Les affameurs s’engraissent Les affamés s’enflamment (petites nouvelles du dimanche)

dimanche 13 février 2011.
 

1) "Oui mais, ça branle dans le manche" comme chantaient les Communards survivants

Dans plusieurs pays arabes, d’immenses manifestations secouent les régimes prisons installés dans la foulée de la vague libérale ; dans d’autres, la mobilisation commence à prendre. Quel plaisir, de lire et relire des textes émanant de la révolution tunisienne, comme celui de Taoufik ben Brik Il était une fois la révolution

14 janvier 2011 La révolution démocratique tunisienne balaie le dictateur Ben Ali]

Quel plaisir de voir le peuple et la gauche renaître dans ce grand pays qu’est l’Egypte !

Quel plaisir d’apprendre une grande manifestation de plusieurs milliers de personnes contre la hausse des prix à Nouakchott (Mauritanie).

En Europe, les mouvements sociaux de France, Grèce, Espagne, Portugal , Grande-Bretagne, Italie... montrent que personne ne veut payer plus la crise. Et voilà que les salariés roumains, si maltraités par les multinationales et par le FMI relèvent eux aussi la tête.

L’Amérique latine n’est plus aussi isolée que ces dernières années.

"Oui mais, ça branle dans le manche Et gare à la revanche " poursuivaient les Communards survivants.

2) Même le forum de Davos est "désorienté" par le souffle des mouvements sociaux

Cette année, il est intéressant de lire les articles de presse et du web relatant les discussions du forum des riches et puissants de la planète. France 24 les résume ainsi " Dans les couloirs du forum, on pouvait surprendre les discussions désorientées des participants : la chute de Moubarak semblait inenvisageable une semaine plus tôt."

L’organisateur du forum M Schwab a même affirmé " Le système politique et les institutions sont débordés par les complexités qu’ils doivent affronter." L’avant-rapport préparatoire assénait déjà l’analyse suivante de la mondialisation " Une minorité en a cueilli une part disproportionnée des fruits."

Il est vrai que le dernier rapport du Bureau International du Travail insistait sur les ravages de la mondialisation en terme de salariés précaires (1 053 000 000 dans le monde), de chômage ( 205 000 000), de travailleurs pauvres...

Le vent des révolutions souffle aussi sur le Forum Social Mondial de Dakar qui s’ouvre aujourd’hui " Les évènements extraordinaires de Tunisie démontrent que les peuples ne sont pas passifs et que beaucoup d’idées progressistes avancent dans la profondeur des sociétés."

3) Qu’est-ce qui ressort du sondage CEVIPOF présenté dans la semaine : Qu’ils s’en aillent tous !

- 3a) A votre avis, est-ce que les responsables politiques, en général, se préoccupent beaucoup, assez, un peu, pas du tout de ce que pensent les gens comme vous ?

Beaucoup : 2% Peu ou pas du tout 83%

Parmi les élus, Nicolas Sarkozy bat le record de défiance avec seulement 29% de sondés ayant confiance en lui.

Pire, pour beaucoup de Français , la politique suscite surtout de la méfiance (39%) et du dégoût (23%). 56% des Français n’ont confiance ni dans la droite, ni dans la gauche pour gouverner.

- 3b) Diriez-vous qu’en France, la démocratie fonctionne très bien, assez bien, pas bien, pas bien du tout ?

Très bien 4%

Pas bien, pas bien du tout 57% en hausse de 9% sur le dernier baromètre de l’opinion.

- 3c) Souhaitez-vous que le système capitaliste :

Ne soit pas réformé 3%

Réformé sur quelques points : 49% (en baisse de 4%)

Réformé en profondeur : 47% (en hausse de 7%)

- 3d) Parmi les qualificatifs suivants, quels sont ceux qui caractérisent le mieux votre état d’esprit actuel ?

Arrivent en tête : Lassitude (34% en hausse de 8%) ; Méfiance (28%) ; Morosité (28%)

- 3e) 69% des sondés estiment que les enfants d’aujourd’hui auront moins de chances de réussir que leurs parents

4) Son excellence Monsieur le Directeur général du FMI craint la contagion tunisienne et égyptienne

Ce mardi 1er février à Singapour, Dominique Strauss-Kahn a planché sur la "reprise"

"Bien que la reprise soit en cours, ce n’est pas la reprise que nous souhaitions".

