Dès novembre 2004, François Autain (aujourd’hui sénateur PG) est intervenu pour investiguer sur les autorisations de mise sur le marché des médicaments (5 articles)

lundi 24 janvier 2011.
 

PROPOSITION DE RÉSOLUTION présentée par François Autain au Sénat en novembre 2004

Article unique

En application de l’article 11 du Règlement du Sénat, il est créé une commission d’enquête de vingt-et-un membres chargée d’investiguer sur les conditions de délivrance et de suivi des autorisations de mise sur le marché des médicaments.

1) Exposé des motifs présenté par François Autain au Sénat en novembre 2004

Mesdames, Messieurs,

L’actualité de ces derniers mois a été marquée, dans le domaine de la santé, par la révélation d’accidents graves voire mortels, consécutifs à la prise de médicaments, ayant pourtant satisfait aux contrôles exigés par les autorités sanitaires, et présentés comme des nouveautés supérieures aux médicaments déjà existants dans la même classe thérapeutique.

Citons par ordre chronologique :

- Certaines molécules anticholestérol :

* la cerivastine (laboratoire BAYER) commercialisée en France sous les noms de « Staltor » et de « Cholstat », retirée du marché en 2001 après le décès de 52 patients ;

* le crestor (laboratoire ASTRAZENIKA) mis en cause pour les mêmes effets indésirables.

- Certains anti-inflammatoires, prescrits contre l’arthrose :

* la Vioxx, produit phare du laboratoire MERCK, retiré du marché le 30 septembre 2004 parce que rendu responsable, selon une étude américaine, de 28 000 infarctus mortels ;

* le Celebrex de PFIZER, soupçonné en France d’être à l’origine d’accidents vasculaires comparables.

- Certains antidépresseurs, en raison d’un risque aggravé de comportement violent et suicidaire, notamment chez l’enfant et l’adolescent : après le Deroxat de GLAXOSMITHKLINE, mis judiciairement en cause en 2004, c’est au tour du Prozac, produit leader des laboratoires ELI LILLY, d’être sur la sellette.

- Les mises en cause ne s’arrêtent pas là : certains médicaments contre l’hypertension artérielle (Tenormine), contre l’asthme (Serevent), contre l’obésité (le Meridia de ABOTT - Sibutral en France) ou l’acné (Accutane des laboratoires ROC) sont accusés soit d’être inefficaces, soit de produire des effets secondaires particulièrement graves. Et la liste n’est malheureusement pas close.

Ces différentes affaires aux répercussions politiques et économiques incalculables, ont au moins deux éléments en commun, quel que soit le laboratoire concerné et le type de molécule en cause.

- La dissimulation par les laboratoires d’études négatives sur le médicament incriminé. Ainsi, la firme BAYER, selon un rapport d’expertise effectué à la demande d’un juge du pôle santé du TGI de Paris (1*), aurait délibérément voulu tromper les autorités sanitaires en minimisant les dangers constatés dès 1991 de la cerivastine, soit dix ans avant son retrait. Il est de même établi que les risques liés à la prise d’antidépresseurs étaient connus des laboratoires mais gardés secrets.

- La singulière absence d’anticipation et de réaction des autorités sanitaires (FDA américaine, EMEA européenne, AFSSAPS française) qui se sont montrées incapables de jouer le rôle de contre-pouvoirs indépendants par rapport à la puissance de l’industrie pharmaceutique : les décisions de retrait des produits mis en cause sont le fait, on doit le constater, non pas des agences largement prises de court, mais des laboratoires eux-mêmes, au vu des risques financiers.

* * *

Ces éléments convergent, principalement aux Etats-Unis, vers une critique générale du système d’évaluation du médicament : le « committee on energy and commerce » de la Chambre des représentants a demandé à PFIZER de lui faire parvenir tout document faisant état d’accidents cardiaques dans les études cliniques sur le Celebrex, aux fins d’évaluer si le risque était connu au moment de la mise sur le marché, tandis que le Sénat américain a créé une commission d’enquête sur l’affaire du Vioxx.

