Belgique : Bientôt un nouveau parti à la gauche de la gauche ?

vendredi 8 décembre 2006.
 

A côté du PS et d’Ecolo, bientôt un nouveau parti de gauche ? C’est bien pos­sible. Le 28 octobre, la gauche radicale, nationale, rouge-verte, politique et syn­dicale s’est unifiée pour proposer une alternative électorale, contre le capital­isme et l’extrême droite dans la dynamique des recompositions politiques en Europe.

Le 28 octobre 2006, à l’Université libre de Bruxelles, plus de 600 militants politiques, associatifs et syndicaux, francophones et néerlandophones, se sont réunis pour unifier leurs combats respectifs. L’initiative revient au Comité voor een Andere Politiek (CAP) et au mouvement pour Une autre gauche (UAG).

Le CAP est né, en Flandre, à la suite des mouvements syndicaux d’octobre 2005 contre le Pacte générationnel du gouver­nement fédéral. Mené par des personnalités (l’ex-secrétaire national de la Fédération Générale des Travailleurs de Belgique), Georges Debunne, et les anciens députés du Parti Socialiste flamands Jef Sleeckx et Lode Van Outrive), le CAP recueille un certain succès chez les syndicalistes « de combat », déçus par le parti historique de la classe ouvrière, le SP.a. Active à Bruxelles et à Liège essentiellement, UAG est pour sa part plus discrète et ne rassemble pas (encore) de « grosses pointures », comme le CAP.

Force nouvelle et alternative

Le rassemblement de Bruxelles du 28 octobre est historique. En effet, non seulement l’ensemble des partis et organisations de la gauche anti-capitaliste marxiste (PC, POS-SAP 4ème internationale), MAS­LSP, LIT, KP ..... seul le PTB était absent), mais également une bonne présence de dirigeants syndicalistes de la FGTB (syndicat socialiste) mais aussi de la CSC (syndicat chrétien), ainsi que divers leaders associatifs (ATTAC, Syndicat des locataires...) propose désormais de s’unir dans un mouvement politique commun et national. A l’époque de la dislocation progressive des institutions et Symboles de la Belgique unitaire, ce rassemblement est donc exceptionnel à plus d’un titre.

L’assemblée a démarré par deux introductions politiques.

Jef Sleeckx ex-parlementaire du Parti Socialiste de Flandre a résumé avec force comment l’initiative CAP s’est constituée et a plaidé pour la construction d’une nouvelle force politique qui se pose également sur le terrain électoral. Ensuite, Didier Brissa, au nom d’Une Autre Gauche a pris la parole pour évoquer l’expérience d’UAG et la volonté d’aboutir à un projet commun qui puisse servir de relais aux revendications sociales. Lode Van Outrive (CAP) et Nadine Rosa-Rosso (UAG) ont présidé cette assemblée.

Après ces deux introductions, plusieurs messages de soutien à l’initiative ont été lus ; notamment ceux de Georges Debunne (ex-président de la FGTB, l’un des fondateurs du CAP) et de François Houtart (CETRI), retenu à Genève. Raoul Marc Jennar, a également pris la parole pour exprimer son soutien et rappeler l’expérience de la victoire du « Non" en France. Un conseiller municipal de la WASG allemande à Aix-La-Chapelle a également pris la parole afin de relater l’expérience de cette alternative politique. Mon Steyaert, cofondateur d’Agalev (parti des Verts en Flandre), a également apporté son appui au projet. De nom­breuses personnes présentes - des militant/es, des syndicalistes ; le camarade Freddy Dewille conseiller municipal du Parti Ouvrier Socialiste (POS, section belge de la 4ième Internationale) entre autres - se sont succédées à la tribune.

Suite à cette première séance plénière, les participant/es se sont répartis en douze groupes de travail thématiques qui ont rassemblé entre 20 et 60 participants chacun. Ces ateliers ont débattu de thématiques programmatiques tels que les services publics, le changement climatique et les questions d’énergie, la protection des délégués syndicaux, l’accord interprofessionnel, les droits des femmes, l’Europe, le logement ou la solidarité internationale. Comme le temps disponible était relativement court, que l’assistance était importante et vu les nécessaires traductions, il a parfois manqué du temps pour arriver à de véritables conclusions. Mais il s’agit surtout d’un point de départ ; ces groupes de travail sont appelés à poursuivre leur réflexion au cours des mois à venir. Des militant/es du POS ont contribué activement à la réalisation de plusieurs de ces groupes de travail, notamment par des introductions souvent fort appréciées (sur l’écologie, les services publics, la soli­darité internationale, le logement etc.).

Après la fin des ateliers, unè nouvelle plénière a écouté la synthèse - forcément succincte - des travaux des ateliers suivie par une nouvelle série d’interventions. Malgré quelques longueurs, la journée s’est achevée dans un grand enthousiasme avec le vote indicatif d’une motion dans laquelle le mouvement se propose de poursuivre son travail à travers la collaboration intensive entre le CAP et UAG afin de construire une alternative politique sur le plan fédéral et de participer aux élections législatives de 2007, là où les conditions le permettent de manière efficace. Le projet de tenir un congrès au cours duquel sera décidé la transformation ou non du mouvement en un parti politique et sur ses structures est égaIe­ment mis en chantier. Provisoirement donc, il s’agit de construire un mouvement politique composé des deux initiatives co-organisatrices.

Il s’agit donc bel et bien d’un événement historique car une telle activité visant à construire une alternative à « gauche de la gauche et avec autant de participant/es ne s’était plus vue depuis une bonne dizaine d’années en Belgique. Cette journée ouvre donc concrète­ment la possibilité pour qu’émerge enfin en Belgique une force politique alternative de gauche et qu’elle se constitue d’emblée avec force et crédibilité. Le nouveau « parti) pour­rait alors devenir la troisième voie électorale, entre les partis traditionnels et l’extrême droite. C’est d’ailleurs ce que préconise ouvertement Lode Van Outrive : « On sait que beaucoup de travailleurs et de syndiqués ont voté pour le Vlaams Belang par colère et frus­tration, par manque d’alternative. Si nous allons aux élections avec le CAP et UAG, nous créerons la possibilité pour ces gens de voter pour un autre parti et de revenir à gauche.

Une dynamique européenne

L’unification des initiatives du CAP et d’UAG est également motivée par des expériences politiques et électorales positives en Europe. Aux Pays-Bas, le Socialistisch partij (d’obédience marxiste) a fait encore récemment une percée électorale. Dans d’autres pays européens, la gauche radicale anticapitaliste ­regroupant des communistes, des trotskistes, des écologistes marxistes et des altermondialistes ­s’ancre de plus en plus dans le paysage politique. C’est le cas au Portugal avec le Bloc de Gauche, au Danemark, avec l’Alliance Rouge-Verte, en Suisse, avec SolidaritéS, en Ecosse avec le Scottish Socialist Party, en Grande-Bretagne avec Respect. Même si les processus de recomposition à la gauche de la social-démocratie sont encore chaotiques, force est de constater que l’espace politico-social et les forces sont aujourd’hui disponibles dans de nombreux pays d’Europe. Enfin, un représentant d’UAG de Tournai participera au meeting de Lille pour une candidature unitaire ce 29 novembre.

Patrick Tamerlan


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