Forum Social Mondial de Dakar FSM DAKAR : DÉCLARATION DE L’ASSEMBLÉE DES MOUVEMENTS SOCIAUX (8 articles)

mercredi 16 février 2011.
 

Dix ans après le célèbre premier Forum Social Mondial de Porto Alegre ( 25 au 30 janvier 2001), le 10e Forum Social Mondial (FSM) se tient en 2011 à Dakar la capitale du Sénégal. Prévu du 6 au 11 février, il s’articule autour de trois axes stratégiques :

* approfondir la critique du capitalisme,

* renforcer les luttes et résistances contre le capitalisme, l’impérialisme et l’oppression

* construire des alternatives démocratiques et populaires.

8) FSM DAKAR : DÉCLARATION DE L’ASSEMBLÉE DES MOUVEMENTS SOCIAUX

vendredi 11 février 2011

Nous, réunies et réunis lors de l’Assemblée des mouvements sociaux du Forum social mondial 2011 à Dakar affirmons l’apport capital de l’Afrique et de ses peuples dans la construction de la civilisation humaine. Ensemble, les peuples de tous les continents mènent des luttes pour s’opposer avec la plus grande énergie à la domination du capital, cachée derrière des promesses de progrès économique et d’apparente stabilité politique. La décolonisation des peuples opprimés reste pour nous, mouvements sociaux du monde entier, un grand défi à relever.

Nous affirmons notre soutien et notre solidarité active aux peuples de Tunisie, d’Egypte et du monde arabe qui se lèvent aujourd’hui pour revendiquer une véritable démocratie et construire un pouvoir populaire. De part leurs luttes, ils montrent la voie d’un autre monde débarrassé de l’oppression et de l’exploitation.

Nous réaffirmons avec force notre soutien aux peuples ivoirien, d’Afrique et du monde dans leurs luttes pour une démocratie souveraine et participative. Nous défendons le droit à l’autodétermination de tous les peuples.

Au sein du processus FSM, l’Assemblée des mouvements sociaux est l’espace où nous nous réunissons avec notre diversité, pour construire nos agendas et luttes communes contre le capitalisme, le patriarcat, le racisme et toute forme de discrimination.

A Dakar, nous célébrons les 10 ans du premier Forum qui s’est tenu à Porto Alegre en 2001. Au cours de cette période, nous avons construit une histoire et un travail communs qui a permis certaines avancées, notamment en Amérique latine, où nous avons réussi à freiner des alliances néo-libérales et concrétiser plusieurs alternatives pour un développement socialement juste et respectueux de la nature.

Au cours de ces 10 ans, nous avons également assisté à l’explosion d’une crise systémique qui s’est déclinée en crise alimentaire, environnementale, financière et économique, et qui a donné lieu à l’accroissement des migrations et déplacements forcés de populations, de l’exploitation, de l’endettement, des inégalités sociales.

Nous dénonçons le rôle des acteurs du système (banques, transnationales, grands médias, institutions internationales, …) qui, à la recherche du profit maximum, continuent leur politique interventionniste via des guerres, des occupations militaires, des supposées missions humanitaires, la création de bases militaires, le pillage des ressources naturelles, l’exploitation des peuples, la manipulation idéologique. Nous dénonçons également la cooptation qu’ils exercent à travers le financement de secteurs sociaux servant leurs intérêts, et leurs pratiques assistentialistes qui génèrent la dépendance.

Le capitalisme détruit la vie quotidienne des populations. Mais, chaque jour naissent de nombreuses luttes pour la justice sociale, pour éliminer les dégâts du colonialisme et pour que toutes tous obtiennent une qualité de vie digne. Nous affirmons que nous, les peuples, ne devons plus payer pour leur crise et qu’il n’y a pas d’issue à cette crise au sein du système capitaliste.

Réaffirmant la nécessité de construire une stratégie commune de lutte contre le capitalisme, nous, mouvements sociaux :

Nous luttons contre les transnationales parce qu’elles soutiennent le système capitaliste, privatisent la vie, les services publics et les biens communs comme l’eau, l’air, la terre, les semences, les ressources minérales. Les transnationales promeuvent les guerres, par le biais de l’engagement d’entreprises privées et mercenaires et de la production d’armes, reproduisent des pratiques extractivistes nuisibles à la vie, accaparent nos terres et développent des semences et aliments transgéniques qui enlèvent aux peuples le droit à l’alimentation et détruisent la biodiversité.

