Un nouveau 21 avril  ? (entretien avec Jérôme Fourquet)

samedi 30 avril 2011.
 

Le 21 avril 2002, accident de l’histoire ou répétition inéluctable  ? Pour le directeur adjoint du département opinion de l’Ifop, Jérôme Fourquet, le défi est d’abord posé à 
la gauche, si l’on se souvient que les catégories ouvriers et employés représentent toujours 
près de 34 % de la population française.

Pour beaucoup au PS, le 21 avril 2002 reste un accident de l’histoire.

Jérôme Fourquet. Il y a eu effectivement 
une forte dispersion des voix de gauche, avec la candidature « dissidente » de Chevènement, celle de Taubira, les bons scores de Noël Mamère, des deux candidats d’extrême gauche. Thèse renforcée par le côté imprévisible de la chose. Si Gérard Le Gall, au PS, a souligné dans les jours précédents la « proximité inquiétante » de Jospin et Le Pen, il concluait 
par « statistiquement plausible, mais politiquement impossible ». 
Ceci étant, l’hypothèse, vraie, est 
insuffisante à expliquer à elle seule 
le 21 avril. S’il y a eu dispersion, c’est 
que le bilan et le programme présenté par Jospin ne satisfaisaient pas pleinement l’électorat de gauche.

Lorsqu’il dit « mon projet n’est pas 
socialiste », par exemple  ?

Jérôme Fourquet. Entre autres, oui. 
On prête à Pierre Mauroy à l’époque 
cette phrase  : « Pas une seule fois il n’y a 
le mot ouvrier dans ce programme. » 
Des gens se disent donc que, pour ancrer bien à gauche ce futur gouvernement, 
il convient de voter pour Besancenot ou Laguiller, qui feront à eux deux un score 
à deux chiffres.

C’est néanmoins cet argument 
de la dispersion des voix qui est employé aujourd’hui pour venir à l’aide 
d’une candidature unique à gauche.

Jérôme Fourquet. Il est utilisé politiquement comme moyen de pression sur les candidatures des formations qui ne sont pas dominantes dans leur camp. Cette espèce d’épouvantail est ressorti aux fins 
de faire rentrer dans le rang une candidature écologiste, peut-être du Front de gauche également, mais aussi pour dissuader des candidatures du centre droit ou dissidentes de l’UMP.

En même temps, l’un des enseignements des cantonales de 2011 est que la diversité, notamment à gauche, peut renforcer.

Jérôme Fourquet. On voit bien, si on se reporte à l’étude publiée dans l’Humanité, qu’à côté du PS, qui ne progresse pratiquement pas comparé à 2004, on a deux formations, les écologistes et le Front de gauche – plus la première que la seconde d’ailleurs – qui bénéficient du rejet du sarkozysme.

Écarter le risque d’un nouveau 21 avril 
ne reste-t-il pas le défi de la gauche  ?

Jérôme Fourquet. Si poussée frontiste 
il y a, c’est d’abord dans les milieux populaires qu’elle va s’exercer. Toutes 
les études donnent Marine Le Pen 
à un niveau élevé, et en tout cas en capacité 
d’éliminer l’un des deux autres candidats. La clé de la présidentielle, comme 
souvent, est l’électorat populaire  : 
va-t-il se déplacer et si oui pour qui 
va-t-il voter  ? Quand on mesure, nous, Marine Le Pen à 20 % environ du corps électoral, c’est de 35 à 40 % chez les ouvriers et employés. C’est une responsabilité importante pour la gauche que de pouvoir porter des propositions, 
des messages qui soient jugés 
conformes aux attentes et crédibles par cet électorat. Souvenons-nous aussi 
que la route est longue d’ici à l’échéance 
de la présidentielle.

Entretien réalisé par 
Lionel Venturini


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