A propos du projet PS sur l’éducation pour 2012 (par José Tovar, FASE)

samedi 10 décembre 2011.
 

Précédé d’une introduction qui déclare se situer en rupture non seulement avec la politique suivie par le gouvernement de droite, mais aussi avec l’école d’avant la droite, quand le parti socialiste était au pouvoir, le projet, intitulé « Education et Formation pour l’égalité » se présente en trois parties :

- Changer l’école pour la réussite de tous ;

- construire l’orientation tout au long de la vie ;

- et bâtir la continuité professionnelle.

Il a vocation à être une des composantes du projet politique que le PS entend proposer aux électeurs en 2012 à l’occasion de la campagne des présidentielles. Il a été adopté par la « Convention pour une égalité réelle » du PS le 11 décembre 2010.

Au niveau du diagnostic, on partagera le constat sur l’état de « crise majeure ( du système scolaire) … qui impose de tout reconstruire » d’autant plus facilement qu’il prend en compte les travaux les plus récents de la recherche en éducation sur « l’incapacité du système à faire échec à la reproduction scolaire et sociale », et qui, « pire, accroît les écarts entre les jeunes des milieux défavorisés et ceux des milieux plus aisés ». De même, on ne peut qu’approuver l’ambition affirmée de vouloir « changer l’école…pour l’émancipation de tous ». Enfin, on saluera la volonté de traiter globalement la question éducative comme une question politique majeure, partie essentielle d’un projet de société, ce qui implique de s’intéresser de près au rôle que peuvent jouer dans un tel projet éducatif les associations de parents d’élèves et celles d’éducation populaire ainsi que celui des collectivités territoriales, même si, expériences à l’appui, on peut légitimement s’interroger sur l’efficacité d’un projet qui n’engagera pas nécessairement le candidat PS éventuellement élu et s ‘inquiéter de l’absence de tout chiffrage du coût des réformes proposées « qu’il faudra mener à bien dans un contexte budgétaire et économique… de contraintes » . La double volonté de rupture affirmée d’entrée de jeu vaut donc d’être interrogée.

Le texte comporte nombre de propositions intéressantes, bien que parfois insuffisantes eu égard à l’ampleur des problèmes évoqués.

Il en va ainsi, par exemple, de la priorité absolue accordée à l’école primaire et la proposition de porter la scolarité obligatoire à 3 ans, avec un « droit à l’école maternelle à deux ans » :

Partant du constat que « c’est là que l’essentiel se joue, que les inégalités peuvent être résorbées, c’est donc là qu’il faut concentrer les moyens » ; L’engagement est pris de « mettre à plat les programmes et les évaluations Darcos », ainsi que « d’affecter, là où cela s’avérera nécessaire, un deuxième professeur dans certaines classes pour personnaliser l’enseignement » ; Un retour à la sectorisation des recrutements des élèves s’imposera également à l’enseignement privé sous contrat, qui sera soumis, du coup, à la même obligation de mixité et diversité de recrutement que l’école publique et verra disparaître ainsi son argument essentiel dans le jeu de la concurrence entre privé et public.

On apprécie également, comme mesures positives, le retour à la semaine de cinq jours éducatifs comprenant des temps de loisirs culturels et sportifs organisés en lien avec les équipes enseignantes, les collectivités et organisations d’éducation populaire » ; la remise en cause de la prolifération d’évaluations auxquelles sont soumis élèves et enseignants, ainsi que celle des redoublements, et la volonté de « réellement donner plus –qualitativement et quantitativement – à ceux qui en ont le plus besoin… sur la base d’une diffusion de la dotation non par dispositif, mais par établissement… afin de « promouvoir des initiatives innovantes pour lutter contre l’échec scolaire ». Toutes ces mesures sont à l’évidence de nature à rassurer la masse des enseignants et des parents d’élèves confrontés à l’invraisemblable accumulation de réformes désastreuses promues par les ministres Darcos et Châtel.

On regrettera, tout de même, dans ce contexte de transformations importantes programmées, que la question fondamentale des mesures à prendre au plan des structures comme au plan pédagogique pour s’assurer que tous les élèves puissent réussir les apprentissages fondamentaux de la lecture et des mathématiques dès les premiers années de l’école élémentaire ne soit pas franchement posée. Comme n’et pas vraiment posée la question des mécanismes qui , tout au long de la scolarité, entraînent, qu’on le veuille ou pas, une mise en concurrence des élèves au sein même de la classe, comme des classes et des établissements entre eux…

D’autres propositions sont plus discutables, voire franchement inquiétantes : il en va ainsi, par exemple, de La formation des enseignants, qui devrait redevenir « une priorité absolue dans le cadre d’IUFM reconstruits et rénovés » mais « qui devra comprendre une part de spécialisation disciplinaire, une part de formation professionnelle… et une option dans une deuxième discipline », manière habile d’en revenir à la bivalence des enseignants du second degré indispensable pour enseigner au « collège, dernier lieu éducatif traversé par une classe d’âge ». Dans la même veine est posée la nécessité « de la stratégie de « responsabilisation accrue ( des établissements et des équipes enseignantes ) pour élaborer des politiques de projets et d’innovation… et ainsi garantir une transmission plus effective du socle commun », le tout dans le cadre d’une « autonomie des établissements et de leurs équipes pédagogiques à qui sera confiée une part importante de la dotation horaire globale pour donner corps au projet d’établissement et aux projets locaux ». Comme le remarque à juste titre un article du journal Le Monde , « C’est une nouveauté pour un parti très attaché à la dimension nationale de l’éducation ». Nouveauté ? ou tardive découverte ?