Nous exigeons la souveraineté des peuples dans la définition de leur mode de vie. Nous exigeons la mise en place de politiques qui protègent les productions locales, donnent une dignité aux tâches agricoles et conservent les valeurs ancestrales de la vie. Nous dénonçons les traités néolibéraux de libre échange et exigeons la liberté de circulation pour tous les êtres humains.

Nous continuons à nous mobiliser pour l’annulation inconditionnelle de la dette publique de tous les pays du Sud. Nous dénonçons également, dans les pays du Nord, l’utilisation de la dette publique pour imposer aux peuples des politiques injustes et anti-sociales.

Mobilisons nous massivement à l’occasion des réunions des G8 et G20 pour dire non à ces politiques qui nous traitent comme des marchandises !

Nous luttons pour la justice climatique et la souveraineté alimentaire. Le réchauffement global est un produit du système capitaliste de production, distribution et consommation. Les transnationales, les institutions financières internationales et les gouvernements à leur service ne veulent pas réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Nous dénonçons le « capitalisme vert », et refusons les fausses solutions à la crise climatique comme les agrocarburants, les organismes génétiquement modifiés et les mécanismes de marché de carbone, comme le REDD, qui font miroiter aux populations appauvries des progrès, tout en privatisant et transformant en marchandises les forêts et territoires où ces populations ont vécu pendant des millénaires.

Nous défendons la souveraineté alimentaire et l’accord atteint pendant le sommet des peuples contre le changement climatique qui s’est tenu à Cochabamba, où des véritables alternatives à la crise climatique ont été construites avec les mouvements sociaux et organisations du monde entier.

Mobilisons nous, tous et toutes, en particulier sur le continent africain, pendant le COP 17 à Durban en Afrique du Sud et à « Rio +20 » en 2012, pour réaffirmer les droits des peuples et de la nature et arrêter l’accord illégitime de Cancun.

Nous défendons l’agriculture paysanne qui et une solution réelle à la crise alimentaire et climatique et signifie aussi l’accès à la terre pour celles et ceux qui la travaillent. Pour cela, nous appelons à une grande mobilisation pour stopper l’accaparement des terres et appuyer les luttes paysannes locales.

Nous luttons contre la violence envers les femmes qui est exercée régulièrement dans les territoires occupés militairement, mais aussi contre la violence dont souffrent les femmes quand elles sont criminalisées parce qu’elles participent activement aux luttes sociales. Nous luttons contre la violence domestique et sexuelle qui est exercée sur elles quand elles sont considérées comme des objets ou marchandises, quand leur souveraineté sur leur corps et leur spiritualité n’est pas reconnue. Nous luttons contre la traite des femmes, des filles et garçons. Mobilisons-nous tous ensemble, partout dans le monde, contre les violences faites aux femmes. Nous défendons la diversité sexuelle, le droit à l’autodétermination du genre, et nous luttons contre l’homophobie et les violences sexistes.

Nous luttons pour la paix et contre la guerre, le colonialisme, les occupations et la militarisation de nos territoires.

Les puissances impérialistes utilisent des bases militaires, pour provoquer des conflits, contrôler et piller les ressources naturelles, et promouvoir des initiatives antidémocratiques comme ils l’ont fait avec le coup d’Etat au Honduras et l’occupation militaire en Haiti. Ils promeuvent guerres et conflits comme ils le font en Afghanistan, Irak, république démocratique du Congo et beaucoup d’autres pays.

Nous devons intensifier la lutte contre la répression des peuples et la criminalisation de leurs luttes et renforcer les liens de solidarite entre les peuples comme le mouvement international de boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël. Notre combat se dirige également contre l’OTAN et pour l’élimination de toutes les armes nucléaires.

Chacune de ces luttes implique une bataille des idées dans laquelle nous ne pouvons avancer sans démocratiser la communication. Nous affirmons qu’il est possible de construire une mondialisation d’un autre type, à partir des peuples et pour les peuples, et avec la participation fondamentale des jeunes, femmes, paysans et peuples autochtones.

