Paris complice d’un génocide au Rwanda ?

dimanche 24 décembre 2006.
 

La commission d’enquête rwandaise sur le rôle de la France dans le génocide de 1994 réaffirme ses accusations contre l’ancienne force Turquoise.

La commission d’enquête rwandaise sur le rôle de la France dans le génocide de 1994 vient d’entendre de nouveaux témoins qui ont confirmé les accusations déjà portées contre les forces de l’opération Turquoise. Lorsque la présence des soldats français a été signalée, a ainsi raconté un cultivateur rescapé, « nous sommes tous sortis de nos cachettes dans les montagnes et nous sommes rassemblés à découvert, où nous attendions qu’ils viennent nous secourir. Cela nous a exposés aux miliciens qui pensaient nous avoir achevés lors d’attaques antérieures », dans la région de Bisesero, frontalière de l’ex-Zaïre, sous contrôle de l’opération militaro-humanitaire française. Un autre témoin, ancien instituteur, a expliqué avoir accompagné comme interprète des militaires dans les collines pour transmettre aux Tutsi des promesses d’évacuation. « Je savais que les Français considéraient tous les Tutsi comme des complices » des rebelles, qui ont mis fin au génocide en prenant le pouvoir à Kigali, a-t-il ajouté.

Les collines de Bisesero sont un lieu doublement symbolique au Rwanda : du génocide ; de la résistance opposée par les Tutsi contre le régime qui avait planifié leur extermination. Commencée dès le 8 avril 1994, la « guerre des pierres contre les balles » dura jusque vers la fin juin. Il ne restait plus alors que 2 000 survivants sur une population qui, gonflée par la venue de Tutsi des autres régions du pays, avait

atteint 50 000 personnes. Le 26 juin, les survivants sortent de leurs cachettes pour demander de l’aide à des soldats français patrouillant en 4 x 4, depuis leur base de

Kibuye. L’officier de Turquoise les abandonne à leur sort, se contentant de promettre de revenir trois jours plus tard. Les tueurs purent ainsi localiser les rescapés. Soixante-douze heures après, ceux-ci n’étaient plus qu’au nombre d’un millier, la milice ayant repris son « travail » pour tenter d’éliminer les ultimes témoins de ses crimes.

Les travaux de la commission se tiennent sur fond de crise diplomatique entre les deux pays. Kigali a rompu le 24 novembre ses relations officielles avec Paris, suite à la décision du juge Jean-Louis Bruguière de lancer neuf mandats d’arrêt contre des responsables rwandais, dont le chef de l’État Paul Kagame, accusé de « participation présumée » à l’attentat du 6 avril 1994 contre le président Juvénal Habyarimana. « Ils ont une dent contre nous. Et cela n’a pas de fin. Ils nous en veulent d’en avoir fini avec un régime dictatorial qui, pour nous, était le responsable du génocide et qui, pour eux, était un régime ami », a déclaré Paul Kagame dans une récente interview au Figaro.

Observant qu’en émettant de tels mandats, « le juge et le parquet ont créé un précédent (...) Si la France accepte que le juge Bruguière incrimine des officiels rwandais, alors il est évident que des juges rwandais peuvent incriminer des officiels français », il rappelait : « le premier ministre belge, le président américain sont venus ici et ont admis leurs responsabilités - qui n’ont rien à voir avec celles de Paris (...) C’est à la France de réfléchir. C’est à elle de décider. Si un officiel français venait à Kigali pour présenter ses excuses aux Rwandais, cela ferait une énorme différence. C’est ce qu’attendent les Rwandais ».

Jean Chatain


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message