Les ressorts de la spéculation sur la famine

jeudi 3 février 2011.
 

Extrêmement tendu, dérégulé, le marché des produits alimentaires est devenu un terrain privilégié des fonds à la recherche de profits faciles. Les politiques publiques favorisent ce racket.

Alors que 2008 a connu l’une des crises alimentaires les plus graves de ces dernières décennies, trois ans plus tard les populations se retrouvent à nouveau victimes d’une hausse des prix des matières premières alimentaires qui a pour conséquence directe de ne plus permettre à des millions de personnes de se nourrir.

Cette augmentation tient pour une bonne part à l’entrée massive des fonds spéculatifs sur les marchés agricoles, résultat de trois facteurs  : un secteur en tension où l’offre se retrouve en incapacité de répondre à la demande croissante, une déréglementation accrue sur ces marchés et la politique conduite par la Fed, la banque centrale américaine. Les politiques agricoles engagées dans une spécialisation tournée vers l’exportation ne permettent pas de faire face aux besoins des populations.

À cela s’ajoute le secteur des biocarburants. De vastes terres de par le globe sont passées ces dernières années de la culture de récoltes alimentaires à la production d’éthanol ou de biocarburant destinée à compléter l’essence de pétrole. L’ensemble de ces éléments crée une véritable tension sur le marché. Les prix deviennent donc volatils, ce qui en fait un terrain spéculatif extrêmement alléchant pour les fonds et les banques.

L’autre élément à prendre en compte est la politique monétaire de la Fed. Ses émissions considérables de monnaie, sous prétexte de relancer sa croissance, conduisent à fabriquer des bulles et à dévaluer le dollar.

Résultat  : les investisseurs recherchent en dehors des États-Unis des rendements plus intéressants, notamment sur les marchés des produits agricoles. La spéculation s’exerce au travers des opérations de gré à gré sur les marchés des dérivés. Au départ, ils étaient destinés aux producteurs afin qu’ils puissent vendre leur récolte à l’avance pour s’assurer contre un risque de prix trop bas et aux acheteurs afin de se prémunir contre un risque de prix trop haut.

Depuis 2000, la dérégulation du marché des matières premières aux États-Unis a permis l’entrée sur les marchés d’acteurs institutionnels non commerciaux (fonds de pension, banques d’investissement) et dont les placements à court terme sur les produits agricoles n’ont pour objectif que la rentabilité. Une explosion de 1 900% a été enregistrée entre 2003 et 2008. En 2010, le volume moyen quotidien de produits financiers dérivés, échangés sur le Chicago Mercantile Exchange Group, opérateur de référence sur les produits agricoles, s’est établi à 12,2millions de contrats, soit un bond de 19% par rapport à 2009.

Clotilde Mathieu


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message