L´assemblée des mouvements sociaux appelle les forces et acteurs populaires de tous les pays a développer deux actions de mobilisation, coordonnées au niveau mondial, pour contribuer a l´émancipation et l’autodetermination des peuples et pour renforcer la lutte contre le capitalisme.

Nous inspirant des luttes des peuples de Tunisie et d Egypte, nous appelons à ce que le 20 mars soit un jour international de solidarité avec le soulèvement du peuple arabe et africain, dont les conquêtes renforcent les luttes de tous les peuples : la résistance du peuple palestinien et saharaoui, les mobilisations européennes asiatiques et africaines contre la dette et l’ajustement structurel, et tous les processus de changement en cours en Amérique latine.

Nous appelons également à une journée d’action globale contre le capitalisme le 12 octobre, où, de toutes les manières possibles, nous exprimerons notre refus d’un système qui est en train de détruire tout sur son passage.

Mouvements sociaux du monde entier, avançons vers une unité globale pour défaire le système capitaliste ! Nous vaincrons !

Dakar, le 11 février 2011.

7) Grande marche du Forum Social Mondial : plus de 60 000 personnes en liesse à Dakar

6) Le Parti de gauche présent au Forum social mondial 2011 de Dakar

Pour son dixième anniversaire (2001-2011), le Forum social mondial (FSM) se déroulera en terre africaine, à Dakar au Sénégal.

L’Afrique connaît actuellement de nombreuses luttes sociales et démocratiques contre les oligarchies qui modifient le champ des relations internationales.

L’événement devrait accueillir entre 50 et 60 000 participants et permettra de renforcer la construction d’alliances entre les mouvements sociaux des pays du Nord et du Sud tandis que s’approfondit la crise systémique du capitalisme.

De nombreuses forces de l’autre gauche internationale seront présentes pour ce rendez-vous central de la construction d’un nouvel internationalisme solidaire. Le Parti de gauche sera représenté par Martine Billard (co-présidente), Christophe Ventura (secrétaire national aux initiatives internationalistes) et Franck Pupunat (membre du Bureau national).

Christophe Ventura

Programme provisoire du PG :

8 février : participation de Martine Billard au Forum mondial des parlementaires

8 février : participation de Martine Billard au séminaire "Comment reconstruire les gauches du Nord et du Sud ?".

9 février : participation de Martine Billard et Christophe Ventura à la rencontre entre les partis de l’autre gauche internationale et les mouvements sociaux

9 février : participation de Christophe Ventura au séminaire organisé par le Parti travailliste démocratique de Corée du Sud consacré à la coopération entre les forces progressistes d’Europe, d’Afrique, d’Amérique latine et d’Asie.

8-11 février : rencontres bilatérales avec les forces progressistes d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine

8-11 février : participation de Franck Pupunat au Forum mondial des migrations

5) A Dakar, le FSM au cœur de la poudrière sociale sénégalaise

Pour accéder à cet article 5, cliquer sur le titre ci-dessus.

4) Attac au Forum social mondial de Dakar (communiqué)

Attac France participera au Forum social mondial (FSM) de Dakar, du 6 au 11 février 2011.

Les mouvements sociaux et citoyens de tous les continents se réunissent pendant six jours dans la capitale sénégalaise pour rassembler leurs forces, affûter leurs propositions et construire ensemble les mobilisations pour d’autres mondes.

Ce FSM se tient en pleine crise sociale, suite à la crise financière, au “sauvetage” de la finance par les États puis à l’explosion des plans d’austérité : les citoyens payent la crise au prix fort, tandis que la finance continue à prospérer. Les crises sociale, écologique, alimentaire, géopolitique, toutes intriquées, sont la toile de fond de ce forum, qui mettra en lumière la crise systémique du capitalisme et une crise de civilisation, comme les organisateurs du forum ont souhaité le souligner à travers les thèmes proposés.

