Quand le profit gouverne le monde

mardi 2 août 2011.
 

Pas besoin d’avoir fait les plus grandes universités du Japon pour savoir qu’il est très dangereux de construire des centrales nucléaires dans des zones sismiques. Pas besoin d’être un expert de haut vol pour savoir que les subprimes, innovation qui prétend transformer une personne insolvable en propriétaire, sont de véritables armes de destruction massive de la finance mondiale. Et pourtant ! Les intelligents qui nous gouvernent l’ont fait, provoquant des catastrophes prévisibles et annoncées.

Gouverner c’est prévoir, disait un journaliste français du 19e siècle. Le système médiatique du 21e préfère nous distraire avec des menaces de pacotille : reportages choc sur chaque bateau de réfugiés à Lampedusa, articulets à la mine grave après chaque déclaration de Trichet sur la terrible menace de l’inflation (celle des salaires bien sûr, pas celle galopante des papiers qui s’échangent en Bourse). Rien qui puisse empêcher les puissants de continuer leurs affaires. Ils entendent même continuer ! Les belles personnes ont des mises en pli idéologiques qui résistent aux pires bourrasques. Guaino estime ainsi que l’accident nucléaire au Japon va renforcer la filière française, qui elle serait sure.

Dans la vraie vie le risque zéro n’existe pas. C’est un grave problème en matière nucléaire, car au-dessus du risque zéro, on monte très vite et très haut dans l’échelle des conséquences dramatiques. Les ministres européens réunis alors que les profits bancaires sont à nouveau exubérants organisent de nouvelles ponctions destructrices sur le travail vivant et des violations inouïes de la souveraineté populaire avec leur pacte d’austérité pour l’euro.

Pourquoi des gens si intelligents nourrissent de tels désastres ? C’est que le profit et non la raison gouverne le monde. Le profit financier, le plus vorace, le plus irresponsable quant à ses conséquences et le plus étroitement focalisé sur le court-terme. Ils ont privatisé le nucléaire, mettant les investissements de sécurité en balance avec les dividendes des actionnaires. Ils ont bloqué l’indispensable recherche publique sur des énergies alternatives pour laisser ce marché au privé. Ils ont privatisé la monnaie, enchaîné les Etats à la finance mondiale pour que jamais la souveraineté populaire ne vienne entraver la recherche du profit maximal.

La raison n’est pas un don des personnes. Son éclosion repose sur un système collectif : un haut niveau d’éducation permettant l’autonomie de la pensée critique, des conditions de vie stables pour ne pas être enchaîné à la survie à court-terme et pouvoir penser l’intérêt général, un écart limité des salaires et des revenus sinon c’est le sentiment de toute-puissance de quelques-uns et la fascination organisée des autres pour ces accumulations obscènes, un système politique qui permet d’échanger des arguments, des services publics afin d’appliquer la volonté générale…

Planification écologique, lutte contre la précarité, partage des richesses, services publics, pôle financier public, 6e République, les axes du programme du Front de Gauche peuvent être rapportés à cette grande ambition de mettre la raison aux commandes. Bien sûr cette raison là ne peut être que relative et collective. C’est-à-dire exercée par le peuple. Ce n’est pas un hasard si les intelligents qui nous gouvernent expriment un tel mépris à son égard.

Pour eux, le peuple est le problème, pour nous il est la solution.

François Delapierre le 17 mars 2011


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