Congrès du Parti de Gauche : deux textes du NPA

jeudi 25 novembre 2010.
 

1) Congrès du PG : matière à débat

Nous sommes au coude à coude avec les militantEs du Parti de gauche (PG) sur le terrain des mobilisations contre le gouvernement et sa politique, dans des combats communs qu’il nous faut poursuivre et amplifier. Mais c’est le programme et la stratégie que nous souhaitons aborder ici.

À quelques jours du congrès du PG, le livre de Jean-Luc Mélenchon Qu’ils s’en aillent tous  ! fait un tabac en librairie et les sondages lui sourient. Certes, le PG est loin du PCF en termes de forces militantes, mais il a réussi à renouveler un espoir qui paraissait bien mal en point dans un réformisme radical. Les textes préparatoires au Congrès en attestent. Il s’agit de rompre avec les politiques de soumission au libéralisme menées par la social-démocratie européenne et de retrouver le souffle de véritables réformes de structures. Pour l’essentiel, le cadre de la réflexion est celui du programme du Conseil national de la Résistance. S’y ajoute une réelle réflexion écosocialiste, qui s’écarte des choix du capitalisme vert, notamment en ce qui concerne la critique du productivisme et de l’énergie nucléaire. Il y a donc, sur le terrain programmatique, matière à convergences sur certains points, à débat sur l’ensemble.

Citons les points sur lesquels portent l’essentiel du débat politique entre NPA et PG.

La référence constante à la République, même tempérée par l’adjectif «  sociale  », à la «  patrie républicaine  », alors que cette construction en France est marquée par la collaboration de classes, l’héritage colonial, le nationalisme et la démocratie libérale, renvoie à une solide divergence.

Ensuite, le contenu du programme lui-même, pour lequel le niveau de radicalité de la rupture envisagée paraît parfois trop timide. Ainsi, alors que la socialisation du crédit, avec un monopole public, à l’échelle européenne si possible, apparaît au NPA comme un minimum pour casser la spéculation et donner les outils du contrôle social sur l’économie, le PG reste à mi-chemin.

Troisièmement, la révérence envers les processus institutionnels se traduit au PG par la défense d’une coupure entre le social et le «  politique  » (résumé en fait aux élections), mise en pratique lors du mouvement de défense de la retraite. La «  révolution citoyenne  » revendiquée par le PG, traduction française de certains processus en Amérique latine, apparaît alors bien pâle. D’ailleurs, on peut interroger le sens de cette référence quand on voit le PG soutenir le social-libéralisme du PT brésilien.

Mais c’est le niveau des choix stratégiques immédiats qui constitue le principal obstacle sur le chemin de ce jeune parti  : le PG défend la nécessité de l’alliance avec le PS combinée avec la possibilité de changer le centre de gravité d’une telle alliance en même temps que le PS lui-même. L’idée étant que l’unité du Front de gauche (élargi par exemple au NPA) permettrait de «  jouer la gagne  », et d’imposer de telles évolutions dans un meilleur rapport de forces. Cette hypothèse est pourtant inconcevable dans les conditions actuelles. La vraie question est donc  : le PG ira-t-il dans une telle coalition en position subordonnée  ? Beaucoup de sympathisantEs et de militantEs du PG donneraient sans doute une réponse négative. Le Congrès du PG ne lèvera peut-être pas cette ambiguïté, mais les échéances se rapprochent.

Ingrid Hayes, Frédéric Borras (Comité Exécutif du NPA)

Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 78 (18/11/10)

2) Congrès du PG : La réactualisation de l’illusion réformiste (texte NPA paru dans Le Monde)

Tribune Libre, publiée dans Le Monde, le 19-11-2010

Le congrès annuel du Parti de gauche va s’ouvrir sur une belle ambiguïté. Popularisée par Jean-Luc Mélenchon, la « révolution par les urnes » est censée porter la même radicalité que Besancenot (la révolution)… tout en étant réaliste. La révolution, la vraie, c’est fini n’est-ce pas ? Après l’échec des révolutions du siècle passé admettons honnêtement que la question se discute. Alors vive la « révolution par les urnes » ? Holà ! Qu’on prouve fausse l’affirmation que ce fromage est du roquefort implique… que ce n’en est pas. Mais si on affirme que c’est du gruyère, il faut le prouver à nouveau frais. La difficulté d’en faire la preuve dans le livre Qu’ils s’en aillent tous montre que ce n’est pas chose aisée. Laissons de côté les pays lointains où les conditions sont très différentes. Où donc nos camarades du Parti de gauche, avec qui nous partageons nombre de combats de tous les jours et c’est heureux, ont-il vu possible une « révolution par les urnes » dans notre beau pays de France ? Aucune des Républiques successives, y compris la première, chère à Mélenchon, ne s’est installée par « les urnes ». Des révolutions, de tout type (ratée, réussie, inachevée, réprimée), on n’en manque pas. « Par les urnes », pas une seule. On a eu en revanche trois secousses brutales en 80 ans : juin 1936, 1944, mai 1968. On peut les relier à l’essentiel des grandes conquête sociales.

