Révolution libyenne et intervention de la coalition (par ATTAC)

dimanche 10 avril 2011.
 

Après avoir été brutalement agressés entre le 17 et le 19 février (6000 tués par balles, des milliers de blessés) les manifestants libyens ont été contraints d’utiliser les armes prises aux troupes de Kadhafi pour se défendre. Ils ont libéré les villes de l’est du pays où l’armée a rejoint les insurgés (Benghazi, El Beida, Tobrouk).

A Tripoli, et dans sa région, où se concentrent les forces de Kadhafi, renforcées par beaucoup de mercenaires, les insurgés et la population ont été sauvagement réprimés.

Les insurgés libyens ont constitué le conseil national de transition de 31 membres. Il a été rejoint par les militaires, policiers, diplomates, ministres, chefs de tribus, intellectuels choqués par la répression de Kadhafi. A la demande des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 1973 (par 10 voix pour, 0 contre et 5 abstentions) pour empêcher la prise de Benghazi par les troupes de Kadhafi.

Ce dernier a dès le début de l’insurrection choisi la logique de guerre contre son propre peuple. Il a menacé les manifestants, dans un discours tragi-comique maintenant devenu célèbre : « Nous irons vous rechercher mètre par mètre, maison par maison, jusqu’à la moindre ruelle... jusque dans vos placards. Il n’y aura pas de grâce et nous serons sans pitié ».

C’est lui qui a fait appel à des mercenaires étrangers pour tuer son peuple. Rappelons que Kadhafi est le seul dirigeant arabe qui a condamné publiquement le peuple tunisien pour avoir chassé son dicta-teur Ben Ali, décrit comme le meilleur dirigeant que la Tunisie pouvait trouver.

Aussi la situation libyenne dépasse le cadre du conflit purement interne.

Le CNT a donc demandé une aide militaire et politique pour mettre fin à l’asymétrie militaire, pour protéger les po-pulations, meurtries par les bombardements de l’artillerie de Kadhafi, pour éviter un massacre annoncé.

En même temps le CNT a clairement affirmé qu’il refusait toute présence de soldats étrangers sur le sol libyen. Il refuse de laisser Kadhafi quitter la Libye sans garantie qu’il soit jugé par une cour internationale ou libyenne.

En outre cette résolution 1973 ouvre une enquête pour crimes contre l’humanité contre Kadhafi et d’autres responsa-bles des massacres et gèle leurs actifs. Par là même le CNT signifie clairement que ce n’est pas l’intervention mili-taire qui instaurera la démocratie mais les Libyens eux-mêmes, comme les Tunisiens et les Egyptiens sont en train de le faire dans leurs pays.

Nous soutenons le peuple libyen insurgé, mais nous n’avons aucune confiance dans les intentions et les déclara-tions de nos gouvernements. Bien au contraire, nous condamnons la duplicité des gouvernements occidentaux, qui après avoir armé et collaboré avec le régime de Kadhafi, ont été contraints tardivement d’intervenir sous la pres-sion médiatique des images des massacres. Par l’intervention de leurs aviations, ils tentent de faire oublier leurs turpitudes passées et de se replacer pour continuer à bénéficier du pétrole et des ressources libyennes. Alors que la France s’est totalement discréditée dans tous les autres pays de la région où des révolutions démocratiques sont en cours, nous ne pouvons accorder aucun crédit aux déclarations de Nicolas Sarkozy, bien plus intéressé à tenter de restaurer son image sur la scène internationale qu’à soutenir les peuples en lutte.

Nous ne faisons pas non plus confiance à la Ligue arabe, qui est d’abord un conglomérat de régimes dictatoriaux, et dont les réunions sont des rituels creux d’autosatisfaction et de soutien mutuel sur le dos de leurs peuples.

Nous sommes donc attentifs aux manœuvres que les gouvernements pourront entreprendre pour déposséder le peuple libyen de son droit à déterminer lui-même son avenir. Nous restons vigilants sur l’escalade de guerre, et sur tous les dévoiements possibles de la résolution 1973 votée par le Conseil de sécurité de l’ONU. Nous condamnons le fait que le commandement de l’intervention aérienne soit transféré aux instances de l’OTAN. Nous souhaitons que le plus rapidement possible les armes se taisent, que le peuple libyen puisse exprimer ses choix politiques en toute indépendance. Nous nous élevons contre toute tentative d’imposer à l’insurrection libyenne des contrepar-ties, par exemple en termes de contrôle des migrations, de concessions sur la souveraineté du pays et sur ses ressources pétrolières

Nous assurons les insurgés libyens de notre soutien politique dans leur lutte pour les libertés, la démocratie et l’intégrité du pays. Les insurgés doivent pouvoir poursuivre leur combat par les moyens qui leur semblent appro-priés jusqu’à être en mesure de décider démocratiquement de leur avenir.

L’appréciation sur la nature de l’intervention et sur l’effet des bombardements fait débat au sein d’Attac et de son conseil d’administration. Nous sommes pris entre la crainte d’une confiscation de la révolution libyenne, la réaction légitime de méfiance envers les puissances impérialistes et l’OTAN, et la nécessité qu’il y avait de stopper l’écra-sement de la jeune révolution libyenne par le déséquilibre des armements au profit du dictateur Kadhafi. Nous allons poursuivre ce débat, notamment en organisant un séminaire ouvert à des acteurs des révolutions arabes en cours.

Le CA d’Attac le 31 mars 2011


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