Pourquoi je quitte un NPA devenu sectaire et trop personnalisé (par Philippe Marlière)

vendredi 25 février 2011.
 

Comme tant d’autres camarades, je quitte le Nouveau Parti anticapitaliste sur la pointe des pieds. Je ne regrette pourtant pas de l’avoir rejoint il y a deux ans. Le NPA souhaitait se donner les moyens d’en finir avec l’hégémonie à gauche d’un Parti socialiste qui n’a tiré aucune leçon de la crise du capitalisme et qui vient de se rallier aux institutions monarchiques de la Ve République.

Le nouveau parti semblait le mieux placé pour rassembler une gauche de gauche, plurielle et unitaire. Il apparaissait le plus résolu dans son combat anticapitaliste, le plus à même de susciter un espoir dans les milieux populaires et chez les jeunes. L’objectif était ambitieux, aléatoire, mais réalisable. Le « pari du grand parti » de la gauche anticapitaliste a, selon moi, spectaculairement échoué.

Un parti ouvert, pas l’avant-garde léniniste

L’une des originalités du projet NPA était de mettre de côté la conception du parti d’avant-garde pour s’ouvrir aux personnes traditionnellement exclues du militantisme : les femmes, les ouvriers, les jeunes et les individus issus des minorités.

Les premiers temps avaient été prometteurs : des représentants d’associations antiracistes, féministes, écologistes, des jeunes de banlieue s’étaient impliqués. Des syndicalistes, des altermondialistes et même quelques ex-communistes et ex-socialistes avaient répondu à l’appel.

Il s’agissait d’imaginer un mode de fonctionnement du parti plus décentralisé, fédéraliste, d’expérimenter une forme inédite de démocratie partisane. L’expérience fut de courte durée. Le cas de la candidate voilée, Ilham Moussaïd, investie par le comité d’Avignon lors des élections régionales, est symptomatique de la reprise en main de l’appareil.

Le premier congrès vient de décider qu’à l’avenir, de telles décisions devraient être prises par les instances nationales. De la même manière, les comités locaux qui ont préconisé des alliances avec le Front de gauche lors des élections régionales et cantonales ont été mis au pas par la direction du parti.

Pas un pouvoir ultra-personnalisé autour de Besancenot

Il faut reconnaître des succès : la base traditionnelle de la LCR (fonction publique, intellectuels) a été un peu élargie. Proportionnellement à sa force militante, le NPA compte plus de jeunes et de femmes que tout autre parti de gauche. Des militants des banlieues sont arrivés, mais ont fait l’objet d’attaques de la part de la direction dès que leur indépendance politique a commencé à gêner (Abdel Zahiri sur la laïcité, par exemple). La controverse à propos de la candidature d’Ilham Moussaïd a découragé nombre d’entre eux.

Au NPA, les esprits sont certes plus évolués sur la question du voile islamique qu’au Parti de gauche ou au PS. Cependant, une culture républicano-communautariste, anti-voile y prédomine toujours. Le congrès vient de décider que des militantes voilées peuvent militer dans le NPA, mais ne peuvent pas y représenter le parti comme candidates. Comprenne qui pourra.

Il est étonnant qu’un parti révolutionnaire luttant contre l’institutionnalisation du politique ait pu à ce point personnaliser le pouvoir autour de son porte-parole. Selon toute vraisemblance, la direction s’apprête à mettre en scène la troisième candidature de Besancenot à l’élection présidentielle.

Ajoutons à cela le déclin intellectuel de l’encadrement partisan. Daniel Bensaïd est décédé, des cadres chevronnés se sont retirés et la nouvelle génération d’intellectuels du parti a été superbement ignorée. Tout est à nous, l’hebdomadaire de l’orga qui a succédé à l’illustre Rouge, est une feuille syndicalo-gauchiste illisible.

En fait, la vie intellectuelle du parti se déroule en marge du NPA : dans la Société Louise Michel ou encore avec la revue Contretemps et son site internet.

Un parti unitaire, pas sectaire

Jamais deux sans trois. Après les échecs des élections européennes et régionales, le NPA s’entête dans un isolement à gauche aussi absurde que suicidaire. La direction du NPA agit comme s’il n’existait aucune force entre le NPA et le PS.

À chaque élection et à chaque mouvement social, les faits lui donnent tort : Front de gauche, FASE, Verts de gauche, Attac, Fondation Copernic ; l’espace à la gauche du PS est en fait saturé. Un minimum de lucidité permettrait de comprendre que les discours unitaires du Front de gauche ne l’ont pas desservi, bien au contraire.

