Sondage et bidouillage

jeudi 17 mars 2011.
 

Encore une grosse manipulation pré-électorale. Une « enquête d’opinion », en pure bidouille, affirme que Le Pen est en tête du premier tour de l’élection présidentielle de 2012. Bien sur pas un mot des résultats possibles des cantonales qui ont lieu dans quinze jours. Les voyous qui mènent ce genre de diversion craignent trop d’être démentis de leurs affirmations depuis des mois sur la « percée spectaculaire de Le Pen » par cette élection qui arrive. Il leur faut donc botter en touche loin devant pour sauver leur roman. Et sauver aussi le diable de confort, l’arme de destruction massive du débat politique, que représente la peur du loup et son corollaire abrutissant : le vote utile. J’en parle, avec dégout et colère.

Il ne faut pas céder aux agitations sur la méta-réalité de l’univers des sondages. Il faut rester dans le présent du réel. Je prends donc le risque de parler aussi de choses graves qu’il faut expliquer puisque la foire informative n’en a que faire. Je parle de ce qui se prépare en Europe pour les prochains mois avec le pacte de compétitivité.

Vous verrez. Les apprentis sorciers médiatico-sondageurs iront jusqu’au bout de leur sale besogne. Leur campagne pour Marine Le Pen l’aidera considérablement. Vous vous souvenez des émissions à répétition d’Arlette chabot exaltant sur le service public les thèmes racistes et xénophobes sous couleur de les mettre en débat ? Vous avez à l’esprit la répétition des sondages bidons à 800 personnes interrogées « selon la méthode des quotas », par téléphone, ou en ligne, avec leurs coefficients multiplicateurs bidouillés répétant en boucle la fable d’une percée foudroyante du Front National ? Vous vous rappelez de l’amalgame du Front de gauche au Front national ? Et de moi aux Le Pen ? Et la mise en scène par des médias répétant en boucle le bobard d’une extrême droite « laïque » ? Sans oublier l’apologie de l’appétissant Dominique Strauss-Kahn et son FMI comme seule alternative possible à l’interminable calvaire social du sarkozysme. Tout ça, et combien d’autres choses, parmi les insanités du système médiatico-sondagier connait à présent une apothéose. Un sondage « en ligne » prétend que Le Pen est en tête du premier tour. La valeur de cette « enquête » est à peu près égale à la consultation des viscères de poulet par les prêtres augures de la Rome antique. Le sondage est « en ligne ». Une « enquête » par internet ! Cela signifie entre autre chose que personne ne peut certifier que les réponses sont bien faites par ceux à qui on pose la question « selon la méthode des quotas ». Et sans qu’on sache davantage quel bidouillages, coefficient multiplicateur, redressement, et autres salades pourries sont à l’œuvre dans la fabrication de cet "évènement". Ce que l’on sait c’est que cet institut de sondage recrute ses sondés en leur promettant "d’influencer les décideurs" et un leur offrant des prix et des cadeaux. Inutile de dire que sur une telle base, à supposer qu’on accorde de la valeur aux sondages "en général", ceux là par contre ne méritent rien d’autres que du mépris.

A présent nous voici avec un sondage sur les bras que les animaux médiatiques vont ruminer pendant des jours et des jours nous obligeant à discuter un fait qui est leur propre fabrication. Ca a commencé ce samedi. Je ne savais rien du sondage, puisqu’il n’était pas publié. Mais déjà je devais répondre à une nuée d’insectes médiatiques qui se jetaient sur moi pour me tirer un commentaire et faire vivre cette information. Je m’en veux d’avoir répondu à deux nuisibles sans y avoir regardé de plus près ni bien préparé mes mots. Il est vrai que je n’arrivais même pas à y croire. Bien sûr, notre manifestation pour le droits des femmes, ils n’en avaient rien à fiche ! Sinon pour introduire leur question sur le mode faussement subtil et clin d’œil doucereux de cette engeance : « aujourd’hui c’est la journée des femmes et il y a une femme qui fait parler d’elle etc. etc. ». Une pseudo réalité, celle d’un sondage plutôt qu’une réalité, celles des gens réellement mobilisés dans la rue pour défendre une opinion. Voila toute notre époque.

En quoi est-ce très dangereux ? On le sait depuis le début de l’existence de ce genre de trafic. C’est bien pourquoi, par exemple, Beuve Méry, le fondateur du "Monde" ne voulait pas que son journal publie de sondage à l’époque où cette invention arriva des Etats Unis. Pourquoi cet outil est-il un artefact ? A l’entrée, le questionnaire et la façon de questionner biaise les réponses. Au milieu, le redressement des résultats bruts obtenus de cette façon est une alchimie de rebouteux. A la sortie la répétition du résultat crée une réalité même si elle n’existait pas avant. Les ouvrages de référence sur ce thème ne manquent pas. Ceux qui établissent le caractère scientifique de ces enquêtes n‘existent pas, tout simplement.

Le premier fabricant de tout cela c’est Sarkozy lui-même, évidemment. Sa politique. Mais il y a aussi la pourriture progressive de la sphère politique dans le refus d’imaginer quoique ce soit de différent que les fadaises comme « l’Europe qui protège », le marché « horizon indépassable », l’austérité pour tous, et ainsi de suite. Sans oublier l’incroyable intolérance et violence permanente contre tout ce qui tient tête au système. Tout cela jette dans les bras du néant des masses de gens. Et devant le chaos, confortés par le chef de l’Etat lui-même dans l’idée que le problème ce sont les immigrés et les dangers de l’islam plutôt que le système financier, tout un pan de la droite « d’en bas » se dit « puisque c’est ça, alors autant aller au plus durs et à ceux qui n’ont pas des casseroles aux fesses, des cigares, des voyages en avions et tutti quanti ». Bref, il y a bien toute une droite qui préfère dorénavant l’original Le Peniste à la copie Sarkozyste.

Mais le système qui met en scène cette histoire pour faire vendre du papier et créer des débats bidon est lui en encore plus criminel. Bien sûr, tout est dans la bataille politique. Mais nous devons aussi avancer dans notre mise en cause des méthodes manipulatoire des sondeurs. Nous devons exiger le vote à l’assemblée de la loi Sueur sur les sondages. Elle a été adoptée à l’unanimité du Sénat, contre l’avis du gouvernement, qui impose des règles de transparence sur le financement et les méthodes d’enquêtes des instituts de sondage. Aujourd’hui ces instituts font un travail souterrain impressionnant pour empêcher cette loi d’être votée à l’assemblée et ils font tout pour la dénaturer. On sait où est notre devoir.


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