Il discerne "deux déséquilibres dangereux" :

- un déséquilibre économique entre les pays développés, à croissance molle, et les pays émergents et en voie de développement, à croissance rapide, dont "certains pourraient même se trouver bientôt en état de surchauffe".

- un déséquilibre social au sein des pays (nombre accru de chômeurs, très forts écarts de revenus). Par exemple, a-t-il dit, le chômage est "une des raisons de fond des troubles politiques en Tunisie".

DSK a toujours poussé à la libéralisation privatisation marchandisation du monde. Ce fut particulièrement le cas vis à vis de l’Egype de Moubarak vantée en 2010 comme faisant partie des pays émergents "les plus dynamiques". Cette même année, le pays du Nil reçut le prix doing business award récompensant un "environnement commercial et économique favorable aux investisseurs."

Et puis, soudain, ce mardi 1er février, DSK dresse un bilan désastreux du monde actuel, par exemple " Nous sommes face à la perspective d’une génération perdue, destinée à souffrir toute sa vie, d’une détérioration des conditions sociales et du chômage."

"Nous pourrions assister à une instabilité sociale et politique croissante au sein des pays, et même à la guerre" a-t-il affirmé.

5) Les ministres de l’UMP (Union des Milliardaires Prédateurs) voyagent aux frais de ben Ali

Michèle Alliot-Marie nous donne un bon exemple des liens entre milliardaires et politiques, y compris dictateurs.

Pendant les vacances de Noel 2010, le peuple tunisien se soulève contre la dictature Ben Ali et contre la misère. Que fait MAM ? Elle part dans ce pays avec ses parents et son compagnon ministre (Patrick Ollier). Un milliardaire tunisien ( Aziz Miled) proche de Ben Ali, leur permet de voyager gratuitement jusqu’à Tabarka dans un avion de neuf places. Ensuite, où passe-t-elle ses vacances familiales ? dans l’hôtel luxueux (5étoiles) du même milliardaire. Elle se défend en faisant valoir :

* que l’homme d’affaires tunisien lui a seulement permis de faire "20 minutes de trajet" vers Tabarka, son lieu final de destination. Elle ment, d’après la presse, car elle et sa famille ont repris le même jet privé le 29 décembre, afin de se rendre à Tozeur, dans le grand sud tunisien.

* que cet ami n’avait rien à voir avec Ben Ali et en était victime. Assertion difficile à tenir pour un avion immatriculé BT (Belhassen Trabelsi, beau-frère de Ben Ali).

Après les vacances de Noel 2010, la Tunisie des milliardaires proches de Ben Ali prend peur. Que fait MAM ? Elle propose publiquement, au Parlement, devant les caméras de télé, le "savoir-faire" policier français pour contenir un mouvement social.

MAM dégage !

6) Les ministres de l’UMP forment la police égyptienne

L’Egype de Moubarak représente sans aucun doute depuis 30 ans un régime autoritaire policier avec certaines caractéristiques d’une dictature.

Or, qu’en dit Michèle Alliot-Marie, ce 22 janvier 2011 "l’Etat égyptien, avec ses caractéristiques de démocratie et de tolérance".

Or, quelle a été la première application de l’Union pour la Méditerrannée ? La coopération policière constituant un volet important de celle-ci, Michèle Alliot-Marie réunit dès décembre 2008, au ministère de l’intérieur (Place Beauvau), tous les directeurs généraux de police des pays européens et méditerranéens. Des politiques précises ont été fixées...

Quiconque a regardé la stratégie de la police égyptienne face aux manifestations (véhicules blindés fonçant sur les manifestants...) peut se demander par qui elle a été formée.

Dans les années 1960 1970, des officiers français ont joué un rôle décisif en Amérique latine dans la "guerre sale" menée pour exterminer les milliers de militants de gauche, syndicalistes et anticapitalistes les plus actifs.

La police égyptienne de Moubarak a profité, elle, y compris dans les derniers mois du "savoir-faire" policier français vanté par Michèle Alliot-Marie.

Du 16 au 26 septembre 2010, la direction centrale de la police nationale française a assuré une formation, en particulier sur les techniques de filature (évidemment indispensable pour toute police secrète).

Du 10 au 16 octobre 2010, au titre du budget de la Coopération, des "sessions de formation" ont été assurées au Caire par le ministère français de l’intérieur pour "la gestion des foules et des grands évènements".

Par ailleurs, la livraison de matériel militaire français n’a été stoppée que ce 27 janvier 2011.