Mais ce FSM est également marqué par le renforcement des mouvements sociaux et de leurs convergences, notamment au Sud, dessinant ainsi les voies pour de véritables bifurcations. Cette expression est d’autant plus importante en Afrique, continent qui a payé un lourd tribut aux politiques impérialistes, coloniales et néolibérales. Une journée entière sera consacrée à l’Afrique et, en prélude du Forum, des caravanes sillonneront l’Afrique de l’Ouest et rencontreront les populations avant de rallier Dakar. Le FSM sera évidemment marqué par les luttes sociales pour la démocratie et la justice en Tunisie, en Égypte, en Algérie et dans la région Méditerranée dans son ensemble. La victoire du peuple tunisien pour cette démocratie qu’ils appellent de leurs vœux renforcera la détermination de tous les mouvements sociaux.

Ce FSM sera également l’occasion d’ouvrir le mouvement altermondialiste à de nouvelles luttes, comme celles contre l’accaparement des terres, et plus globalement contre l’extraction accélérée des ressources naturelles, des biens communs, au mépris des peuples et des écosystèmes. Il permettra d’approfondir le dialogue avec des mouvements qui avaient été très présents au dernier Forum social mondial à Belém, en 2009 : peuples indigènes d’Amérique Latine et d’ailleurs qui ouvrent des voies alternatives à un développement prédateur des ressources naturelles, luttes pour la justice climatique, mouvement pour la récupération des biens communs, réflexions sur le " buen vivir".

Attac France et les Attac du monde seront présents à Dakar avec une délégation de plus de cent personnes. Ils organiseront des séminaires et assemblées sur les alternatives à la domination de la finance globale, sur la justice climatique, la souveraineté alimentaire, l’accès à l’eau, les migrations, la transition écologique, la préparation du sommet de la Terre à Rio en 2012. Et c’est à Dakar qu’Attac et la coalition française G8-G20 2011 lanceront une dynamique mondiale de mobilisation en France face au G8 et au G20, en mai et novembre prochains. Enfin, ils participeront au Forum Sciences et Démocratie les 4 et 5 février.

Plus de 70 événements locaux (audio-conférences, duplex avec Dakar, conférences-débats autour du FSM...) sont également prévus en France autour du Forum social mondial entre le 5 et le 12 février, organisés par les comités locaux d’Attac et leurs partenaires.

Attac France,

Paris, le 1er février 2011

3) Gustave Massiah, Conseil international du FSM « La sortie du néolibéralisme, à court terme, est engagée »

Les « alters » ne sont pas moribonds… Bien au contraire  ! Alors que s’ouvre demain à Dakar la huitième édition du Forum social mondial (FSM), Gustave Massiah, membre de son conseil international, propose une stratégie altermondialiste, articulant urgences immédiates face à la crise et perspective 
de dépassement 
du capitalisme.

Alors que le huitième Forum social mondial (FSM) 
se déroule ces prochains jours à Dakar (Sénégal), dans quel état se trouve 
le mouvement altermondialiste  ?

Gustave Massiah. Nous vivons une double crise systémique emboîtée, celle du néolibéralisme et celle du capitalisme. Et le mouvement altermondialiste se trouve désormais situé sur ces deux horizons à la fois  ! Ma conviction, c’est que, contrairement aux idées reçues et à certains refrains médiatiques, le mouvement altermondialiste progresse énormément…

Dans votre livre Une stratégie altermondialiste vous distinguez différentes phases dans l’histoire 
du mouvement…

Gustave Massiah. Oui, j’ai voulu faire ce livre avec ma fille, Élise, afin de donner une série de clés pour les nouvelles générations. Pour moi, il y a une continuité dans le débat politique, mais aussi des ruptures. Je fais démarrer le mouvement altermondialiste en 1980, avec l’avènement du néolibéralisme  : c’est dans les pays du Sud que ce mouvement antisystémique vient, sous des noms divers, affronter la logique systémique dominante, avec les luttes contre la faim, contre la dette, ou plus tard encore le zapatisme au Mexique… Cela commence au Sud parce que le néolibéralisme se traduit d’abord par une remise au pas de ces pays et par une forme de recolonisation… À partir de 1989, avec la chute du mur de Berlin, mais aussi avec le sommet du G7 en France en plein bicentenaire de la Révolution, la deuxième phase se caractérise par la convergence entre les mouvements du Sud et ceux du Nord contre la précarisation  : c’est la contestation des institutions internationales et de la mondialisation. La troisième phase, c’est celle des forums sociaux mondiaux  : la convergence des mouvements sociaux et citoyens met en évidence la dimension systémique de la crise… Derrière la crise du néolibéralisme, nous sommes en fait face à une crise de civilisation, une crise du capitalisme… Voilà où nous en sommes et nous savons qu’en tout état de cause, il n’y aura pas de sortie de cette double crise dans une simple continuité.