Le Front Populaire, 1936. La droite perd les élections. « Modération » dit Blum ! Mais la grève démarre, s’étend, puis explose. C’est d’elle (et d’elle seule) que procèdent tous les succès sociaux, dont les fameux congés payés et la semaine de 40 heures qui n’étaient pas dans le programme du front électoral de gauche.

La Libération. Tous les acquis sociaux sont contenus dans le programme du Conseil national de la Résistance. Loin « des urnes », il lui a fallu une guerre mondiale (excusez du peu) et la Résistance. Certes, il ne s’agit pas d’un programme socialiste. Mais il prévoit quand même, entre autres, la nationalisation de l’énergie, des assurances et des banques, la création de la Sécurité sociale, le droit de vote pour les femmes. Et ces points seront engagés dès la mise en place du gouvernement, et avant toute élection.

Mai 68. Qui se souvient que les élections de juin 1968 ont vu un raz-de-marée historique en faveur de la droite ? Et en l’occurrence la mémoire populaire a raison. Elections ou pas, le « Joli mai » a bouleversé les consciences et les rapports de force, et, indépendamment même des maigres avancées des accords de Grenelle, le ton sera donné pour plus de dix ans. La poussée du mouvement des femmes arrachera le droit à l’avortement… d’un gouvernement de droite. Même la construction du PS d’Epinay et son succès de 1981 ne sont que les ombres portées du grand ébranlement.

Et au regard de ces succès historiques, qu’est-ce que « les urnes » ont apporté ? 1981 ? Allons… Soyons beaux joueurs et admettons des avancées notables (la cinquième semaine de congés payés, la retraite à 60 ans que nous défendons aujourd’hui). Plus l’épisode singulier que constitue l’abolition de la peine de mort. Puis les longues années du renoncement, de la trahison des promesses, et enfin le basculement dans la gestion libérale dure. Et ceci jusqu’au gouvernement de la gauche plurielle. Fin, le 21 avril 2002, dans la catastrophe, pour cette « révolution par les urnes ».

Sans doute pour ses partisans cet épisode n’est pas la « révolution par les urnes » attendue. Donc confirmation : la « révolution par les urnes » n’a jamais montré le bout de son nez. C’est en fait une recherche et un espoir pour le futur ? Bien irréaliste ! En effet : écoutez les discours de Blum, puis ceux de Dominique Strauss-Kahn ou de Martine Aubry. Vous sentez la différence ? Comment ce qui n’a pas été possible avec les socialistes de l’époque, entièrement dans le cadre « des urnes » évidemment, mais qui gardaient encore la référence prolétarienne au cœur, pourrait l’être aujourd’hui avec des sociolibéraux décomplexés, n’ayant toujours pas tiré le bilan des désastreuses années Mitterrand/Jospin ? D’où une conclusion têtue : la révolution, c’est… la révolution, bouleversement général impossible à imaginer dans les institutions en place. Et une autre conclusion qui ne l’est pas moins : si tu veux obtenir des réformes (pour peu qu’elles aient une certaine ambition), prépare la révolution !

Ainsi, même inaboutie, la mobilisation sur les retraites aura des effets majeurs dans le rapport de force avec le pouvoir. Le plus grave aurait été une défaite sans la lutte. Le défi a été relevé, et c’est de la plus haute importance. Or, au moment où se posait la question de l’extension sur le terrain de la grève, Jean-Luc Mélenchon, solidaire pourtant avec nous des grévistes, bataillait pour… les urnes, par un référendum cette fois-ci. Mais comment obtenir de Sarkozy un référendum qui évidemment n’aurait que confirmé le désaveu que montrait déjà la rue ? Si ce n’est justement… par la rue et la mobilisation sociale ! On n’en sort pas : la révolution par les urnes, à la mode référendaire en l’occurrence, c’est un couteau sans dents.

Il n’y a pas l’ombre d’un doute que dans un pays comme le nôtre, les élections sont d’une importance décisive pour l’expression des évolutions politiques et idéologiques. De même la présence institutionnelle y est un enjeu majeur. La combinaison de l’activité dans les deux sphères est à discuter, à redéfinir en permanence. Nul ne sait à quoi ressemblerait une révolution dans le futur. Certainement pas un coup de tonnerre dans un ciel serein, un « grand soir » qui n’a jamais existé dans aucune révolution passée. L’important dans ce débat est que dans tous les cas et de toutes manières, c’est en dehors de la sphère parlementaire que se joue le rapport de force principal. De ceci, en tout cas, le passé en atteste. On peut défendre que ce qui fut vrai est devenu faux. Mais de révolution par « les urnes », point.

Réactualisation de l’illusion réformiste, le « mélenchonisme » est mille fois préférable au réalisme froid des énarques socialistes. Mais pour ce qui est de changer de système, si le chemin qui mène à la Rome écosocialiste est difficile à tracer, celui de Mélenchon est à coup sûr une impasse.

Ingrid Hayes, Samy Johsua, membres du conseil politique du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA)


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message