceux qui ne veulent pas s’en sortir », qu’a martelée Sarkozy pendant les trois heures de l’émission que lui a consacrée France 2 le 30 novembre dernier, se dessine un vrai programme ultra-libéral et sécuritaire qui durcit en tous points la politique de la droite au pouvoir depuis 2002.

Le règne trompeur du libre choix et la pénalisation de ceux qui ne peuvent pas suivre Pierre angulaire du projet de l’UMP, la « philosophie du choix », a pour principale ambition d’éviter le mot qui fâche : celui de libéralisme. C’est pourtant ce qui inspire les principales mesures économiques et sociales de ce programme, dont le mot d’ordre, inspiré du MEDEF, est : « travailler plus, pour gagner plus ». En matière d’éducation, de retraite, de pouvoir d’achat ou de protection sociale, la droite veut ainsi faire croire au peuple, que tout n’est qu’une question de choix individuel :

« Choix » des parents de l’école de leurs enfants avec la suppression programmée de la carte scolaire, l’autonomie des établissements et des enseignants. Autrement dit la mise en place d’un grand marché scolaire concurrentiel. « Choix » de décider de son âge de départ à la retraite, avec le renforcement de la réforme engagée en 2003 et la suppression des régimes spéciaux.

« Choix » de travailler plus, avec l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires.

« Choix » de consommer moins de médicaments et de prescriptions médicales, avec la création d’une franchise de soins non remboursables, pour « responsabiliser » les patients. Le projet UMP présente ainsi un monde imaginaire de libre choix alors que les contraintes économiques, culturelles et sociales du capitalisme libéral n’ont jamais été aussi fortes pour la majorité de la population française.

Et gare à ceux qui ne souhaiteraient pas « choisir » conformément aux options gouvernementales... Suppression des allocations familiales aux familles qui ne « prendraient pas leurs responsabilités », lutte contre les « fraudeurs » présentés comme responsables du déficit de la sécurité sociale, réforme de l’ordonnance de 1945 pour pouvoir juger les mineurs de 16 à 18 ans comme des adultes ... Autant de propositions sécuritaires visant à pénaliser la pauvreté et à diviser la population entre les supposés « bons travailleurs » d’un côté, et les autres « jeunes délinquants » et supposés « fraudeurs » au système.

Un florilège de promesses sans lendemain Pour amadouer les Français inquiets de l’avenir des services publics, l’UMP promet aussi d’investir massivement dans l’éducation (là où les gouvernements UMP ont pourtant supprimé 30 000 postes d’enseignants depuis 2002), la santé et la recherche. Au point que Le Monde a chiffré à plus de 30 milliards d’euros les dépenses nouvelles induites. Pourtant le projet affiche en même temps sa priorité de « désendettement » public, la poursuite de la baisse des cotisations patronales et de nouveaux cadeaux fiscaux pour les plus riches (suppressions des droits de succession, nouvelle baisse de l’impôt sur la fortune ...). On comprend vite que demain comme depuis cinq ans ces investissements annoncés seront financés soit par les collectivités territoriales et les impôts locaux, soit par l’apport de fonds privés pour les universités et la recherche, ou encore le porte-monnaie des patients avec la franchise de soins ...

Le renoncement à changer l’Europe et le monde Sur la scène internationale enfin, l’UMP annonce sans rire son ambition de faire de la France l’acteur d’une « autre mondialisation ». Mais derrière quelques mesures alléchantes, dont on se demande pourquoi le gouvernement en place depuis cinq ans ne s’y est pas attelé, comme la création d’une organisation mondiale de l’environnement, se dessine le même projet d’accompagnement de la mondialisation libérale et de ses méfaits. Face au dumping social et fiscal en Europe, le projet opte pour une harmonisation par le bas des taux européens. Face aux enjeux migratoires, il prône une politique d’immigration « choisie » pour attirer les meilleurs étudiants, chercheurs, salariés et artistes au détriment des pays émergents. Et le contenu libéral du projet de Constitution européenne refusé par les Français le 29 mai revient aussi par la fenêtre puisque l’UMP propose de négocier un « accord institutionnel » sur la base de ce qu’il considère comme « les avancées du projet de Constitution européenne. » A mots couverts, l’UMP renonce ainsi à toute réorientation profonde de la construction européenne et se prépare à tourner le dos au vote du 29 mai 2005 lors de la présidence française de l’UE en 2008. Une trahison de la volonté majoritaire des Français que la gauche aura d’autant plus de mal à dénoncer si elle n’est incarnée que par Ségolène Royal et le camp du Oui de gauche.

Derrière sa « philosophie du choix », la droite ne fera qu’attiser dans tous les domaines la marchandisation de la vie en société en transférant de la responsabilité collective - celle de l’Etat, de la loi et des services publics - aux seuls individus. Ces prétendus « choix » se transformeront en écoles ghettos pour les plus pauvres, en obligation de travailler plus pour maintenir son salaire, en moindre prise en charge médicale ou encore en impossibilité de prendre sa retraite à taux plein ... Aussi vieille et fausse que la théorie de « la main invisible du marché », cette philosophie fait comme si la compétition bienfaisante des choix individuels pouvait conduire naturellement au bien de tous. Sous des mots apparemment sympathiques, elle est radicalement contraire à la République dans laquelle c’est la délibération collective qui permet de trouver une issue aux problèmes communs et de l’imposer à tous. La gauche devra donc rappeler sans relâche que le pouvoir d’achat, la retraite, la santé ou la réussite scolaire ne peuvent résulter des seuls choix individuels et doivent être des options collectives lourdes pour profiter à tous. Et elle ne pourra le faire que si elle met au centre du débat présidentiel la question du partage des richesses qui est sans surprise la grande absente du projet de l’UMP.


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