Vous faites l’hypothèse d’une sortie du néolibéralisme à court terme…

Gustave Massiah. Alors, à court terme, cela veut dire dans les dix ans  ! C’est une hypothèse qui paraît vraisemblable, quand même  ! L’explosion de la crise de 2008 en est une première vérification, à mes yeux. Quand la crise monétaire commence dans les années 1970, la phase sociale-libérale, keynésienne et fordiste, est épuisée et la logique néolibérale commence à s’imposer. Nous sommes aujourd’hui dans une situation analogue, la sortie du néolibéralisme est engagée, mais on ne sait pas encore comment la nouvelle phase de la mondialisation capitaliste va chercher à s’imposer.

Quelles sont les issues possibles  ?

Gustave Massiah. Il y a trois sorties, je crois. Selon les régions du monde, ça sera plutôt l’une que l’autre, et un peu partout, il risque d’y avoir une combi­naison entre les trois. Il y a d’abord la sortie néoconservatrice de guerre. On la voit à l’œuvre, y compris en Europe, avec les plans d’austérité  : il s’agit de sortir de la crise en la faisant payer aux pauvres et, s’ils refusent, on les y oblige par la répression, la dictature, des guerres. Si ça ne marche pas – parce que cela crée des révoltes trop importantes –, la deuxième sortie possible, c’est une modernisation, une refondation du capitalisme, une forme de Green New Deal. Par certains aspects, ce que l’on vient de voir en Tunisie, c’est l’épuisement de la réponse dictatoriale. Dans ce scénario, des contradictions s’ouvrent au sein des couches dominantes. On a déjà vu ça dans les années 1930, avec l’élaboration du New Deal, qui ne sera mis en œuvre qu’après la Seconde Guerre mondiale, en 1945. Enfin, la troisième sortie, c’est celle d’un dépassement du capitalisme  : la crise est beaucoup trop profonde, la refondation du système ne peut pas marcher… Cette issue se trouve encore renforcée quand on prend en compte ensemble les quatre dimensions – sociale, écologique, démocratique et géopolitique – de la crise de civilisation que nous traversons. On ne peut pas séparer ces dimensions les unes des autres  : la crise sociale n’est pas indépendante de la crise démocratique, comme le démontre la révolution en Tunisie  ; la crise démocratique et sociale n’est pas indépendante de la crise géopolitique, comme en atteste l’irruption des pays émergents  ; et bien sûr, aucune de ces dimensions n’est indépendante de la crise écologique  ! Dans ces circonstances, le FSM et, plus globalement, le mouvement altermondialiste doivent affronter la question des alliances pour favoriser la sortie de crise. Pour moi, nous sommes dans une phase où le danger principal, c’est le néoconservatisme… On voit bien la montée des grandes peurs dans les sociétés.

Particulièrement en Europe, avec ces nouvelles extrêmes droites xénophobes et autoritaires, non  ?

Gustave Massiah. Pas seulement  ! Prenons la Tunisie ou l’Égypte  : il n’est pas du tout évident que ceux qui veulent plus de libertés réussissent. Il est encore possible que les armées se maintiennent au pouvoir. Cela dit, ce qui est nouveau, c’est que la question revienne aussi en Europe  ; cela ne se posait plus depuis la dernière démocratisation, celle de l’Europe du Sud (Portugal, Espagne et Grèce), il y a trente ans… Dans ces conditions, le mouvement est confronté à un double défi  : il doit, d’un côté, faire l’alliance avec tous ceux qui veulent s’opposer à la remise en cause des libertés, et donc avec les «  modernistes  » du capitalisme, et, de l’autre, dans le même temps, ouvrir la confrontation avec ces « modernistes  » pour parvenir à une rupture avec le capitalisme. Il faut être dans la révolution interne au capitalisme et dans la révolution externe, celle de son dépassement. Nous en sommes exactement là, dans le mouvement  : le dépassement du capitalisme n’est plus, comme avant, une déclaration de principe, il est d’actualité…

Quelle part a joué le mouvement altermondialiste dans la mise en lumière de la double crise du néolibéralisme et du capitalisme  ?

