" Ministres et candidats, prenez garde à ne pas écoeurer les enseignants " (Roland Réal)

jeudi 13 septembre 2012.
 

Je suis, comme beaucoup d’enseignants, fatigué de ce genre de débat sur le temps de travail alors que nombre de professeurs s’épuisent chaque jour pour faire un travail de qualité malgré toutes les difficultés.

Une enquète officielle du ministère prétend que le temps de travail hebdomadaire d’un enseignant est de 39h et une étude du SNES ( syndicat majoritaire chez les professeurs du second degré) donnait, dans une précédente enquête, 44h. Une nouvelle enquête est d’ailleurs en cours.

Pour ma part, j’ai du mal à évaluer mon propre temps de travail hebdomadaire qui doit, je pense, dépasser les 50 heures et je pense qu’il en est de même pour beaucoup de collègues.

Il est faux de croire que quand on a enseigné pendant de nombreuses années ( pour ma part 30 ans dans divers lycées et collèges dont six ans en zone sensible ) l’on passe beaucoup moins de temps aux préparations. Un professeur du secondaire change pratiquement tous les ans de série, de classe et, en tenant compte des nombreuses réformes des programmes et de l’évolution des outils et des méthodes, il doit se remettre en cause en permanence, refaire ses cours et revoir régulièrement ses pratiques pédagogiques.

Le temps passé à préparer reste donc important et le temps de correction est généralement énorme.

Les samedis et les dimanches se passent souvent à corriger ou à se documenter et la moitié des vacances est souvent consacrée à une réflexion en profondeur sur son enseignement.

Il y a de plus les réunions avec les parents, collectivement ou individuellement, les réunions de concertation avec les collègues ou l’administration et nombre de tâches qui sont invisibles aux yeux du grand public.

Il y a enfin l’épuisement nerveux qui atteint nombre d’entre nous, surtout dans les établissements difficiles.

Enfin, bref, les enseignants travaillent en général beaucoup, sans compter leur temps, car leur métier leur plaît, qu’ils font tout pour que leurs élèves réussissent et qu’ils ont une certaine liberté pour s’organiser .

A tous ceux, ministres et candidats..., qui veulent charger la barque, nous demander de prendre plus de classes, de faire plus de présence , nous enlever cette liberté d’organisation, je dirai ceci :

- prenez garde à ne pas écoeurer les enseignants qui donnent tant si vous ne voulez pas mettre en danger l’Ecole de la République. Beaucoup de réformes et d’améliorations sont possibles mais pas contre eux.

A Ségolène Royal qui , sous prétexte qu’il y aurait quelques enseignants qui auraient le temps d’aller donner des cours payants dans des officines privées , propose qu’ils restent 35 h dans l’établissement pour faire du soutien gratuit, je me permettrais de faire remarquer qu’il y a peu de professeurs qui ont le temps de faire ces quelques heures et si certains le font c’est pour arrondir un salaire parfois médiocre, surtout pour un débutant ou un contractuel, et sans augmentation depuis des années.

A vous, lecteur, qui avez eu la patience de me lire jusqu’ici, je dis : informez-vous sur le métier d’enseignant, vous verrez qu’il mérite votre considération et vous défendrez l’Ecole, cette institution remarquable qui doit garantir à tous l’égalité des chances.

2) Message du 10/12 sur le site Désirs d’avenir

Arrêtons avec cette polémique... Les 35 heures pour les profs ? mais comment ? Comme dans une entreprise ?.. mais c’est tout simplement impossible...

Je le répète, j’ai travaillé pendant 15 ans dans une grande entreprise privée (de la grande distribution).. comme cadre financier à raison de plus de 60 heures par semaine.. (en comptant les heures non productives !!).

Aujourd’hui je suis prof et je dis haut et fort que six heures devant élèves c’est largement 8 heures à un bureau : 6 heures de concentration, de sollicitation, de questions... sans pouvoir aller souffler, sans pouvoir regarder par la fenêtre... et 6 fois 5 jours celà fait 30 heures... Dans mon enseignement je fais souvent intervenir des professionnels... Au bout d’une heure et demi d’intervention leur réflexion est toujours la même "c’est dur !"

Il n’y a pas de métier facile, il y a seulement des métiers plus passionnants que d’autres. Celui de Professeur fait parti des beaux métiers avec mille et une satisfactions...

Et puis le calcul est vite fait : 18 heures devant élèves... et ensuite à minima : 1/2 heure de préparation par heure de cours, 10 minutes de correction par 35 copies, 1/2 heure à la photocopieuse quand il n’y a personne, quelques minutes pour répondre à une question d’un élève, un 1/4 d’heure pour rencontrer les parents, 1/4 d’heure pour les conseils de classe, les portes ouvertes, les reunions de concertation, remplir les bulletins, rendre la feuille d’absence.. ajoutez à celà qu’il faut être sur son lieu de travail 5 minutes minimum avant les élèves et 5 minutes après, accordez nous 5 minutes pour prendre un café, boire un verre d’eau et soulager la nature... STOP.. la semaine est finie !

Et puis si on rend les 35 heures obligatoires dans notre métier il faudra nous fournir (comme dans l’entreprise) le matériel pour faire notre métier (On achète nos livres, nos fournitures, nos micros, nos abonnements internet..), rémunérer les heures suplémentaires, prévoir de fermer les établissements un vendredi sur 4 (pour les RTT !!) faire les conseils de classe sur le temps de travail des salariés...

Allons Allons !.. Ceux qui préconisent la rigidité ne doivent pas connaitre le métier !.. Ceux qui pensent que l’enseignant est un tire au flanc n’ont jamais mis les pieds dans un établissement !.. Le monde enseignant est strictement le même que celui de l’entreprise : 98% de conciencieux.. et 2% de.... La différence ? simple : si vous avez deux incompétents dans un hypermarché aucun client ne les connait et s’il manque du sucre ou des ampoules dans un rayon.. personne ne dit rien. Si deux enseignants sont défaillants et qu’ils ont tous les deux 5 classes differentes de 35 élèves.. c’est 350 familles qui accusent les enseignants de ne pas faire leur travail...

3) Message paru sur le site Désirs d’avenir le 16/11

Il faut regarder les choses en face. Appeler un chat un chat. 35 heures dans un bureau, même avec des collègues plus ou moins sympathiques, ça n’a rien à voir avec 18h/19h/20h face des jeunes qui ne sont pas enclin à voir dans le collège ou le lycée les enseignants comme des adultes venant exercer leur métier d’enseignants.

Amener certains jeunes à travailler, à les contraindre à un minimum de respect, à des horaires, à une discipline au sein de leur établissement et chez eux dans leur travail scolaire à une discipline d’apprentissage, c’est quasiment devenu miraculeux quand on y arrive...

Que Ségolène nous envoie des recettes sur les copies qui se corrigent toutes seules, sur les préparations qui tombent du ciel ...sur le bras de fer que l’on fait avec certaines classes dans les banlieues "dites sensibles"...

Qu’elle aille prendre une classe difficile à Aulnay-sous bois et qu’elle nous en fassse une vidéo avec recette imprimable et transposables partout et dans tous les domaines. C’est pour moi une forme de démagogie pernicieuse.

Je voulais voter pour elle...Des collègues m’envoient des mails en me disant qu’ils ne voteront plus pour elle...J’appouve et je leur emboite le pas... Je fais plus de 35 heures...et ce métier devient de plus en plus difficle et avec de moins en moins de moyens.


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