TUNISIE « Ce peuple est désormais debout » (Jalal Zoghlami)

 

Fondateur et rédacteur en chef du webjournal Kaws El Karama, Jalal Zoghlami est une figure de l’opposition à Ben Ali. Avocat de profession il a été emprisonné plusieurs années par le dictateur déchu. Envoyée spéciale.

Les jeunes, plus particulièrement les diplômés chômeurs, 
ont joué un rôle essentiel dans le mouvement révolutionnaire. Comment expliquer leur mobilisation massive ?

Jalal Zoghlami. Il y a en Tunisie des dizaines de milliers de jeunes diplômés. Ils veulent du travail. Avec ces événements, ils tiennent bon et continuent d’exiger le respect de leur droit au travail. Mais les jeunes chômeurs sans diplômes, les étudiants, les lycéens se sont eux aussi fortement impliqués. Ce processus révolutionnaire a été essentiellement initié par les pauvres. Il a reçu l’appui décisif de dirigeants syndicaux. Des intellectuels s’y sont, eux aussi, joints par des actions symboliques, des luttes, des grèves. Ce fut le cas des avocats, des médecins, des artistes. Ce mouvement sans direction, avec une base populaire et ouvrière, a su faire naître un arc-en-ciel en attirant des féministes, des démocrates, des créateurs.

Sommes-nous au début 
d’un printemps démocratique 
au Maghreb et, plus largement, 
dans le monde arabe ?

Jalal Zoghlami. Il existe dans le monde arabe des relations directes et serrées entre les peuples. Je crois que ce soulèvement peut ouvrir un processus de révolution sociale et démocratique en Tunisie, donnant ainsi un exemple à tous les pays 
de cette région où règnent 
des dictateurs corrompus, très liés à leurs maîtres impérialistes 
en Occident.

Ce bouleversement politique
tunisien signifie-t-il que les islamistes n’ont plus le monopole de la contestation des pouvoirs autoritaires ?

Jalal Zoghlami. Il émerge désormais un nouveau visage de la contestation, qui n’est plus intégriste et antidémocratique. Nous nous réjouissons que ce soulèvement ait porté des slogans démocratiques, sociaux. Les islamistes tenteront de le récupérer. De même que les sbires de la bureaucratie du régime. Ceux-là tentent d’étouffer cette révolution, de la voler. Il faut, maintenant, que les populations s’auto-organisent pour aller vers une vie sociale digne et des libertés dans une démocratie authentique. Malgré le chemin qui reste à parcourir, nous avons gagné quelque chose d’essentiel : ce peuple est désormais debout. Il avancera. À condition que se constitue un front populaire et démocratique pour barrer la route à l’intégrisme comme aux contre-révolutionnaires du régime. C’est seulement alors que nous pourrons alors hisser le drapeau de la dignité, de la démocratie, de l’émancipation sociale dans le monde arabe et soustraire nos pays à l’alternative mortifère entre la dictature 
et les barbus.

Entretien réalisé par R. M.


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