Du bon usage de Rosa Luxemburg

mardi 18 janvier 2011.
 

Le sociologue David Mulhmann analyse l’héritage démocratique laissé par la révolutionnaire allemande qu’il inscrit dans une réflexion sur la pensée radicale contemporaine

Réconcilier marxisme et démocratie, de David Mulhmann, Éditions du Seuil, 328 pages, 19,50 euros

Il faut lire le livre de David Muhlmann  : les plus âgés y trouveront un rappel utile de l’histoire intellectuelle et politique du mouvement ouvrier, les plus jeunes commenceront ou continueront de l’apprendre. Cette histoire est évoquée en suivant l’un de ses personnages clés  : Rosa Luxemburg (1871-1919), l’une des grandes figures féminines de l’histoire moderne, assassinée sur les ordres de la social-démocratie allemande.

Le livre contient deux grandes parties  : la première est un récit de la vie et de la pensée de la grande révolutionnaire, la seconde est faite d’entretiens avec des intellectuels marxistes du monde entier. Les deux parties nous disent ce que fut le cœur de l’œuvre pratique et théorique : lier toujours marxisme et démocratie. Elles posent la question de ce que peut nous apporter, aujourd’hui, la compréhension historique des textes.

Trois points, qui appartiennent à l’histoire passée et présente, peuvent être retenus  :

1. Rosa Luxemburg avait saisi très tôt, et à la suite de Marx, la mondialisation du capitalisme, effet nécessaire de la quête des profits par l’abaissement du prix contre le concurrent, donc cet impérialisme se manifestant par le pillage des matières premières des pays dits non encore développés, par le désir d’arracher partout des marchés, et par conséquent, aussi, idée originale, et sans doute pertinente, de maintenir des économies non développées afin que le système n’explose pas sous le poids d’une concurrence trop forte.

2. Face au capitalisme mondial, qui mène une lutte de classes internationale, la réponse ne peut pas être que nationale, cette réponse doit être également internationale, ou alors, à un moment ou à un autre, l’échec surviendra, sous une forme ou sous une autre. La révolutionnaire s’opposa au chauvinisme national, et son hostilité à la guerre de 1914-1918 fut toujours radicale. À quoi il faut ajouter que la lutte pour la révolution passe ou peut passer par la lutte pour des réformes, mais qu’alors il est important de bien déterminer la nature de ces réformes.

3. Le ou les partis qui mènent les luttes ne peuvent être que les « grands poteaux indicateurs » qui montrent les directions à suivre, et non pas les détenteurs de la vérité de ce que doivent accomplir les masses. Rappelons cet extraordinaire mot qu’elle eut en 1918, mot qui n’en fait pas d’elle une démocrate en un sens vague, mais une communiste  : « La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement. » Comme a pu le dire l’un des auteurs interrogés dans la seconde partie  : l’héritage de Rosa Luxemburg peut être une « passerelle entre les expériences du passé et les promesses de l’avenir ».

Hervé Touboul, philosophe


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