Couverture et éditorial de Politis cette semaine : Et si c’était Mélenchon !

lundi 4 décembre 2006.
 

Que cela soit bien clair : si l’on devait s’en tenir aux qualités personnelles de chacun, nous n’aurions pas de préférence. Clémentine, Marie-George, José, Patrick et Yves feraient à nos yeux d’excellents candidats. Elles et eux seraient parfaitement capables de faire entendre la voix de la gauche antilibérale, de parler sans afféterie de la vie des gens, de l’organisation de nos sociétés, des désordres du monde, et de proposer sinon des solutions, du moins une ligne de conduite claire qui inspire la confiance.

Il n’y en pas un ni une parmi ces candidats à la candidature dont la sincérité puisse être mise en doute. Ici, pas de sourires de commande, pas (trop) de frivolité médiatique, mais de la politique, au bon sens du mot. Donc, les candidats sont de qualité, et c’est peu dire que la situation est favorable.

La gauche antilibérale vibre encore de sa victoire fondatrice, un certain 29 mai 2005. Depuis ce jour, nous savons que ses idées constituent un courant puissant qui ne demande qu’à être structuré. Et, depuis une semaine, il existe une autre bonne raison de croire que c’est à la fois urgent et possible.

Le parti socialiste vient de faire mouvement vers la droite dans un registre à la fois libéral et personnaliste qui le rapproche davantage de la démocratie chrétienne que d’une tradition sociale issue du marxisme. Du coup, nos collectifs « pour une candidature unitaire » ont devant eux un boulevard. Il est d’ailleurs significatif que l’un des plus importants rassemblements politiques de ces derniers mois (4 000 à Montpellier) ait été leur oeuvre.

Un signe encore, venu des Pays-Bas : quelque chose qui ressemble d’assez près à nos collectifs, avec l’avantage (ou l’inconvénient) d’être déjà un parti, et fort justement dénommé Parti socialiste, vient de recueillir 16,6 % des voix aux élections législatives, triplant son score, obtenant 26 sièges dans le nouveau Parlement, et talonnant un Parti travailliste (l’équivalent de notre PS) en chute libre. Apparemment, donc, les oracles sont favorables.

Et pourtant, il s’en faut de beaucoup que la bataille ne soit gagnée, c’est-à-dire que cette gauche nouvelle, synthèse de socialisme authentique et d’écologie, ne se hisse à la hauteur des enjeux. Il est vrai que pour des mouvements de ces obédiences la compétition présidentielle est un piège. Elle finit par précipiter les uns contre les autres des femmes et des hommes qui partagent les mêmes valeurs. Et voilà qu’à dix jours de la réunion qui doit désigner le champion de la gauche antilibérale, le vent tourne au pessimisme.

Première manifestation de dépit : le brusque retrait, vendredi, de José Bové. Un vrai-faux retrait qui a surtout les allures d’une mise en demeure. L’ire de José Bové vise principalement le parti communiste, qui, dit-il, veut « imposer par tous les moyens la candidature de Marie-George Buffet ». Et nul ne saurait le contredire. Il ne s’agit d’ailleurs pas tant de la secrétaire nationale du PC que de cette satanée logique d’appareil qui fait monter au créneau les élus du parti qui songent déjà à leur réélection et lorgnent sur les alliances utiles à cette cause. Disons entre parenthèses que la LCR a joué bien plus « perso » dans cette affaire que les communistes. Mais on peut imaginer à tort ou à raison que la Ligue ne tiendrait pas longtemps sa position si le PC se fondait finalement dans le creuset unitaire. C’est donc naturellement vers celui-ci que convergent les regards et les critiques.

Car, au-delà de sa personne, Marie-George Buffet a un lourd handicap : elle représente ès qualités une composante des collectifs et ne peut guère prétendre en même temps à les représenter toutes. Elle ne peut permettre le nécessaire dépassement qu’en s’effaçant. Et c’est ici que se profile l’ombre d’un personnage qui n’est pas (encore) dans la compétition. Si ce n’est que son discours autorise quelques conjectures...

Jean-Luc Mélenchon ­ c’est de lui qu’il s’agit ­ est assez malin pour savoir qu’il ne peut être un candidat de plus là où il y en a déjà trop. En revanche, il peut penser que son profil politique est de nature à rassurer des communistes peu enclins à déléguer leur pouvoir à un écologiste, même antilibéral. D’où notre interrogation : « Et si c’était lui ? » Après tout, voici tout juste un an, un confrère sur papier glacé titrait avec un certain succès : « Et si c’était elle ? »

Mélenchon a été le seul responsable socialiste à fouler les mêmes estrades que les leaders de la gauche antilibérale. Un pied à l’intérieur du PS, un autre à l’extérieur. Sauf que si son appel d’offres à peine déguisé venait à intéresser ses nouveaux partenaires, il lui faudrait sérieusement choisir. Mais achevons comme nous avons commencé. Le principal dans cette affaire, c’est que l’accord se fasse. Et que toutes les forces politiques qui se sont tellement rapprochées dans cette forte aventure des collectifs sachent se montrer à la hauteur de l’événement. L’événement ­ faut-il le redire ? ­, ce n’est pas tant pour nous la présidentielle que la recomposition politique qui doit en sortir.

La hauteur de l’événement

Denis Sieffert


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