Au Conseil national du PCF : Proposons Marie George Buffet mais ne nous enfermons pas dans cette candidature (Claude Mazauric, Jack Ralite, Georges Séguy, Lucien Sève, Michel Simon)

vendredi 8 décembre 2006.
 

Qui sommes-nous pour nous adresser ensemble à vous ? Des communistes de longue date, aux trajectoires et aux sensibilités différentes, mais qui partagent intensément un même espoir et une même crainte.

L’espoir est, bien sûr, que le projet antilibéral élaboré en commun pour l’élection présidentielle de 2007 et ses suites rassemble très largement les suffrages du peuple de gauche et puisse ouvrir ainsi une tout autre perspective politique et sociale. La crainte : que cet espoir se brise dans les jours qui viennent sur l’épreuve subalterne mais décisive de choix du nom qui seul, à notre corps défendant, pourra figurer sur le bulletin de vote. Si nous nous adressons à vous, de façon strictement intérieure, en ce moment crucial où l’heureuse solution du problème est pour une large part entre vos mains, c’est afin de vous dire ce qui à nos yeux fait en tout état de cause problème pour beaucoup de non-communistes et aussi, ne nous y trompons pas, pour un grand nombre de communistes.

Le parti a pris la décision de proposer Marie-George Buffet pour porter notre espoir commun - proposition qui, outre ses motivations politiques, a pour elle le soutien des dizaines de milliers de militants consultés à cet effet et la qualité indiscutée de la personnalité en cause. Et les communistes s’insurgent contre l’objection selon laquelle le choix à faire ne saurait se porter sur elle au motif qu’elle est la première dirigeante du PCF.

Nous non plus ne partageons pas l’idée nocive qu’une responsabilité de parti disqualifierait par principe pour assumer une tâche de cette sorte, à plus forte raison quand le parti en cause est pour autant dans la dynamique antilibérale. Mais la question posée n’est pas du tout à nos yeux celle du principe, elle tient à une donnée de fait incontournable : la diversité vraiment profonde des points de vue entre participant-e-s du rassemblement antilibéral, diversité ancrée dans des histoires et des cultures politiques très différentes, et qui se traduit par des divergences persistantes sur la valeur de notre proposition - cet état de choses dans le réseau des collectifs unitaires ne faisant au fond que refléter celui qui prévaut dans l’électorat de gauche lui-même. Les choses étant au point où elles en sont, comme le montrent chaque jour désormais des prises de position sans équivoque, peut-on escompter que notre proposition fournisse la réponse cherchée ? A vous le dire en toute franchise et camaraderie, nous nous le demandons avec grande inquiétude, et constatons chaque jour autour de nous combien nombreux sont celles et ceux qui ont pour le moins un doute à ce sujet, hors du parti et dans le parti, notamment chez les militants impliqués dans les collectifs unitaires.

Continuer à argumenter auprès de nos partenaires en faveur de notre choix est une chose. Apparaître comme nous y enfermant quoi qu’il advienne en serait une tout autre, et du plus grave effet. Car alors on serait en partance pour une alternative des deux côtés prohibitive : maintenir la proposition, malgré bien des signaux d’alerte, jusqu’à son refus par les collectifs unitaires le 10 décembre, éventualité grosse de périls, voire d’affrontements désastreux dans dans le mouvement et dans le parti lui-même ; ou parvenir à les y rallier sans convaincre, voire en indisposant une forte minorité, c’est-à-dire en cassant d’emblée une bonne part de la dynamique unitaire enthousiaste dont dépend à l’évidence la nécessaire ampleur du succès.

On fait valoir qu’aucune candidature ne fera l’unanimité.

Certes, mais il y a une très grande différence entre ralliement inégalement convaincu à une candidature de compromis et adoption majoritaire d’une proposition à laquelle demeurerait opposée une forte minorité, car en ce cas c’est le rassemblement des forces et par suite le résultat du 22 avril lui-même qui se trouveraient compromis au départ, ce dont le parti ne manquerait pas d’être désigné pour responsable. Sans parler du fait qu’ainsi nous instillerions nous-mêmes le doute sur notre attachement indéfectible au « tous ensemble », sans cesse réaffirmé et illustré par des initiatives marquantes de Marie-George elle-même.

Qu’est-ce qui nous contraint à faire courir de si graves risques au mouvement et au parti lui-même ? Nous ne le voyons pas.

Serait-il donc inenvisageable, sans renoncer à nos légitimes objectifs, d’aborder la question autrement ? N’y a-t-il pas au moins une possibilité à explorer : combiner d’un commun accord un rôle majeur de Marie-George Buffet dans le collectif des porte-parole, qu’il s’agisse de la bataille publique ou de la campagne officielle, avec le choix pour le bulletin de vote d’un-e candidat-e apte aussi à bien passer la rampe, et dont la moindre identification publique au départ peut justement être un atout, le choc du contenu politique ne tardant pas à faire l’événement et la notoriété ?

On a eu la sagesse de décider non pas que le Parti communiste présentait Marie-George Buffet mais qu’il proposait sa candidature, sur laquelle les collectifs unitaires ne se sont pas encore formellement prononcés. Vous avez donc encore la latitude, appréciant en direct l’évolution de la situation jour après jour, de modifier la proposition en prévenant son éventuel rejet ou son adoption conflictuelle, et en trouvant les moyens d’assurer autrement, à moindres risques, la tenue du cap décidé en commun. Faire face à la situation réelle d’une nouvelle manière parce que l’ancienne s’avère impraticable n’est en rien reculer sur le fond ; c’est au contraire persévérer inventivement dans l’orientation qui n’a cessé d’être nôtre, celle du rassemblement antilibéral pour gagner ensemble à gauche. Il s’agit de dépasser par le haut la difficulté d’aujourd’hui pour mieux assurer la victoire commune de demain. Et quoi qu’il doive se passer dans les jours qui viennent, il est impératif que nous persévérions jusqu’au bout, comme nous l’avons toujours dit, dans l’initiative unitaire dont dépend si évidemment le succès.

Nous sommes en train d’engager quelque chose de bien plus grand que nous-mêmes, donc de difficile. Mais en n’en rabattant pas sur cette difficulté nous pouvons, c’est certain, faire beaucoup grandir l’image du communisme, ce dont l’importance est décisive pour l’avenir.

Le 1er décembre 2006, Claude Mazauric Jack Ralite Georges Séguy Lucien Sève Lucien Sève


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