Gustave Massiah. Nous avons marqué énormément de points, c’est indéniable, dans la bataille des idées  : les dominants ne peuvent pas nier le fait qu’il y a une crise, nos analyses sont assez couramment acceptées comme étant à peu près les seules analyses. Plus personne n’ose dire, comme Milton Friedman, que la crise arrive « parce qu’il n’y a pas assez de marché ou « parce que les Bourses ne sont pas assez libres »…

Il y a encore quelques tentations néolibérales, tout de même.

Gustave Massiah. Oui, sans aucun doute, mais elles sont balayées  ! Aujourd’hui, les propositions que nous faisons depuis des années deviennent des références. On le voit sur les taxes financières. Cela fait plus d’une dizaine d’années que je rencontre les ministres des Finances pour défendre des taxations visant à supprimer les paradis fiscaux, la spéculation et à remettre la finance sous contrôle… Et, à chaque fois, avant, ils répliquaient tous  : « Mais vous êtes des rigolos, des idéalistes, vous ne comprenez rien à la finance, c’est positif  ! » Maintenant, quand on prend l’agenda du G20, c’est quasiment ce que l’on propose  ! Évidemment, pour l’heure, ce n’est que de l’affichage, ça n’est évidemment pas mis en œuvre… Mais ils sont obligés d’afficher nos propositions car, en réalité, ce sont les seules  ! Il faut bien ­comprendre que ça n’est pas simplement du bling-bling ou de la récupération… En fait, ces propositions ne sont pas mises en œuvre parce que les contradictions dans les couches dominantes sont extrêmement fortes et que, pour l’instant, les oligarchies ont encore le pouvoir, et en particulier le pouvoir d’empêcher toute refondation, voire toute transition… C’est manifeste quand on voit un gouvernement demander, par exemple, aux banquiers de réduire légèrement les bonus… Les banquiers, aujourd’hui, leur rigolent au nez, c’est encore eux qui décident  : non, ils ne réduiront pas les bonus et, en plus, ils ne se fatiguent même plus à tenter de se justifier  !

Donc, en quelque sorte, les idées altermondialistes se banalisent, 
mais rien ne change  ! Comment 
sortir de cette situation  ?

Gustave Massiah. C’est vrai que beaucoup de dirigeants se mettent à parler comme nous, ils n’ont que les paradis fiscaux, les taxations des transactions financières, etc., à la bouche. Mais, rassurez-vous, quand les gouvernements mettront réellement fin aux paradis fiscaux ou à la spéculation, on trouvera bien des choses nouvelles à dire  ! Plus sérieusement, dans mon livre, j’essaie de construire une articulation entre des mesures immédiates, pas révolutionnaires, pour sortir de la crise du néolibéralisme et des mesures qui ouvrent une perspective de dépassement du capitalisme. Sur la finance, par exemple, il y a des mesures immédiates que l’on peut prendre, y compris dans une alliance avec les modernistes du capitalisme, comme des mécanismes de contrôle, des taxes sur les transactions, etc. Mais il y a aussi d’autres revendications que nous pouvons mettre en avant, comme la remise en cause des formes de propriété. Autre exemple  : sur la redistribution des richesses, nous pouvons peut-être nous mettre d’accord avec certains tenants du capitalisme sur l’idée d’un revenu plancher et d’un revenu plafond, mais nous portons, au-delà, des mesures de civilisation, comme la démarchandisation ou la gratuité. Toutes les propositions que nous faisons pour dépasser le capitalisme n’annulent pas celles que nous préconisons immédiatement pour sortir de la crise, et vice versa  !