Par comparaison, en France, le Gouvernement et le Parlement apparaissent singulièrement silencieux devant ce qui constitue d’ores et déjà l’une des plus graves crises sanitaires de ces dernières décennies. A Londres ou à Bruxelles, on chercherait en vain une réaction politique marquante, comme si le scandale s’était arrêté aux portes des agences européennes.

En revanche, l’industrie pharmaceutique, devant l’ampleur de la crise et la suspicion qu’elle engendre dans l’opinion publique et chez les investisseurs, n’a pas tardé à réagir, comme si les injonctions de la Corbeille devaient pallier la déroute des autorités sanitaires. Pour tenter de retrouver la confiance des fonds de pension, elle vient d’annoncer qu’elle publierait désormais l’ensemble des essais cliniques sur les médicaments, qu’ils soient favorables ou défavorables.

* * *

Dès lors, une investigation apparaît nécessaire pour vérifier la fiabilité du système d’évaluation des médicaments, et singulièrement la capacité des autorités sanitaires à exercer un contrôle réel, efficace et véritablement indépendant.

Ces investigations devraient être menées dans quatre directions essentielles :

1. La qualité et la transparence des pratiques d’évaluation

Les essais cliniques, qui servent de référence à l’évaluation du médicament par la commission de l’AMM, sont réalisés à l’initiative exclusive des laboratoires et pour 70% d’entre eux aux Etats-Unis.

Aucun organisme public indépendant n’est sollicité pour effectuer éventuellement une nouvelle expérimentation de contrôle ou une comparaison du nouveau médicament avec un traitement de référence. Une telle procédure ne serait pourtant pas superflue car « beaucoup d’essais mal conçus, biaisés, voire falsifiés » (Pr. Debré, Le Monde du 21 décembre 2004). On estime que 90% d’entre eux ne sont jamais publiés.

Les prescripteurs dont l’industrie pharmaceutique finance la formation médicale continue et la presse professionnelle sont conditionnés par une information à sens unique. L’absence des agences sur ce terrain, combinée à l’inertie des autorités sanitaires rendent compte du fait que de nombreux médicaments, notamment les antidépresseurs (Observatoire National des Prescriptions, 1998) sont prescrits en dehors des indications préconisées par la commission de l’AMM.

Lorsque celles-ci n’ont pas été respectées, l’AMM n’est pratiquement jamais remise en cause lors de son renouvellement obligatoire tous les cinq ans. De 1994 à 1997, sur 622 demandes formulées, 14 avis négatifs seulement ont été rendus

Une tentative de remise en ordre a bien été échafaudée avec la publication en juin 2001 d’une liste de 835 médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant mais elle a échoué. Ces médicaments, comme par exemple les vasodilatateurs et les veinotoniques, sont toujours sur le marché et remboursés par l’assurance maladie, en violation du décret du 27 octobre 1997.

2. L’indépendance des agences

L’autonomie de gestion dont bénéficient les agences depuis leur création à la fin des années 90 avait pour but d’assurer leur indépendance à l’égard des laboratoires et du pouvoir politique afin de leur permettre d’accomplir leur mission de service public en dehors de toute pression susceptible de les en écarter.

Mais la tendance qu’on observe actuellement à un financement industriel croissant et à une diminution concomitante du financement public est en train de ruiner cette ambition. En 2003, les ressources de l’AFSSAPS provenaient pour 83% de l’industrie pharmaceutique et pour seulement 6,4% de l’Etat. Circonstance aggravante, l’agence européenne (EMEA) qui connaît la même dépendance financière est placée sous la Direction générale « entreprise » de la Commission européenne.

Comment dans ces conditions ne pas redouter que les agences ne soient devenues au fil des années les instruments dociles de ceux qui fournissent la majorité de leurs subsides alors qu’elles n’ont pas pour seule vocation de rendre un service aux industriels ?

La création de la Haute Autorité de Santé n’y changera rien, ne serait-ce que parce que les modalités de financement restent les mêmes.

