Les dirigeants des banques continuent de se goinfrer pendant que le peuple grec est à genou

vendredi 27 mai 2011.
 

Pendant que des dirigeants européens éteignaient les très discrets lampions de la journée de l’Europe, la Grèce a connu mercredi sa dixième grève générale. En cause : le plan d’austérité du FMI, cela va de soi. Signé il y a tout juste un an le 2 mai 2010. Depuis lors, ce plan, qui devait sauver la zone euro, a complètement enfoncé la Grèce et la zone euro est de nouveau fragilisée. La dette publique grecque est en effet passée de 120 % du PIB à plus de 150 % en à peine un an. Je ne reviens pas sur le mécanisme stupide qui conduit à infliger un médicament qui aggrave le mal. Je note que les évènements donnent raison aux « exagérés » comme moi et nombre d’autres, plutôt qu’aux petits marquis « je sais tout » du social-libéralisme. A moins que tout ceci ne soit qu’un intermède juste destiné à obliger les grecs à tout vendre de leur patrimoine.

Car aussitôt, depuis Francfort, le directeur Europe du FMI, Antonio Borges a invité la Grèce à accélérer son programme de privatisations : "les 50 milliards que le gouvernement s’est engagé à privatiser représentent certainement moins de 20% de ce qu’il pourrait faire. … il y a des obstacles politiques et des résistances syndicales" mais "cela accroîtrait immédiatement leur crédibilité". Cet Antonio Borges est un expert en crédibilité financière. Voyez plutôt. Celui que Strauss Kahn a choisi depuis novembre dernier pour s’occuper de l’Europe au FMI est un ancien dirigeant de la banque d’affaires Goldman Sachs dont il a codirigé de 2000 à 2008 les activités en Europe depuis Londres. Non, vous ne rêvez pas. Goldman Sachs est bien la banque qui a été directement impliquée dans la faillite de la Grèce en lui faisant monter une opération spéculative de swaps de devises pour 15 milliards de dollars. Opération sur laquelle la banque aurait gagné 300 millions d’euros de commission. L’homme choisi par DSK pour s’occuper de l’Europe est donc un expert de la Grèce. Il a aussi sévi au Portugal, la nouvelle victime du FMI, où il a œuvré à la libéralisation du système financier comme vice-gouverneur de la banque du Portugal.

Et bien sûr, au nom du FMI, ce monsieur a exclu toute restructuration de la dette grecque. Une restructuration qui conduirait à annuler une partie de la dette et donc à mettre à contribution les banques qui la détienne. Les seules banques françaises en détiennent pour 33 milliards et elles n’ont pas l’intention de perdre un filon aussi juteux. Les taux qu’elles appliquent pour prêter à la Grèce dépassent en effet aujourd’hui les 20 % ! Une vraie aubaine alimentée par les milliards de prêts du plan d’aide européen. Des milliards que les Européens n’ont pas plus que la Grèce. Ils les empruntent eux aussi aux banques, en France ou en Allemagne, puis les prêtent à la Grèce pour qu’elle les rende aux banques ! Pour sortir de cette spirale absurde, je répète que la dette et les mesures d’austérité qui accablent la Grèce doivent être suspendues. C’est possible à condition qu’on décide d’affronter les banques plutôt que de s’y soumettre. C’est aussi désormais ce que demande la Confédération européenne des syndicats qui a décidé de tenir son congrès à Athènes en solidarité avec les salariés grecs. Son secrétaire général, John Monks a appelé à une restructuration qui comprenne une réduction des remboursements et un allégement de l’austérité.