Le mouvement altermondialiste 
est néanmoins moins visible 
qu’à l’époque du lancement 
du processus du Forum social mondial (FSM), par exemple…

Gustave Massiah. Je ne partage pas cette idée d’un essoufflement. Pour beaucoup, l’essoufflement, c’est quand le Washington Post et quelques grands médias occidentaux ne parlent plus de nous, ou seulement mal  ! C’est quand même assez étroit comme vision… Aujourd’hui, l’opinion publique ne se réduit plus à celle de quelques pays occidentaux. Il faut l’admettre, et ça, c’est une révolution culturelle cybernétique  ! Dans le mouvement altermondialiste, on a pu mesurer ce changement lors des grandes batailles contre l’Organisation mondiale du commerce (OMC), quand on a vu l’Afrique du Sud, le Brésil et l’Inde refuser, sur les médicaments génériques, de faire primer le droit des affaires sur le droit à la santé… Dans la mondialisation, les opinions publiques de pays du Sud commencent elles aussi à compter  ; on n’en est plus, dans les institutions internationales, au mécanisme décrit par Joseph Stiglitz avec, d’un côté, des États du Sud qui proposaient de prendre telle ou telle mesure et, de l’autre, les pays occidentaux qui rétorquaient  : « Ah ça, non, nos opinions publiques ne l’accepteront pas  ! » Sur le fond, il faut bien voir que l’altermondialisme n’est pas une Internationale et que le FSM n’est pas le quartier général des luttes. Les luttes sont autonomes, le mouvement altermondialiste se développe à partir de leur convergence. C’est sa richesse  ! Quand on sait qu’il y a eu l’année dernière cinquante-cinq forums se réclamant du processus des FSM et qu’en particulier, dans la région ­Maghreb-Machrek, il y en a eu dix en 2010, c’est un peu compliqué de dire que le mouvement altermondialiste est dans le creux de la vague, qu’il est moins visible. Les mouvements qui explosent aujourd’hui en Tunisie, en Algérie et en Égypte ne se définissent pas comme altermondialistes en tant que tels, mais beaucoup de forces qui les composent se reconnaissent et participent au processus des forums sociaux. Les revendications qu’ils portent et les formes qu’ils adoptent pour leurs luttes sont très proches aussi  : appropriation des moyens de communication, liaison entre le social et les libertés, mise en cause des oligarchies, exigence de redistribution des richesses, mise sous tutelle de la finance par les peuples.

Entretien réalisé par 
Thomas Lemahieu

2) La CGT présente à Dakar

Le Forum Social Mondial (FSM), espace d’expression pluraliste sans égal au niveau mondial aura lieu du 6 au 11 février 2011 à Dakar (Sénégal).

Comme elle l’a fait pour les huit précédents, la CGT participe à ce FSM avec une délégation de 26 responsables de la confédération et des fédérations. En partenariat avec le Centre de Recherche et d’Information sur le Développement (association de solidarité internationale), 6 dirigeants syndicaux africains sont les hôtes de la CGT

Les crises (financière, économique, sociale et écologique) obligent à mettre en place une stratégie de développement durable par de nouvelles réponses qui concilient l’emploi, la recherche de justice sociale, l’efficacité économique et sociale ainsi que le respect de l’environnement, au Nord comme au Sud.

De ce point de vue si les convergences syndicales sont réelles dans les analyses et les actions à développer il s’agit de les consolider, de les amplifier et les articuler entre continents, entre mouvement syndical et mouvement associatif.

Dans ce cadre, la délégation CGT a mis l’accent sur les politiques migratoires et les nécessaires combats pour faire respecter les droits des migrants. Son stand sur le Forum abritera une exposition relatant la lutte des travailleurs sans papiers en France. Par ailleurs la CGT animera deux ateliers pour débattre avec des syndicalistes européens et africains sur les thèmes suivants :

Quelle action syndicale pour permettre de gagner l’égalité des droits entre travailleurs migrants et travailleurs "locaux" en Europe ? (8 février 12:30/15:30 )

Quelle coopération syndicale Nord – Sud pour accompagner et organiser les travailleurs migrants, prendre en compte leurs revendications et à garantir leurs droits ? (9 février 12:30/19h00)

Une nouvelle fois le FSM devrait mettre en avant le besoin urgent de changement de politiques, globales et/ou partielles, en rupture avec les politiques libérales. De là l’importance de faire vivre concrètement les solidarités, manière de donner de la consistance à l’idée qu’un « autre monde est possible ».

Montreuil le 1er février 2011

1) LES FSM de Porto Alegre (2001) à Dakar (2011)


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