La situation est d’autant plus préoccupante que la mondialisation a considérablement modifié la donne. Confrontés à la financiarisation de l’économie et à un essoufflement de la recherche, les groupes pharmaceutiques de plus en plus concentrés doivent se livrer à une concurrence acharnée pour préserver des marges bénéficiaires extrêmement élevées. Cette logique industrielle impitoyable accule les laboratoires au mensonge et au bluff sur le coût de la recherche, le degré de nouveauté et le prix de revient des médicaments pour accélérer les procédures de mise sur le marché afin de réduire les délais de retour sur investissement.

Pour contrecarrer cette stratégie industrielle agressive, les agences disposent de moyens dérisoires, sans commune mesure avec ceux des laboratoires : en 2003, le budget de l’AFSSAPS s’élevait à 91,97 millions d’euros soit 0,3% seulement des 30 milliards qu’a représenté en France pendant la même période le produit de la vente des médicaments que cette agence a pour mission de contrôler.

N’étant plus soutenue financièrement par l’Etat (4,9 millions d’euros de subvention en 2003), l’AFSSAPS n’ose plus prendre de décisions contrariant un tant soit peu les intérêts immédiats des firmes. Des médicaments considérés à tort comme majeurs sont mis ou maintenus sur le marché sans avoir fait la preuve de leur efficacité ou de leur innocuité : en 2002, sur 185 avis rendus par la commission d’AMM, 112 soit 71% du total concernaient des médicaments considérés comme importants alors qu’il s’agissait en fait de simples copies de produits innovants, déjà sur le marché.

La préservation de la santé de l’industrie pharmaceutique semble ainsi passer avant celle des patients, comme si l’on ne savait plus très bien faire la distinction entre un plan industriel de santé et un plan de santé publique.

3. La qualité de l’expertise et l’indépendance des experts

Même la Food and Drug Administration (FDA), pourtant régulièrement citée comme modèle, n’échappe pas à ce type d’interrogations : 18% de ses experts déclaraient en 2002 avoir « subi des pressions pour approuver ou recommander l’approbation » d’un médicament « en dépit de réserves concernant la sécurité, l’efficacité et la qualité du médicament ».

Les experts de l’AFSSAPS exercent bénévolement leur activité d’évaluation ; ils sont rémunérés de fait par les laboratoires pour lesquels ils effectuent des prestations. Il n’est pas rare, comme dans l’affaire Bayer que des spécialistes « sollicités » par une firme comme consultant pour un médicament donné soit ensuite utilisés comme experts auprès de l’AFSSAPS pour évaluer ce même médicament (rapport d’expertise, préc.).

Quel crédit accorder à des experts parvenus à un tel degré de confusion des rôles ? Quelles garanties peut offrir l’obligation qui leur est faite de publier leurs conflits d’intérêts mineurs ou majeurs ? Comment ne pas être inquiet lorsqu’on constate comme dans le cas des traitements hormonaux substitutifs (THS) ou du vaccin contre l’hépatite B, que les autorités sanitaires incapables de fournir des réponses claires et adaptées se réfugient dans une indécision motivée qui se veut rassurante mais qui produit les effets inverses.

Enfin, comment interpréter le désaveu cinglant infligé en décembre dernier aux experts de l’AFSSAPS par le ministre de la santé à propos de l’interdiction de prescrire des antidépresseurs aux mineurs de 18 ans ?

4. La réalité du contrôle des médicaments après leur mise sur le marché

Il est étrange que devant ce qu’il convient bien d’appeler par son nom : une véritable épidémie d’effets secondaires dus aux médicaments, qui fait chaque année en France environ 18 000 morts et provoque 3% du nombre total des hospitalisations, rien de sérieux n’ait jamais été entrepris.

La France est le pays au monde où la consommation de médicaments est la plus élevée mais nous ne possédons pas le moindre élément de leur impact réel sur la santé publique et nous avons seulement une idée très vague de la manière dont ils sont réellement consommés. Notre système national de pharmacovigilance est défaillant, l’épidémiologie d’évaluation est pratiquement inexistante puisque seule une équipe de niveau international fait de ce sujet en France son principal objet d’étude (laboratoire du Pr. Bégaud à Bordeaux).

