Tunisie : Au bonheur des multinationales et du pouvoir

samedi 22 janvier 2011.
 

Pour mettre enfin l’économie au service de la population, il faut aussi transformer ses relations économiques avec les grands groupes étrangers, réviser les accords contractés avec l’Union européenne.

La dictature de Ben Ali n’a pas fait que des mécontents. Il n’est qu’à mesurer la très forte croissance de l’implantation des multinationales étrangères, notamment françaises, dans le pays. 1 350 entreprises tricolores y sont installées ainsi que 350 à 400 sociétés italiennes et plusieurs grands groupes américains. Les entreprises françaises sont parmi les plus importants employeurs du pays. Elles ont particulièrement développé leur présence dans deux secteurs  : le textile et les centres d’appels. C’est ainsi que le no 1 mondial dans ce dernier domaine, Téléperformance, a délocalisé à Tunis une part croissante de son activité dans l’Hexagone. Orange y a installé une partie de ses services d’assistance. Le groupe de télécoms a par ailleurs pris une participation de 49% dans Orange Tunisie au côté d’un groupe autochtone, Mabrouk, présidé par le gendre de Ben ali.

Cette extraversion de l’économie tunisienne, tournée prioritairement vers l’exportation, le tourisme, plutôt que vers un développement national, explique en grande partie les difficultés du pays. Ce qui suppose de réformer le système économique et social, notamment en révisant les relations avec l’Europe. La Tunisie est le plus ancien partenaire maghrébin de l’Union, avec la signature en 1995 de l’accord d’association, prolongé en 2008 par l’instauration d’une zone de libre-échange industriel. Une relation qui reste très déséquilibrée dans la mesure où l’économie tunisienne est cantonnée dans un rôle de supplétif des stratégies de rentabilité des groupes européens, notamment de leur politique de baisse du coût du travail.

La Banque mondiale, dans une étude récente, rappelle, involontairement que la Tunisie a été transformée en un paradis pour multinationales. Elle note que « le régime offshore » accordé aux entreprises exportatrices « offre plusieurs intérêts fiscaux et financiers (…) comme l’absence de taxe sur l’importation de matières premières et d’équipements entrant dans le cycle de production, une défiscalisation sur dix ans et le rapatriement gratuit des profits ». Cette étude montre également que « l’économie tunisienne reste largement dominée par des activités à faible valeur ajoutée, nécessitant un niveau de qualification peu élevé. (…) Seules 15% des personnes travaillant aujourd’hui possèdent un diplôme universitaire. » Une situation qui explique pour partie la révolte des jeunes diplômés au chômage.

Pierre Ivorra, L’Humanité


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