Parlement européen Résolution sur les pays arabes : la bonne conscience ordinaire de l’empire et de ses supplétifs dans cette enceinte stérile

vendredi 2 août 2019.
 

Avril 2011 : Une résolution sur la situation en Syrie, à Barheïn et au Yémen est arrivée sur nos tables de députés européens. J’en parle parce que je la trouve tellement représentative de la fumisterie ordinaire de ce parlement.

Pourtant on disposait même de la version française, alors qu’il s’agit d’une zone chasse gardée de l’empire ! Ce qu’elle a d’intéressant c’est qu’elle exprime sa solidarité avec les peuples yéménite, bahreïni et syrien en lutte. Excellent ! Elle condamne la répression brutale et demande la libération de prisonniers politiques. Je suis mille fois d’accord ! On peut même y lire qu’elle s’inquiète de la présence des troupes du Conseil de coopération du Golfe à Bahreïn. Notre chère Union serait-elle enfin devenue honnête dans ses relations internationales ? Inutile de rêver. Voilà que commence la manipulation. Cette résolution se caractérise avant tout par une émotion à géométrie variable. D’un côté elle demande au dictateur yéménite Ali Abdullah Saleh de quitter ses fonctions « comme il l’a promis ». Elle signifie au syrien Bachar al Assad que « la démission du gouvernement syrien ne suffira pas à étouffer la colère du peuple en lutte pour ses droits ». Cette dernière assertion me fait bien rire compte tenu de ceux qui la rédigent ! Après cela le texte cite avec précision le nombre de morts et de blessés victimes de la répression dans ces deux Etats. L’indignation frémissante de ces lignes s’interrompt aussitôt pour faire place à une anesthésiante aimable demande. Le texte en effet se contente de "demander au gouvernement de Bahreïn et aux autres parties d’engager sans délai ni conditions préalables un dialogue efficace et constructif qui se traduira par l’adoption de réformes". De l’intervention militaire des voisins pour tirer sur les manifestants : pas un mot ! Du nombre des morts et des blessés, rien non plus. Les victimes de la répression du régime du roi Hamad bin Isa Al Khalifa, avec l’aide militaire des Etats du Conseil de coopération du Golfe, c’est-à-dire les voisins d’Arabie Saoudite et des Emirats Arabes Unis, ne sont pas aussi victimes que les syriens ou les yéménites.

Et pour quoi ça ? Quelle explication ? Qu’est-ce qui rend Bahreïn si délicat aux yeux de l’eurocratie ? Figurez-vous que sa capitale, Manama, abrite depuis 63 ans le commandement de la 5ème flotte états-unienne. Les USA, leurs agences et leurs porte serviette européens ménagent donc cet allié crucial, très proche des Etats du golfe. L’enjeu est de taille : 4.200 militaires états-uniens sont stationnés à Manama. Bahreïn est au cœur du contrôle des voies d’approvisionnement en pétrole des Etats-Unis et de l’Union européenne dans la région. Il est tiraillé entre l’Iran, l’Arabie Saoudite et le Qatar. Les médias dits "occidentaux" mais aussi arabes sont donc spécialement muets sur la répression contre la révolte bahreïnie. Tout cela pue à plein nez la bonne conscience ordinaire de l’empire et de ses supplétifs. Mais il faut voter. Alors ? Si j’avais voté contre cette résolution, du fait de son hypocrisie et de ses lâches préférences, tous les Aphatie et Quatremer de la Terre me seraient tombés dessus pendant des semaines avec toute la finesse qui caractérise leur militantisme aveuglé. Mais je ne voulais pas cautionner ce deux poids deux mesures. Je tenais par contre à dire ma solidarité avec les révoltes populaires arabes. Je me suis donc abstenu. Ainsi va la vie, dans cette enceinte stérile.


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