Aucune étude sérieuse ne permet aujourd’hui de vérifier que les médicaments les plus prescrits, comme par exemple les molécules anticholestérol, expérimentés sur un nombre restreint de sujets sélectionnés, pas toujours représentatifs des futurs usagers, tiennent bien leurs promesses alors que la collectivité consacre à leur remboursement des sommes vertigineuses (les anticholestérols de la famille des statines coûtent chaque année à l’assurance maladie un milliard d’euros). Pourquoi avons-nous pris tant de retard ? Actuellement une seule étude de ce type est en cours : décidée en 2002 par les autorités françaises, à la suite de la délivrance par l’agence européenne de l’AMM de Vioxx, elle n’est toujours pas achevée, quatre mois après le retrait du médicament, alors que même l’AFSSAPS continue de défendre sa mise sur le marché.

On a bien essayé, à juste titre, d’intéresser le syndicat des laboratoires pharmaceutiques (LEEM) à cette démarche, avec la signature de l’accord-cadre de juin 2003, mais ceux-ci ne semblent pas encore prêts à financer des études dont le risque potentiel est de remettre en cause l’AMM pour l’obtention de laquelle ils ont mobilisé d’importants moyens financiers et humains.

* * *

De telles carences et de tels dysfonctionnements, graves et répétés rendent nécessaire l’intervention de la représentation nationale dans sa fonction de contrôle pour clarifier les conditions dans lesquelles sont délivrées les autorisations de mise sur le marché des médicaments et la façon dont est assuré leur suivi.

Les impératifs de santé publique nous imposent d’apporter une réponse claire à la question que tout le monde se pose : peut-on encore faire confiance aux agences qui ont pour mission d’évaluer la sécurité d’emploi, l’efficacité et la qualité des produits de santé ?

Telles sont les motivations qui conduisent les auteurs de la proposition de résolution à vous proposer la création d’une commission d’enquête.

2) Médicament : comment les "labos" nous font avaler la pilule !

Montrer comment l’industrie pharmaceutique, surnommée "Big Pharma", semble avoir gagné "la bataille de l’influence" auprès des pouvoirs publics : c’est le but du livre "Les médicamenteurs". Son auteure, Stéphane Horel, journaliste et documentariste, estime que les intérêts économiques liés aux ventes de médicaments passent parfois avant la santé des patients.

Dès l’avant-propos du livre Les médicamenteurs, le ton est donné : "Les Français sont des goinfres de pharmacie." Avec 40 boîtes de médicaments par personne et par an, ils sont les "plus gros consommateurs de pilules de la planète" et "on les dit cramponnés à leur généraliste". Mais l’auteure, Stéphane Horel, journaliste et documentariste, se refuse à faire reposer la responsabilité sur les seuls patients. "Les Français consomment-ils trop de médicaments ? Ou les médecins en prescrivent-ils trop ?", interroge-t-elle dans cet ouvrage, qui fait suite à un documentaire diffusé en juin 2009 sur France 5.

Elle préfère surtout dévoiler les stratagèmes de l’industrie pharmaceutique, qu’elle surnomme "Big Pharma", et montre comment ce secteur semble avoir gagné "la bataille de l’influence", notamment au sein des pouvoirs publics. Big Pharma est "présent à tous les étages du système de santé français, des instances qui décident des autorisations de mise sur le marché [AMM] jusqu’aux cabinets des médecins et ceux des ministres", déplore Stéphane Horel. "Il plante sa tente dans les défaillances du système de l’Etat. S’infiltre. Se rend indispensable."

Promotion à tout va…

Pour inciter les praticiens à prescrire ces produits, l’industrie pharmaceutique s’entoure de plus de 20.000 visiteurs médicaux. Autrement dit, "un cinquième des effectifs des laboratoires est constitué de vendeurs à domicile", ironise l’auteure. Selon un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), "si les dépenses de promotion sont en apparence une dépense de laboratoires, elles sont de fait, à travers les prix octroyés par les pouvoirs publics, financées pour l’essentiel par l’assurance maladie", puis par les complémentaires et les assurés sociaux.

