Financement public de l’Eglise Notre Dame de Rosière des Lilas : un scandale

mardi 15 février 2011.
 

Une affaire indigne et révoltante

Elle est aussi lourde de dangers pour l’avenir. Vous vous interrogez peut être sur la raison de ma colère ? Il s’agit de la construction d’une Eglise catholique financée par de l’argent public qui vient d’être inaugurée ce week-end ! Oui, incroyable. Des travaux de 4,2 millions d’euros sur un total d’environ 6 millions, pris en charge par la Mairie des Lilas (93) pour construire une Eglise neuve de 800 m2 et un Centre paroissial de 620 m2, car l’ancienne église, qui datait de 1887, plus petite, était devenue « vétuste ». C’est regretable pour les fidèles, mais je rappelle que "la République ne reconnait, ne salarie ni ne subventionne aucun culte" (article 2 de la loi de 1905). Entretenir une Eglise par une municipalité (ce dont fait obligation la loi de 1905 pour 34 500 lieux de cultes) n’a jamais signifié construire des nouveaux bâtiments, plus grands de surcroit.

J’ai pris connaissance de tout cela à la lecture d’un article du Monde hier. Pauvre ignorant que je suis, depuis le 28 septembre 2004, le projet avait pourtant été voté , sous l’impulsion du Maire PS Daniel Guiraud, par l’ensemble du Conseil municipal par 32 voix pour et seulement 2 abstentions. Stupéfiant. Je n’en avais jamais entendu parler. Savoir que c’est une majorité PS/PCF/Verts qui a décidé une chose pareille me rend malade. Même la droite n’ose pas aller si loin. J’espère au moins que parmi les deux abstentionnistes, il y a mes amis communistes. Si ce n’est pas le cas, je leur dis qu’ils se sont fait totalement abusés et que l’argumentation du Maire, même si elle est hélas formellement légale, ne vaut pas un clou pour un esprit de gauche et républicain. Un tel vote est radicalement contraire à la grande loi du 9 décembre 1905, oeuvre d’Aristide Briand et Jean Jaurès et il n’est possible légalement qu’en s’appuyant sur l’article 19 de cette loi qui a été ajouté, tenez vous bien, le 25 décembre 1942… par le gouvernement de Vichy ! Quelle honte. Je commence à bien connaître ce débat. J’en ai déjà parlé sur ce blog. Cet article 19 sert de prétexte notamment à l’exécutif municipal à Paris pour financer des travaux dans des bâtiments religieux, pour lesquels la Mairie n’a pas obligation de le faire. Je ne parle donc pas ici des bâtiments qui sont le patrimoine de la Ville, tel que défini par la loi de 1905. Avec mes collègues du Groupe communiste et élus du Parti de Gauche nous votons systématiquement contre. L’argent public ne doit pas être utilisé pour des choses pareilles.

Une Eglise catholique d’"Une modernité militante" payée par les contribuables ?

Aussitôt, avec ma camarade et amie Pascale Le Néouannic, secrétaire nationale du PG en charge du combat laïque, notre sang n’a fait qu’un tour. Vous lirez le communiqué de réaction que nous avons rédigé ci-après. Pascale a principalement tenu la plume et le propos est clair. Cette construction est totalement irresponsable. Une telle décision revient à jouer avec des allumettes au dessus d’un bidon d’essence. C’est le clientélisme municipal à courte vue poussé au plus haut niveau. Une certaine gauche, qui a oublié le sens réel du mot « laïcité » en paiera le prix, j’en suis convaincu. Ma camarade Juliette Prados, responsable du PG en Seine-Saint-Denis, m’a expliqué la situation. J’invite chacun à lire le bulletin municipal (cliquer ici) des Lilas qui présentait le projet de la construction de l’Eglise Notre Dame du Rosaire. « Gros plan sur le projet de nouvelle église » titre l’article, l’architecte défend « une modernité militante », plus loin le maire-adjoint chargé du dossier est fier "d’un bâtiment phare du patrimoine de notre ville". A coté une photo explique le sens du rosaire « un chapelet de 200 grains (soit 200 fois la prière « je vous salue Marie ») ». Mais comment un esprit laïque peut-il tolérer un tel enthousiasme pro-catholique dans une publication municipale payée par les contribuables. ? J’en suis baba... Ah, il est décidément bien grand le mystère de la foi (et celui du clientélisme électoral).

Non seulement l’esprit de la loi de 1905 est ici piétiné mais surtout, désormais, comment le Maire fera-t-il pour répondre aux demandes des autres cultes (protestants, juifs, musulmans, boudhistes, etc...) et aux différents fidèles qui viendront le voir pour lui dire que eux aussi ils ont besoin d’un lieu pour prier ? Comment rester juste et ne discréminer personne ? Il répondra sans doute soit qu’il faut effectivement financer tous les cultes (et je doute que les finances de la commune ne le permettent si ce n’est au détriment des services publics les plus élémentaires), soit qu’ici c’est différent car le catholicisme est une religion pratiquée depuis plus longtemps que les autres sur le territoire national (et cet argument fait fi de la réalité de notre pays au XXIe siècle). Avec ce genre d’imbécillités, les tensions interreligieuses ont de grandes chances de repartir de plus belles. Et je passe sur les autres demandes potentielles : notamment celles de non-croyants (et oui, cela existe. Ils sont même peut être majoritaires). Respecter la laïcité n’est donc pas qu’une question de principe, c’est la condition pour vivre dans la concorde, la condition pour faire République.