En fait, l’essentiel réside en effet dans l’acceptation de la stratégie développée par le gouvernement sarkozy d’un système éducatif dual, organisé en deux grands blocs :

-  D’un coté des établissements ou groupes d’établissements basés sur le rapprochement école/collège dans une continuité fondée sur le « socle commun » instauré par la loi Fillion de 2005 . Cette notion – désignée également sous l’appellation de « fondation sur laquelle bâtir la suite de leur parcours scolaire », ou de « base que viendra enrichir l’ensemble des nouveaux savoirs acquis tout au long de la vie » fait l’objet d’un développement destiné manifestement à rassurer ceux qui craindraient la suppression ( programmée par la droite dans sa réforme du collège) de certaines disciplines d’enseignement, ou tout au moins de volumes horaires tels que ces enseignements n’auraient plus de sens : Le « socle commun de savoirs sur un champ très large de disciplines et de compétences ainsi que l’appropriation des codes et des règles de vie en société reposant sur les grandes valeurs de notre république », ici clairement défini par opposition à la notion de « culture commune de haut niveau pour tous dans le cadre d’une scolarité obligatoire portée à 18 ans » revendiquée notamment par la FSU et, à gauche, par le PCF, qui exprime une toute autre ambition .

-  D’un autre coté, le lycée qualifié « de toutes les réussites », auquel le projet accorde une attention réduite et très décevante : l’organisation du système en trois voies de formation est conservée sur la base de « parcours modulaires » et « d’unités d’enseignement constituant un portfolio de compétences » sans que soit abordée la question de l’inégale valeur des formations conduisant à un baccalauréat, et rien n’est dit sur les critères qui présideront à l’orientation des élèves dans ce dispositif ; la structure décrite ressemble à s’y méprendre à celle instaurée par la réforme Chatel, avec « une seconde conçue comme un cycle de découverte et de transition » et les deux années suivantes comme « cycle d’orientation et de qualification ». Le projet s’inscrit clairement dans une continuité Lycée/Enseignement supérieur, sans dire un mot des inégalités qui ne cessent de se creuser entre la minorité de ceux qui accèdent aux grandes écoles et la majorité qui entrera dans les filières universitaires.

Dans ces conditions, on ne s’étonnera pas de ne pas trouver dans ce projet de véritable réflexion sur la proposition de prolonger la scolarité obligatoire jusqu’à 18 ans, pas plus que d’une relance du service scolaire de la psychologie de l’éducation et de l’orientation des élèves… pas plus – hormis quelques proclamations de principe sur la nécessité de « remettre à plat les formations de niveau V à III - que d’une stratégie crédible de revalorisation de l’enseignement professionnel initial .

Enfin, après quelques développements convenus sur la nécessité de lutter contre le décrochage et garantir à tous les élèves une deuxième chance ; le projet prévoit la création d’un « service public d’information et d’orientation de proximité » regroupant « les professionnels de l’orientation de l’éducation nationale avec les Missions Locales de Pôle Emploi et autres services d’orientation professionnelle » mis en place par les collectivités territoriales. Cette proposition va à l’encontre des revendications des personnels CO-psy du second degré, et introduit en fait la dernière partie du texte, importante par la place qui y est consacrée (près d’ 1/3 de l’ensemble) et le sujet, habituellement traité hors de la question des Enseignements scolaires proprement dits. On comprend vite pourquoi, puisque il est ici prévu de « faire de l’école un lieu de formation tout au long de la vie et plus généralement de la vie locale » : « les établissements scolaires devront être ouverts en soirée, le Week End, et pendant les vacances à des actions d’éducation populaire… les équipements informatiques, professionnels, les plateaux techniques, les CDI ainsi que le matériel pédagogique devront être des ressources dans le cadre de la formation tout au long de la vie ».

S’ensuit un long développement sur la formation intitulé « Bâtir la continuité professionnelle » comportant nombre de dispositions visant à instaurer un droit pour tous les travailleurs à « des mobilités sécurisées en termes de revenus » et reposant sur « droit à la formation tout au long de la vie professionnelle ». Nous n’entrerons pas plus avant dans l’analyse de cette partie du projet, qui demanderait de longs développements notamment sur la politique de l’emploi et l’utilisation des fonds récoltés pour financer les politiques de formation continue , ce que le projet n’aborde pas, se contentant de quelques proclamations de principe peu convaincantes.

Au total, derrière un vocabulaire accrocheur et des propositions reprenant souvent des revendications du mouvement syndical enseignant mais restant toujours à la périphérie ou à la marge de l’essentiel, le choix est fait d’un système éducatif à deux vitesses, fortement axé sur la dimension éducative du service public mais peu soucieux de la qualité et du processus de transmission des savoirs constitutifs d’une culture générale pour tous digne des enjeux de civilisation du XXIème siècle, et essentiellement préoccupé des modes de fabrication de la main d’œuvre de demain dans une conception de la division du travail dont l’inspiration se situe nettement du coté des instances européennes : un socle commun permettant à une partie des élèves ayant suivi le cursus de l’école obligatoire ( école-collège ) jusqu’à 16 ans d’acquérir les supposés fondamentaux permettant de s’insérer dans la société et dans le monde du travail aux niveaux de qualification des métiers d’exécution, et un ensemble Lycée/enseignement supérieur chargé de fournir à « l’économie de la connaissance » les cadres dont celle ci aura besoin dans la compétition internationale. Vous aviez dit « Ruptures » ?

J.T. le 17 03 2011


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