Outre son combat contre la bureaucratie stalinienne, ce qui a fait l’intérêt du courant trotskyste, c’est son souci de bâtir l’unité contre les sectarismes de gauche. La LCR se souciait des débats dans la gauche communiste et socialiste. Ce n’est plus le cas. Le réflexe unitaire a presque disparu, remplacé par une ligne « gaucho-guevariste » de type « le NPA seul contre tous ! ».

Ce positionnement est sectaire, arrogant et stupide :

- sectaire, car en dépit des dénégations de Besancenot, le NPA apparaît aux yeux des électeurs comme le parti qui s’oppose à l’unité de la gauche radicale ;

- arrogant, car le NPA semble estimer que les forces de gauche vont, par enchantement, se rallier à lui ;

- stupide, car il prive la gauche d’une alternative au social-libéralisme.

Pour inquiéter le PS, une gauche de gauche unie

Une gauche unie autour d’un programme crédible recueillerait en France entre 15 à 20% des voix.

La mobilisation contre la réforme des retraites a encore démontré que les travailleurs français sont en Europe le fer de lance de la lutte contre les politiques de régression sociale de la droite et de la plupart des gouvernements sociaux-démocrates.

Pourquoi, par exemple, le NPA n’a-t-il pas saisi l’occasion de cette mobilisation populaire pour unir la gauche autour de propositions concrètes ? Le PS, qui a voté le passage de 40 à 41,5 annuités, dont le candidat putatif a soutenu la réforme Sarkozy, dont les eurodéputés votent avec la droite le démantèlement des services publics au parlement européen, n’en menait pas large.

Une telle démarche aurait non seulement permis de rassembler la gauche autour du NPA, mais aussi de confondre la duplicité de Solferino. En outre, les électeurs socialistes auraient apprécié !

Seule une gauche de gauche unie serait à même d’inquiéter le PS. Pour commencer, elle déraillerait une candidature Strauss-Kahn à l’élection présidentielle. Le sectarisme du NPA fait le jeu de DSK, car il permet aux cadres socialistes d’exprimer leurs tropismes droitiers en toute quiétude. Olivier Besancenot, qui n’a qu’un tour dans son sac, nous refait aujourd’hui le coup de 2007 ; celui d’une « candidature de rassemblement issue du mouvement social ». Il faut se demander par quel concours miraculeux ce « candidat issu du mouvement social » sortira des rangs, puisque le NPA refuse toute négociation avec le Front de gauche, la composante la plus importante de la gauche radicale.

Comme en 2007, le NPA prétendra rechercher une candidature unique, fera tout dans les faits pour qu’elle capote et, faute d’alliés, intronisera Olivier Besancenot.

Répondre à l’ouverture du Parti de gauche

On peut légitimement se méfier des intentions de Jean-Luc Mélenchon. Mais à quoi bon faire une fixation sur son passé mitterrandiste ou son leadership autocratique ? Ne serait-il pas plus utile d’essayer de faire du NPA le point névralgique de l’unité ? Il suffirait pour cela de répondre à l’ouverture du Parti de gauche.

Le PG se dit prêt à appliquer en France un « programme de radicalité en rupture avec le système capitaliste et les logiques productivistes » ?

Discutons-en, mettons-nous d’accord sur ce programme, et malheur à qui rompt le pacte et s’allie avec le PS.

Un programme a minima arrimerait le PG à gauche et empêcherait toute alliance gouvernementale du Front de gauche avec le PS. En l’absence de tractations, Mélenchon peut se poser en « victime du sectarisme du NPA.

Plus grave encore, le président du PG peut en toute liberté continuer de discourir avec radicalité sans que personne ne vérifie si cette radicalité est réellement motivée, ou s’il ne s’agit que d’un discours de façade.

Que faire ? Ne surtout pas se résoudre à l’incurie des états-majors de partis, ni baisser les bras. Il est clair que le repli sectaire du NPA va installer le Front de gauche au cœur de la gauche. Il faut donc regarder ce qui s’y passe et agir sur ce qui s’y fait.

Les obstacles sont pourtant importants : ni le PG, ni le PCF ne laisseront se développer des courants radicaux en leur sein. Il faut donc espérer que les militants anticapitalistes unitaires puissent se regrouper au sein de la nébuleuse Front de gauche. C’est évidemment plus facile à écrire qu’à faire.

On peut aussi rêver que le NPA, par instinct d’auto-préservation, abandonne sa ligne sectaire et rejoigne le combat unitaire.

Philippe Marlière


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message