Candidature anti-libérale, Yves Salesse : « Si l’unité se brisait, ce serait catastrophique »

samedi 9 décembre 2006.
 

Conseiller d’État et président de la Fondation Copernic, il est candidat à l’investiture des collectifs antilibéraux. Pour lui, une majorité sur un nom dans les collectifs ne suffit pas.

Entretien

Olivier Besancenot vient de déclarer : « La gauche antilibérale affiche une unité de façade sur les tribunes et s’engueule en coulisse sur le nom du candidat. » Qu’en pensez-vous ?

Yves Salesse. C’est de la mauvaise polémique. Dans les collectifs et les meetings, nous ne cachons rien. Nous montrons tout ce que nous avons en commun sur le plan stratégique, sur les propositions. Et nous n’hésitons pas à dire ce qui fait débat. La discussion sur la candidature n’est pas un secret.

Quel est le sens de votre candidature ?

Yves Salesse. Nous recherchons - et c’est compliqué - un double consensus. D’une part dans les collectifs, d’autre part entre les différentes sensibilités. Car nous ne sommes pas un parti, ce n’est pas parce qu’il y aurait une majorité sur un nom dans les collectifs que celui-ci serait acceptable par les forces qui composent notre rassemblement. Dans cette recherche de consensus, il est utile de proposer des trajectoires, des expériences, des profils différents.

Certains disent que le ou la responsable d’un parti ne peut être candidat, qu’en pensez-vous ?

Yves Salesse. C’est un vrai problème. Le porte-parole d’un parti quel qu’il soit peut-il apparaître aux yeux de l’opinion publique autrement que comme le porte-parole de ce parti ? Cela ne paraît pas possible parce que c’est ce rôle qui fait sa notoriété. Des camarades du Parti communistes nous disent : nous sommes la composante organisée la plus importante, nous avons donc une légitimité. Certes. Mais cela renforce l’idée que si la candidate était Marie-George cela apparaîtrait comme un ralliement à la candidature du PCF de tous ceux qui participent à notre rassemblement. C’est évidemment difficile pour les camarades de la LCR, des Verts, socialistes et autres, et ceux qui viennent du mouvement social. Et comme nous ne faisons pas un coup électoral, comme le rassemblement a vocation à se poursuivre, donner l’idée que cette démarche se construit autour d’un parti serait un obstacle pour la suite.

N’y a-t-il pas là une idée dévalorisante des partis politiques ? Ne sont-ils pas une conquête démocratique qui permet à ceux qui n’en ont pas les moyens par leur position sociale de se faire entendre et de peser sur le cours des choses ?

Yves Salesse. Les partis sont indispensables, ils sont une conquête démocratique. Mais le problème n’est pas là, il est dans le regroupement derrière un parti. Et faisons attention. J’étais de ceux, avec la Fondation Copernic, qui se battaient contre l’idée vénéneuse que le mouvement social ne doit rien faire avec les partis. L’idée de la collaboration nécessaire a bien progressé. Mais si revenait le sentiment que les raisons internes des partis prévalent sur l’intérêt général cela susciterait un nouveau rejet de ceux-ci.

Le programme des collectifs antilibéraux fait-il le poids pour gagner des voix dans les milieux populaires et faire face au rouleau compresseur du vote « utile » en faveur de Ségolène Royal ?

Yves Salesse. Notre programme a trois caractéristiques. La première, une cohérence politique générale qui vise à construire un autre type de société. Celle dans laquelle nous vivons est inacceptable. Ce sentiment est largement partagé dans notre peuple. Deuxième caractéristique : cette cohérence générale ne peut, à elle seule, bousculer la situation. Il faut qu’elle se traduise en mesures concrètes dont on ne puisse dire qu’elles relèvent de la fantasmagorie. C’est ce que nous avons réussi. Nos propositions sont applicables si existent une majorité, une volonté politique et un appui populaire suffisant. Troisième caractéristique : ces propositions s’ordonnent autour d’une préoccupation immédiate, changer les conditions d’existence des couches populaires, à commencer par celles qui souffrent le plus des politiques libérales. Ces trois caractéristiques permettent de mener une grande bataille politique, de convaincre largement dans les milieux populaires de la détermination du rassemblement en construction à se donner les moyens de changer la donne.

Jean-Luc Mélenchon était présent au meeting de Montpellier. Y a-t-il une situation nouvelle après le vote interne du PS ?

Yves Salesse. La situation nouvelle, comme le dit Marie-George Buffet dans son appel au peuple de gauche, c’est que le Parti socialiste est tiré vers la droite par une candidate qui a remporté un succès interne. C’est très préoccupant. Et je ne suis pas convaincu que cela nous ouvre un boulevard. Ségolène Royal a une capacité de brouillage politique. Son message peut être décrypté comme blairiste mais elle a su capter des gens qui, eux, n’ont pas forcément évolué vers la droite. D’où l’utilité de pousser le débat sur les propositions. Enfin, cela renforce la nécessité pour le rassemblement de se donner l’objectif de peser sur les événements, pas simplement de témoigner. On ne peut pas laisser la gauche, et donc l’avenir des couches populaires et l’avenir de ce pays, à un courant et des responsables politiques sociaux-libéraux.

Le Mans, Grenoble, Montpellier, la dynamique ressemble-t-elle à celle du référendum ?

Yves Salesse. C’est très impressionnant. Nous n’avons pas de candidat, nous commençons tout juste à nous tourner vers l’extérieur après des mois de nécessaires discussions entre nous et pourtant ces rassemblements sont du type de ceux que l’on a connus à la fin de la campagne référendaire, quand on sentait la victoire à portée de main.

Dans ce contexte, le problème des candidatures peut-il être dépassé ?

Yves Salesse. Je ne fais jamais de pronostic. J’essaie de trouver une position qui me paraît juste, de la défendre jusqu’au bout, tant que c’est possible. Politiquement, si nous n’arrivions pas à franchir l’obstacle de la candidature, si ce rassemblement unitaire se trouvait brisé, ce serait catastrophique, il s’ensuivrait une démoralisation pour tout le monde. Et le prix à payer lors de l’échéance électorale, pour les formations qui seraient en compétition, serait très élevé.


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