Pourquoi l’EPS et le sport sont-ils des enjeux de société ?

mardi 12 juin 2012.
 

Par alain Becker, président du centre EPS et Société, et Serge Chabrol, secrétaire général du SNEP-FSU

Le Syndicat national de l’éducation physique (FSU) et le centre EPS et Société viennent de rassembler sur trois jours, à Paris, près de 1 900 participants aux premières « EPSiliades », pour le développement et la rénovation de l’école, de l’EPS, du sport scolaire et du sport, avec conférences, tables rondes, comptes rendus d’expériences, pratiques sportives et artistiques, etc. Sans doute le plus grand forum sur ce thème organisé en France.

Démocratiser l’école

La fonction de l’école est, impérativement, d’entraîner chaque jeune à apprendre et comprendre les aspects les plus essentiels de la culture qui nous construit, pour pouvoir agir au présent et se projeter dans l’avenir. Or, aujourd’hui, l’école régresse, engagée qu’elle est dans des réformes qui témoignent de l’abandon de l’objectif de démocratisation et de la volonté de réduction des coûts. Il nous faut rebâtir un idéal en concevant et en mettant en œuvre un nouvel humanisme scolaire, et construire une école dont le cœur est bien l’émancipation par l’apprentissage de savoirs et de compétences qui doivent permettre à chacun-e de sortir de ce que l’on considère trop souvent comme des déterminismes. « Tous capables » est un slogan qui a beaucoup circulé lors des EPSiliades. Cela impose de développer une authentique démocratie de la vie scolaire, de libérer le travail des collectifs enseignants, concepteurs de leur activité.

La formation des enseignants et la recherche en éducation, actuellement démantelées, sont des leviers déterminants pour avancer dans ce projet.

La contribution originale de l’éducation physique et sportive

Il n’y a pas d’éducation à visée démocratique sans appropriation critique par tous les jeunes d’une culture riche. Le patrimoine sportif et artistique disponible représente une culture à part entière, des productions humaines à l’échelle de l’histoire de nos sociétés, gorgées de significations, d’imaginaire, de défis au monde physique, aux autres, de sources de dépassement. Les activités physiques, sportives et artistiques (Apsa) (sports, danse, celles du cirque…) sont des œuvres à étudier comme la poésie, les romans, les sciences, les langues… Activités profondément humaines parce qu’elles mobilisent la totalité des êtres et qu’elles sont porteuses de savoirs de diverse nature (technique, tactique, physique, psychosociale, philosophique), elles sont dignes d’être enseignées. L’EPS doit sélectionner rigoureusement ce qui doit être acquis par tous, en regard des exigences éducatives scolaires. Les formes de pratique des Apsa dans la société sont à interroger de ce point de vue.

Le « socle commun », loin de centrer l’EPS sur une appropriation critique de cette culture, tend au contraire à cantonner celle-ci hors de « fondamentaux scolaires » qui seraient seuls dignes d’intérêt. Pourtant, c’est bien cette entrée en culture qui va permettre de travailler sur des objectifs transversaux de santé, de citoyenneté, de socialisation, et non l’inverse.

L’EPS ne saurait accepter le retour de dissociations entre des disciplines fondamentales qui transmettraient des savoirs et devraient être enseignées le matin ou pendant les pics d’attention définis par les chronobiologistes, et des disciplines secondaires sans véritables savoirs à transmettre et qui pourraient être déportées l’après-midi, et éventuellement confiées à des intervenants extérieurs  !

Transformer le sport  !

La culture sportive scolaire ne peut se satisfaire de certains traits actuels du sport – violences, tricheries, xénophobie, mercantilisme – et des politiques sportives qui les accompagnent, voire les génèrent.

Non, l’essentiel n’est pas de gagner « à tout prix ». Faire du sport doit redevenir un jeu dont l’objectif est de rencontrer les autres pour se perfectionner sur tous les plans. La privatisation de plus en plus importante du sport de haut niveau, sa marchandisation cynique tranchent avec les vertus supposées que certains accordent à ce sport-là pour éduquer. Il faut faire évoluer le sport, ses formes de pratique, ses règlements, ses spectacles et en faire disparaître les sources de discriminations, celles en particulier qui frappent les femmes et toutes les minorités. Il est urgent de réorienter les politiques publiques tant sur le terrain des valeurs que sur celui des pratiques en reposant la question d’un grand service public pour une démocratisation de « tous les sports pour tous ».

Dans cette optique, le sport scolaire est un formidable laboratoire pour promouvoir des compétitions scolaires qui permettent l’engagement de tous, qui n’excluent pas et qui apprennent à grandir dans le respect de soi et des autres.

C’est pourquoi, en conclusion des EPSiliades, nous avons rendu public un appel national « Pour l’EPS et le sport éducatif pour tous » (http://www.snepfsu.net/epsiliades/a...). Signé par une centaine de personnalités, il a vocation à s’étendre et à participer du débat pour la valorisation de l’EPS et du sport scolaire dans un système éducatif démocratique, donc rénové et centré sur la réussite de tous, mais aussi du débat pour un sport humaniste et véritablement émancipateur.

alain Becker


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