En outre, l’industrie s’adresse directement aux patients, à travers le financement d’associations de malades. Elle défend également de longue date les programmes d’aide à l’observance des traitements, autorisés par la loi "Hôpital, patients, santé, territoires". En amont de ce texte, la Cour des comptes avait craint des "effets pervers" quand ces programmes "s’apparentent à de la publicité et permettent de contourner l’interdiction de publicité directe auprès du public pour les médicaments de prescription".

L’accompagnement des patients "ne doit pas être abandonné aux firmes pharmaceutiques", estimait la Cour des comptes. Cette opportunité, dénoncée par l’association UFC-Que Choisir et la Mutualité Française, n’est pas non plus du goût de l’Igas, car elle transgresserait "un principe fondamental de la sécurité sanitaire : le principe d’impartialité", rapporte ce livre.

Les intérêts économiques passeraient-ils avant la santé ?

L’auteure évoque plusieurs exemples allant montrant la supériorité des intérêts économiques sur la santé des patients. C’est le cas par exemple de l’anti-inflammatoire Vioxx®, retiré du marché mondial fin 2004 pour ses risques cardio-vasculaires. Elle montre ainsi comment des médicaments peuvent obtenir une AMM tout en étant "moins efficaces que prévu" et "plus toxiques qu’annoncé".

Cité dans cet ouvrage, Bruno Toussaint, directeur de la rédaction de la revue Prescrire, estime qu’"il n’y a pas d’exigence de progrès thérapeutique". "Il manquerait presque un mot pour décrire l’art et la manière des laboratoires pour construire l’histoire de leur médicament afin d’obtenir une AMM. A moins, tout simplement, de qualifier cette activité de manipulation de données", fustige Stéphane Horel.

"Panne de l’innovation"

Alors qu’ils sont confrontés à "une panne de l’innovation", les "labos" continuent à commercialiser de nouveaux produits. Résultat : "96% des médicaments présentés par les firmes en 2008 n’apportent rien à la santé des gens", car ils n’ont "aucune plus-value thérapeutique". Ils sont tout de même admis au remboursement et "cela ne les empêche en aucun cas d’être chers". Comme le rappelle Stéphane Horel, l’assurance maladie a montré que les produits de moins de trois ans représentaient en 2007 une dépense de près de 1,4 milliard d’euros et qu’ils contribuaient à 85% de la croissance totale des dépenses de médicaments.

C’est notamment le cas des me too, des molécules très proches de celle du médicament d’origine. Elles sont fabriquées pour contrer les pertes financières consécutives à la perte du brevet du médicament princeps. Cette stratégie de contournement touche tout particulièrement "la grande famille des statines, ces molécules anticholestérol avalées quotidiennement par cinq millions de Français et deuxième classe de médicaments la plus coûteuse pour la Sécu".

Toutefois, tout n’est pas rose pour l’industrie pharmaceutique ! Longtemps assurée de gains exceptionnels dus aux ventes de blockbusters – nom donné aux médicaments à succès dont la vente engendre au minimum 1 milliard de dollars par an –, l’industrie pharmaceutique doit faire face au développement des génériques. Vendus à un prix "50% inférieur", les génériques constituent un "énorme potentiel d’économies pour l’assurance maladie et les patients". Mais la France vient tout juste de rattraper son retard dans ce domaine…

Paula Ferreira

Source :

http://www.mutualite.fr/L-actualite...

3) Ces firmes qui pillent la Sécu

Des médicaments inefficaces mais remboursés par la Sécu restent sur le marché pour ne pas plomber les recettes des laboratoires.

Le laboratoire Servier est dans le collimateur, mais c’est tout un système qui est en cause. Un rapport de la Direction générale de la concurrence de l’Union européenne, paru en 2009, conclut que « les laboratoires utilisent toute une série de moyens pour prolonger la vie commerciale de leurs médicaments ». Illustration avec l’Inexium : AstraZeneca a fabriqué ce nouvel antiulcéreux pour anticiper le passage du Mopral, aussi efficace, dans le domaine public. Pourtant, les autorités de santé ont estimé que l’amélioration du service rendu par l’Inexium était nulle. Il n’empêche que ce médicament est vendu trois fois plus cher que le générique. Depuis sa mise sur le marché, il a coûté 850 millions d’euros à la Sécurité sociale.