Les dirigeants des banques continuent de se goinfrer pendant que le peuple grec est à genou. En dépit de toutes les déclarations du G20 et de Sarkozy, les "bonus" sont de retour. De quoi parle-t-on ? Les bonus sont ces rémunérations dites "variables" qui fluctuent chaque année en fonction de la rentabilité des activités de marché des banques. Ces bonus sont réservés aux seuls salariés qui participent directement à cette spéculation. C’est l’outil de leur dévouement aveuglé à la machine spéculative. La Société générale va verser 728 millions d’euros à 3 663 dirigeants, traders et responsables d’activités de marché, soit 199 000 euros de bonus par tête en moyenne. La BNP fait encore mieux : elle a prévu plus d’un milliard d’euros de bonus pour ses dirigeants et traders. 3 464 personnes qui empocheront un bonus moyen de 291 000 euros. Sur un groupe qui compte 200 000 salariés, cela ne représente que 1,7 % des salariés. Les autres sont bien sûr au régime sec.

Mais ces bonus sont sans commune mesure avec les rémunérations fixes des mêmes bénéficiaires, qui ne représentent par exemple à la BNP « que » 479 millions d’euros. Cette différence piétine ouvertement la directive européenne qui prévoyait "un rapport équilibré entre rémunération fixe et variable". La phrase ne voulait pas dire grand-chose et permettait les débordements ordinaires de la profession. Mais les bansksters français sont allés au-delà. Et les champions de l’abus sont bien sûr les grands patrons de ces banques. A la BNP, le patron Baudoin Prot touche 950 000 euros de fixe mais va encaisser 5,2 millions de bonus. Frédéric Oudéa à la Société générale touche 850 000 euros de fixe et va ramasser 3,2 millions de bonus. Dans les deux cas, le rapport est de 1 à 5 … on est donc très loin de « l’équilibre » décidé par la directive européenne. Sans oublier que cette question d’équilibre est d’ailleurs une embrouille.

Car même si le rapport entre bonus et salaires fixes étaient équilibrés, ils resteraient indécents. Et révélateurs du cancer financier qui coûte si cher au pays. Une étude récente de l’économiste Olivier Godechot vient justement de mettre en lumière le rôle déterminant de trois secteurs d’activité dans l’envolée des inégalités en France depuis dix ans. Ces trois secteurs sont : la finance, les services aux entreprises et le divertissement. Là se concentre l’essentiel des très hauts revenus. On parle là des 0,01 % les mieux payés en France, soit 1 692 personnes. Elles gagnent en moyenne 1,6 millions d’euros par an. Pour mémoire je rappelle que la masse des 90 % des salariés les moins payés, soit l’essentiel des 25 millions de salariés du pays, gagnent en moyenne 22 400 euros par an. Parmi les très hauts salaires donc, les représentants de l’industrie ont quasiment disparu. Pourtant, ils représentaient prés de la moitié de ces très grosses payes en 1976. Ils ne sont plus que 14 %. Ils ont été remplacés par des financiers, des commerciaux, des sportifs, des patrons d’entreprise de presse et de spectacle. La finance, le commerce et le spectacle ont pris le pouvoir sur l’économie et la société.

C’est la signature d’une époque. Olivier Godechot montre que leurs salaires se sont littéralement envolés depuis 10 ans. Leur part dans la masse salariale du pays a doublé alors que celle des 90 % des salariés les moins payés reculait. Pour les seuls financiers, les salaires ont même été multipliés par 8,7. C’est donc une nouvelle démonstration que l’enrichissement des ultra-riches se fait directement sur le dos des autres salariés. Ce sont précisément ces ultra-riches qui sont visés par notre proposition de salaire maximum et de revenu maximum. En taxant à 100 % leurs revenus à partir de 360 000 euros, on casserait radicalement leur domination sur l’économie. Et l’économie réelle et productive aurait à nouveau le droit de respirer sur d’autres objectifs que la production de « valeur ». Le revenu maximum n’est donc pas qu’une mesure de justice. C’est aussi une mesure d’efficacité pour définanciariser l’économie. Dernier enseignement important de cette étude : ces ultra-fortunés se concentrent en Ile de France et plus particulièrement dans les Hauts-de-Seine, le département de Sarkozy, où leur part a été multipliée par trois depuis 1980. Désormais ils sont plus nombreux dans ce département que dans tous les départements de province réunis ! En attendant on sait où ils sont et ce sera d’autant plus facile pour les retrouver, et les taxer.


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