Menteur comme un sondeur

lundi 14 mars 2011.
 

« On ment pour avoir de la reprise médiatique ». C’est le directeur général adjoint de CSA, Jérôme Sainte-Marie, qui le dit après la publication dimanche d’un sondage en ligne mettant Marine Le Pen au second tour de la présidentielle, en mai 2012, dans 15 mois. « Un choix éditorial a été fait : il fallait absolument avoir Marine Le Pen devant au premier tour » explique-t-il. Ces déclarations sont tout bonnement sans précédent dans une profession marquée par une puissante solidarité corporatiste, dont les dirigeants passent d’une crèmerie à l’autre, puisque à cette occasion Sainte-Marie accuse son concurrent d’avoir déjà publié des sondages bidonnés à l’époque où il dirigeait CSA, son propre institut !

Le sondeur ainsi mis en cause a été dès lors obligé de riposter. Il a dégainé dès le lendemain (il lui suffit d’insérer une question de plus dans d’interminables questionnaires qui portent sur tout autre chose) un autre sondage testant la candidature de Strauss Kahn et « trouvant » une fois de plus Marine Le Pen en tête. Eh eh s’est-il sans doute dit, voici ma réplique à Sainte-Marie qui expliquait Le Pen en tête par le fait que Strauss Kahn n’était pas testé. Pour démonter la manipulation de son concurrent, le boss de CSA va donc devoir en dire plus sur les arrière-cuisines des sondeurs.

Cette soudaine zizanie chez les sondeurs tient d’abord au fait qu’une résistance s’exprime pour la première fois face au bombardement sondagier. Il est remarquable de noter qu’une proposition de loi encadrant les sondages, interdisant par exemple les gratifications pratiquées par les sondages en ligne et obligeant les sondeurs à publier leurs chiffres bruts a non seulement été déposée mais adoptée à l’unanimité du Sénat il y a quelques semaines. Et cela malgré les pressions de l’Elysée. Les sondeurs sont touchés à leur tour par le discrédit massif qui a frappé leurs comparses médiatiques ; c’est logique vu leur consanguinité.

Certes l’édifice n’est pas écroulé. Les sondages peuvent encore fonctionner comme des « prophéties autoréalisatrices » : mettre quelqu’un haut peut lui apporter une énergie réelle dans les urnes. Mais ces premières fissures doivent être notées, applaudies et élargies avec tous les instruments qui nous tombent sous la main. Car les sondages reposent sur une croyance : c’est parce que leurs pronostics sont crus qu’ils se vérifient. L’effondrement de cette croyance serait extraordinairement positive pour notre démocratie. Effondrés les ressorts du « vote utile » dépolitisant qui prive les électeurs du droit d’arbitrer entre des programmes différents en les transformant en parieur sur un champ de courses politique ! Envolée la base sur laquelle les Verts Europe Ecologie pensent négocier avec le PS leur poids supposé dans la présidentielle contre des circonscriptions aux législatives, niant ainsi la dignité civique du premier tour ! Disparu le paravent avec lequel Besancenot veut masquer le désaveu qu’a subi sa stratégie d’isolement deux fois déjà dans les urnes. Pulvérisée la preuve que Marine Le Pen serait différente de son père ! C’est dire qu’une fois l’émotion passée, nous serons à nouveau bien seuls à critiquer les sondages. Mais heureusement, une opportunité extraordinaire se présente pour les confondre une nouvelle fois. Dans moins de deux semaines, la moitié du pays est appelée aux urnes pour les élections cantonales. Là on verra la réalité des rapports de force politiques. Et un effet de réalité se produira qui peut effondrer les constructions médiatico-sondagières.


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