Accord de Nagoya  : historique ou survendu  ?

dimanche 16 janvier 2011.
 

Signé entre 193 pays, dans la nuit de vendredi à samedi, l’accord sur la diversité biologique a eu vite fait d’être vu comme une fenêtre ouverte sur une nouvelle ère. Un peu trop vite ?

Pour que la chose soit claire, on l’a écrite cinq fois dans le communiqué officiel  : l’accord sur la préservation de la diversité biologique signé à l’ONU a quelque chose à voir avec l’histoire. Celle-ci « se souviendra que c’est ici, à Nagoya, qu’une nouvelle ère en harmonie est née », insiste Ahmed Djoghlaf, secrétaire exécutif de la convention pour la diversité biologique (CDB). Ou encore  : « Si Kyoto est entrée dans l’histoire comme la ville ayant vu la naissance de l’accord sur le climat, on se souviendra de Nagoya comme de la ville ayant vu naître l’accord sur la biodiversité. » Un accord qualifié d’« historique » –forcément–, adjectif repris en boucle par les commentaires qui ont suivi l’annonce des 20 objectifs pour 2020 actés à Nagoya. Quels sont-ils  ? Freiner l’érosion de la biodiversité, voire la stopper là où cela sera possible. Pour ce faire, la CDB mise sur la conservation d’espaces naturels. Les zones terrestres protégées (inclus fleuves et lacs) passeraient ainsi de 13 % actuellement à 17 % d’ici à 2020. Les zones maritimes passeraient quant à elles de 1 % à 10 %. De façon générale, les 193 parties se sont engagées à réduire la pression exercée sur les ressources, et plus singulièrement sur les stocks de poissons, qui « devront être gérés durablement ». Enfin, le fameux protocole sur l’accès et le partage des ressources génétiques (APA) a été ratifié, lequel fixe les règles de répartition des bénéfices réalisés par les industries pharmaceutiques ou encore cosmétiques.

Encourageant, mais l’euphorie mérite d’être modulée. Grimé en jeune premier, l’accord de Nagoya n’a rien d’inédit. En 2002, la CDB s’était engagée à freiner, voire à stopper en Occident, l’érosion de la biodiversité avant 2010. Le résultat est celui que l’on connaît et rien ne laisse penser qu’il en sera autrement au cours de la prochaine décennie, estiment plusieurs observateurs. Non contraignant, le plan n’engage que les paroles. Sa logique et les instruments de sa mise en œuvre, surtout, sont à double tranchant. « Le principe de conservation porté dessine un monde bipolaire sous tension », analyse Sylvain Angerand, chargé de mission aux Amis de la Terre. « L’idée de mettre sous cloche quelques lambeaux de biodiversité induit que l’essentiel des ressources peut continuer d’être surexploité, alerte-t-il. Au-delà des mots, on est très loin de remettre en cause les modes de production intensifs ou de reconnaître le droit à tous, partout, d’accéder aux ressources. »

Fortement espéré, l’APA traîne lui aussi un arrière-goût d’inachevé. « C’est à la fois une véritable avancée, quand il donne enfin une définition à la biopiraterie, note un observateur. En revanche, il ne dit rien sur la propriété intellectuelle. Pour peu qu’il y ait accord, le brevet est légitimé moralement, facteur de monopole et forcément plus facile d’accès pour les sociétés occidentales que pour les peuples autochtones. » Les pays en développement, en outre, n’ont pas obtenu la rétroactivité revendiquée pour le versement des bénéfices.

Alors, historique… ou survendu, Nagoya  ? Le fait est que l’ONU a fort à jouer à défendre l’efficacité du processus multilatéral, qui veut que des pays parviennent à s’accorder à l’unanimité sur des objectifs communs. L’échec de Copenhague l’avait fortement affaibli, offrant une brèche de taille, dans le cadre des négociations sur le climat, aux pays les plus réfractaires à s’engager devant la communauté internationale. À deux mois de Cancun, Nagoya était une répétition générale qu’il ne fallait pas rater. Quitte à surjouer les textes quand leur prose sonne creux.

Marie-Noëlle Bertrand


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