Vu le nombre de morts et de blessés, le peuple égyptien se tournera un jour vers les formateurs à la " gestion des foules et des grands évènements".

Hortefeux dégage !

7) Les prédateurs financiers spéculent sur les produits alimentaires

L’année 2011 commence mal pour les populations pauvres. Comme les mouches changent d’âne, les financiers ont changé de cibles ces derniers mois et les productions alimentaires de base comme le sucre, l’huile et les céréales sont sous l’emprise d’une spéculation qui risque de durer.

Seule la constitution de stocks de sécurité peut casser la spéculation. Il suffit alors de déstocker du grain pour le mettre sur le marché afin de casser la spéculation. En silo, les céréales se conservent très bien d’une année sur l’autre et on peut faire tourner le stock après chaque récolte. Encore faut-il stocker à temps. Ce qui relève de la responsabilité des décideurs politiques. Souvenons-nous en France de la création de l’Office du blé en 1936 et de décisions voisines prises aux États-Unis pour sortir de la grande récession de l’entre-deux guerres.

8) Les affameurs

À New York, à Londres ou à Paris, on joue 
au Monopoly avec la vie des enfants d’Algérie, en achetant des quintaux de blé ou des barils de pétrole quand les prix sont bas et les revendant quand le cours monte. Rumeurs et chuchotements sur le thème de la pénurie suffisent à gonfler artificiellement les prix. J’achète, je vends, j’empoche et pendant ce temps-là à Bab El-Oued, le lait devient inaccessible pour les familles modestes.

À ce triste jeu, tout le monde est perdant, 
à l’exception des grands groupes agroalimentaires et des affameurs de la spéculation. Faut-il y voir l’effet de la fatalité, des imprévisibles caprices du climat  ? Évidemment non, le monde a les moyens de maîtriser l’approvisionnement des denrées de base (céréales, sucre, huile, etc.) par la constitution de stocks, ce qui tarirait la source de la spéculation. On pourrait alors parler à bon droit de communauté internationale, de gestion commune de biens communs. Mais déjà s’inscrire dans une démarche communiste, à l’opposé du dogme libéral selon lequel la finalité de toute décision économique se résume au profit immédiat.

9) Le retour du pétrole cher accable les plus pauvres et menace la croissance

Le prix de l’essence à la pompe s’approche des records de 2008. Le besoin d’une autre gestion de l’énergie dégagée des logiques des marchés est plus actuel que jamais.

Il existe trois raisons à ce regain de hausse sur le pétrole  :

1/ Prisonniers de logiques de rentabilité à court terme, les groupes ont investi trop tardivement dans le raffinage ou l’exploration/production.

2/ Une demande plus élevée d’énergie dans les pays émergents, où la croissance est repartie très fortement à la hausse après le très sensible fléchissement de 2009 provoqué par la crise.

3/ Le retour de la spéculation sur l’or noir au sein des marchés à terme comme le Nymex de New York où, sous prétexte de « se couvrir », on parie sur l’évolution des cours du brut en s’échangeant donc des tonnes de pétroles virtuelles.

10) Fonds vautours, pourquoi la France ne fait rien ? Ils saignent le Sud avant de s’attaquer au Nord

Les fonds vautours continuent de faire des ravages dans les pays du Sud. La République démocratique du Congo (RDC) vient d’en faire les frais en perdant un nouveau procès contre le fonds spéculatif FG Hémisphère devant la cour de Jersey. Cette nouvelle saignée était malheureusement prévisible. En effet, FG Hémisphère utilise toujours la même méthode, caractéristique des fonds vautours  : basé dans un paradis fiscal (dans le Delaware, en plein cœur des États-Unis), comme la majorité des fonds vautours, FG Hémisphère rachète en 2004 d’anciennes dettes décotées de la RDC datant des années 1980 (d’une valeur réelle de 37 millions de dollars), puis saisit la justice anglo-saxonne (la cour de Jersey), particulièrement protectrice des créanciers, afin d’obtenir le remboursement de la valeur nominale de cette dette, auquel s’ajoutent les intérêts de retard et autres pénalités (pour un montant total d’environ 100 millions de dollars).

Ainsi, FG Hémisphère a obtenu le droit de se faire rembourser une dette de 100 millions de dollars alors qu’il n’a déboursé que 37 millions de dollars. Et chaque jour, cette dette augmente de 27 500 dollars à cause des intérêts  !


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