Récemment, fin 2010, le comité chargé de fixer le prix des médicaments a accordé au Multaq (contre les troubles du rythme cardiaque) de Sanofi-Aventis un prix onze fois supérieur à la molécule de référence, après que la Haute autorité de santé a été priée de revoir son évaluation médiocre. Au final, le service médical rendu du Multaq a été jugé «  important » contre un premier avis « modéré », ce qui garantit au médicament un remboursement à... 65 %.

Autre exemple : en décembre 2009, l’Afssaps suspend l’autorisation de mise sur le marché du Ketum, en raison d’effets secondaires graves. Menarini, le fabricant du gel antalgique, saisit le Conseil d’État, qui, début 2010, ré-autorise le médicament, notamment parce que « l’arrêt de la commercialisation risquerait de compromettre la possibilité pour cette société de retrouver un résultat positif en 2010 ».

Dernier cas, qui démontre que la santé financière prime sur la santé des patients : en 1996, le responsable de la sécurité biologique des médicaments chez Sanofi a été licencié pour avoir « refusé de cautionner l’approvisionnement en Chine » de produits biologiques qu’il jugeait « douteux ». En 2008, les faits ont confirmé ses doutes. Et on dit que ce sont les assurés qui creusent le trou de la Sécu  ? En 2007, les nouveaux médicaments représentaient à eux seuls une augmentation des dépenses de médicaments de 1,4 milliard d’euros.

A. C.

4) De la pharmacie au pouvoir, le fabuleux réseau des labos

Le passé peut créer des relations et obligations durables. Il dote les individus d’un carnet d’adresses qui peut les amener à mélanger intérêt général et intérêts particuliers, notamment dans le domaine de la santé publique.

François Sarkozy

C’est le frère dont on ne parle jamais. Pédiatre de formation, il a abandonné la pratique de la médecine pour se consacrer à l’industrie pharmaceutique. Depuis 2005, il est vice-président du conseil de surveillance de la firme Bio Alliance Pharma, cotée en Bourse. Il est également le président d’AEC Partners, qui conseille l’industrie pharmaceutique. Il fait aussi partie du comité d’évaluation du Paris Biotech santé, association entre des universités et des centres de recherche visant à développer des applications de la recherche médicale. Association subventionnée par… les clients d’AEC Partners  !

Roselyne Bachelot

Actuellement ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, elle fut ministre de la Santé de mai 2007 à novembre 2010. Docteur en pharmacie, elle a passé douze ans au service de l’industrie pharmaceutique, notamment chez LCI Pharma (devenu AstraZeneca) et Soguipharm. Elle a été soupçonnée de connivence dans la vaccination massive contre la grippe AH1N1, en 2009, qui fit gagner des sommes astronomiques aux laboratoires.

Nora Berra

Secrétaire d’État à la Santé depuis décembre dernier, elle a déclaré, lorsque le scandale du Mediator a éclaté, qu’il « faudra voir la relation d’imputabilité entre les médicaments et ses effets ». Il n’en fallait pas plus pour parler de conflit d’intérêts, au vu de ses liens avec les laboratoires. Elle ne s’en cache d’ailleurs pas. Elle a travaillé entre 1999 et 2001 pour Boerhinger Ingelheim, de 2001 à 2006 pour Bristol Myers Squibb et de 2006 à 2009 pour Sanofi-Pasteur. Nora Berra estime d’ailleurs que « c’est un atout » d’avoir travaillé pour les laboratoires car cela lui permet de connaître « les problématiques auxquelles ils sont confrontés ».

Christian Lajoux

Nommé président de Sanofi-Aventis France en 2009, il est également président du syndicat français de l’industrie pharmaceutique (Leem, les entreprises du médicament) depuis 2006. En mars 2009, il a été nommé membre du conseil d’administration de l’Inserm, établissement public de recherche à caractère scientifique et technologique. Pour le collectif Sauvons la recherche, c’est l’ensemble de la recherche biomédicale qui est ainsi priée de se mettre au service de l’industrie pharmaceutique.

