Denis Robert mis en examen : "On touche à la liberté d’informer"

jeudi 14 décembre 2006.
 

L’enquête des juges a-t-elle changé de direction ?

Quand les juges ont perquisitionné la DGSE, j’ai cru qu’ils se donnaient les moyens d’aller loin. J’ai ensuite assisté, impuissant, au pourrissement du dossier. Je m’étonne aujourd’hui que les juges, qui ont d’abord semblé résister au parquet, me mettent maintenant en examen. Même si celui-ci a ordonné un réquisitoire supplétif, ils ne sont pas obligés de le faire.

La justice dispose donc d’éléments contre vous...

La première hypothèse est que d’Huy et Pons, ayant des difficultés à coincer les autres acteurs du dossier, se rabattent sur Florian Bourges et moi, mais j’ai du mal à y croire. La deuxième est qu’étant pris dans un bras de fer avec le parquet, les magistrats soient obligés de lui donner des gages pour pouvoir continuer à instruire. Difficile à croire. Je reste donc dans l’expectative.

Quelles sont les conséquences de cette mise en examen ?

En inventant l’argutie juridique du « recel d’abus de bien de confiance », dont on m’accuse, c’est à ma connaissance la première fois qu’on touche à la liberté d’informer de manière aussi précise. Si j’étais condamné, après moi, aucun journaliste ne pourra suivre ce genre de dossier sensible sans prendre le risque d’être condamné. On mettrait ainsi le doigt dans un engrenage sans savoir où il s’arrêtera.

Comment comprenez-vous le déroulement de cette affaire ?

Pour l’instant, je pense que Lahoud a falsifié les fichiers et qu’il m’a menti. Concernant Gergorin, je reste plus circonspect car il a peut-être envoyé les lettres à Van Ruymbeke en étant de bonne foi. Villepin a lui, à sa décharge, diligenté des enquêtes très tôt. Mais lorsqu’il a compris qu’il n’y avait pas eu de hacking de Clearstream, il a laissé partir l’instruction de Van Ruymbeke. Sarkozy a compris très tôt la manipulation, il savait que Chirac et Villepin voulaient sa peau. Son discours de victime est aujourd’hui bien huilé, mais les gens ne sont pas dupes.

Quel rôle a pu jouer la DGSE ?

Le lien entre Lahoud et les services secrets est beaucoup plus fort que ce que les services ont dit. Même s’il passe son temps à mentir, il m’a dit être prisonnier de querelles au sein de la DGSE. Lahoud a participé à une entreprise de déstabilisation et a forcément été protégé. C’est pour cela qu’il s’est senti si fort. Le couple Gergorin-Lahoud ne fonctionne que si on y ajoute des gens des services secrets. Seulement, l’enquête des juges n’est pas allée jusque-là.

Vous êtes pessimiste sur l’issue de l’affaire...

La saisine des juges est très limitée par rapport à l’ampleur du dossier. La justice rendue ne fera pas oublier l’essentiel : à la tête de l’Etat, il y a des menteurs et des usurpateurs. Si le jeu du ou des corbeaux était de faire oublier la vraie affaire Clearstream ou de salir Bourges et moi, c’est en revanche réussi.


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