Défendre les services publics et retrouver le véritable sens de la loi laïque du 9 décembre 1905

Avec 4,2 millions d’euros, le Maire socialiste eut été plus avisé par exemple de renforcer les services publics dans sa commune, qui j’en suis sûr en ont bien besoin. La Seine-Saint-Denis est un département rudement touché par la crise. Je lis d’ailleurs dans la presse municipale des Lilas qu’en 2010, son budget consacré à la rémunération de ses agents n’a augmenté que de 0,1%, crise et "rigueur budgétaire" oblige. Les employés mécontents aux fins de mois difficiles pourront toujours aller se recueillir dans « leur » Eglise, pour prier afin que M. le Maire entende leurs revendications.

Tous ces contournements de la loi de 1905 sont dans la logique du rapport Machelon, commandé par Nicolas Sarkozy, il y a quelques années. C’est la même logique (même si le sujet n’est pas identique) qui permet à la Ville de Paris de financer un Institut des Cultures de l’Islam (ICI) dans le 18e arrondissement. Je ne ne suis pas d’accord non plus. Le culturel ne doit pas servir de prétexte pour financer du cultuel.

Bref, je répète. Ce qui se passe aux Lilas est indigne. Comme le disait Victor Hugo : "l’Etat chez lui, l’Eglise chez elle". La présence du Maire et du Président du Conseil Général M. Claude Bartolone à toutes les cérémonies de dépôt de la première pierre en 2009 , aux cotés de l’Evèque du département, et à l’inauguration aujourd’hui (retransmise par la chaine KTO) est une grave perte de repère.

La Laïcité est un principe vivant, indispensable pour que nous puissions vivre ensemble quelles que soient nos options spirituelles. Voilà la force de l’idéal laïque. C’est précisément parce que l’argent public est consacré aux services publics et à tout ce qui est d’intérêt général, que le fidèle, soulagé de ces dépenses, peut se consacrer financièrement, comme il l’entend, à sa foi. L’exemple malheureux des Lilas risque de faire école. Soyons vigilant. Ce débat sera au coeur de l’élection présidentielle de 2012. C’est parce que beaucoup d’élus de gauche ont des pratiques du type de celle du Maire des Lilas que le communautarisme se développe, et que certains voient dans le FN un "défenseur de la laïcité". Triste époque, et grand danger pour la République si une telle confusion demeure dans les esprits.

C’est pourquoi le PG organise samedi 5 février, de 13h30 à 18h00, au Conseil régional Ile de France, un "atelier législatif" sur le thème "Nous n’avons jamais eu autant besoin de laïcité", en présence notamment d’Henri Pena-Ruiz, Catherine Picard, Jean-Paul Scot ou Jean-Luc Mélenchon. Venez nombreux (inscription obligatoire : ate-legislatifs@lepartidegauche.fr).

Communiqué du Parti de Gauche

Le maire PS des Lilas considère-t-il qu’un curé serait plus utile à ses concitoyens qu’un service public ?

Pour le Parti de gauche la décision prise par le maire socialiste des Lilas en Seine-Saint-Denis de financement d’une église sur fonds publics jusqu’à la justification de celle-ci, sont redoutablement dangereux pour notre république et notre vivre ensemble.

Lorsque le maire PS des Lilas dit que l’"église de la ville est un bâtiment communal, au même titre qu’une école ou une crèche", il met sur le même plan l’éducation et le confessionnel, quel recul. Ce socialiste vient par cette décision d’apporter de l’eau au moulin sarkozien lorsque ce dernier dit que le curé est supérieur dans la morale à l’instituteur.

Cette décision est une arme au service des tenants de la reconfessionnalisation de l’espace public, que ce socialiste n’en soit pas conscient, c’est cela le plus grave. Car en dépensant l’argent de tous pour le service de quelques uns, il détruit l’esprit de l’article 2 de la loi de 1905, et croit répondre à une attente de ses concitoyens mais ne fait qu’entretenir un feu qui prépare les tensions de demain quand chaque religion exigera le financement de nouveaux lieux de culte.

A l’heure même où les fonds publics se font trop rares pour financer les services publics, trouver près de 5 million pour construire un lieu de culte est un jeu redoutable, qui laisserait à penser que dans une société où les fractures sociales ne cessent de s’accroître ce serait avec peu d’au-delà que l’on apaiserait les esprits.

Financer un culte ne sert que l’intérêt de quelques uns, la loi commune ne peut promouvoir que ce qui est d’intérêt commun à tous… Justifier cela « au nom de l’histoire et du droit » c’est introduire une notion dangereuse de hiérarchie entre les religions, contraire à la laïcité.

Refusant d’en rester à la simple dénonciation, le PG lance une pétition d’implication citoyenne pour demander l’abrogation de l’article 19 introduit par le régime de Pétain, article qui dévoie la loi de 1905 et d’inscrire dans la constitution l’obligation de laïcité et de non financement des lieux de cultes sur les deniers publics.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message