Jean Marimbert

Conseiller d’État, directeur général de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Cet « expert reconnu des questions sociales et spécialiste des questions sanitaires » a été nommé par Jean-François Mattei en 2004, qui voulait un administrateur à la tête de l’agence. En témoigne son parcours : conseiller technique au cabinet du ministère de Philippe Seguin (Affaires sociales et Emploi) de 1987 à 1988 ou encore directeur adjoint de celui de Jean-Pierre Soisson (Travail, Emploi, Formation professionnelle). Il y a deux jours, il a annoncé dans le journal Libération son prochain départ dans un contexte de « crise sans précédent ».

Fabienne Bartoli

Agrégée de sciences économiques et sociales, elle est actuellement directrice adjointe de l’Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé). Auparavant, elle a été conseillère technique pour les industries de santé au cabinet du ministre des Solidarités et de la Santé (avril 2004-juin 2005) avant de devenir conseillère technique pour la politique des produits de santé aux cabinets des ministres des Solidarité, de la Santé et de la Sécurité sociale (juin 2005-avril 2006).

Mais aussi…

Deux médecins nommés conseillers techniques par Xavier Bertrand à son arrivée au ministère de la Santé en 2005 avaient des liens avec le laboratoire Servier, a révélé le Canard enchaîné du mercredi 12 janvier 2011. Le professeur Gérard Bréart, praticien hospitalier et spécialiste de santé publique, était au cabinet « chargé de la recherche ». Il avait été en 2005 le coordonnateur d’une étude sur le Protelos, un produit contre l’ostéoporose de Servier, qui sera commercialisé en France en 2006, avant d’être « mis sous surveillance à la suite de la mort de huit personnes ». Françoise Forette, professeur de gériatrie, elle, a travaillé à plusieurs reprises avec Servier, ayant notamment perçu des « honoraires comme conférencière ». Interrogé par le Canard, Xavier Bertrand a indiqué qu’il « n’avait pas eu connaissance » des liens de ses collaborateurs avec Servier.

A. C., L’Humanité

5) Le lavage de cerveau des médecins

Les prescripteurs sont conditionnés par une information à sens unique.

Membre de la mission d’information parlementaire sur le Mediator, le sénateur PG de Loire-Atlantique, François Autain, ne mâche pas ses mots  : « Le système tout entier est phagocyté par les industries, et les médecins ne s’en rendent pas compte  ; leur discours est formaté. Et cette connivence va les suivre toute leur vie, jusqu’à leur retraite, sans qu’ils aient le sentiment d’être contraints par qui que ce soit. » Formation initiale, formation continue, information  : les firmes sont à tous les étages.

À défaut de subventions publiques, les industriels sponsorisent en toute légalité l’essentiel de la formation continue des praticiens. L’influence s’exerce notamment par les leaders d’opinion, la visite médicale et la presse, asservie aux intérêts commerciaux des firmes. Un rapport de l’Igas (Inspection générale des affaires sociales) d’août 2007 a d’ailleurs pointé la place excessive de l’industrie pharmaceutique dans le système de santé  : «  Les entreprises ne sont pas absentes de la formation initiale des médecins, elles contribuent très largement au financement de leur formation continue. Elles s’immiscent dans celui de l’évaluation des pratiques professionnelles. Elles assurent de façon quasi monopolistique l’information des professionnels de santé.  » Peu de gens le savent, mais le fameux Vidal, la bible des praticiens, est lui aussi exclusivement financé par les laboratoires.

L’Igas évalue à 23 000 euros par an et par généraliste les sommes investies par les firmes dans la formation et l’information des médecins généralistes. Et c’est compter sans les milliers de brochures, affiches et autres outils de la formation continue indirecte censés «  informer les patients  » sur les vertus de leur futur traitement. De leur côté, les associations de malades sont généralement peu actives sur le sujet des conflits d’intérêts en santé et des dangers qu’ils comportent, vu qu’elles sont pour la plupart dépendantes des subsides de l’industrie…

A. C.


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