Comment le CAC 40 creuse le déficit

samedi 13 novembre 2010.
 

En 2009, si les groupes de l’indice vedette de la Bourse de Paris ont réalisé 47 milliards de bénéfices, ils ont réduit leurs effectifs en France de plusieurs milliers de postes et privé la protection sociale d’importantes ressources.

Les groupes du CAC 40 ont joué un rôle important dans le creusement du déficit de la Sécurité sociale  : c’est ce que révèle le décompte de l’évolution de leurs effectifs en 2008 et 2009, effectué à partir d’informations données par les directions. En cause, leur politique d’emploi. L’an dernier, leurs effectifs en France ont baissé d’environ 60 000. Ils sont passés, en un an, de 1 720 164 à 1 661 752 salariés. Ce qui a eu pour effet de réduire leurs versements à la Sécurité sociale. Le déficit de celle-ci a doublé en 2009 par rapport à 2008, pour atteindre 20,3 milliards d’euros. La raison en est simple  : 255 000 emplois ont été perdus en France l’an dernier, un record  ! Pour la première fois depuis 1945, la masse salariale a subi une baisse en 2009  : moins 1,3 %  !

Peugeot et Renault sont en tête des dix plus importants réducteurs d’emplois de l’Hexagone. Les autres industriels – Michelin et Schneider Electric – apportent, de ce point de vue, une forte contribution. Mais, fait remarquable, quatre groupes de service font partie de ce hit-parade, avec notamment PPR – le groupe qui englobe les magasins du Printemps, la Fnac, etc. –, Accor, France Télécom…

France Télécom, justement. Le groupe ne peut, lui, invoquer sa situation financière pour justifier ses coupes claires. Il a réalisé, en 2009, un bénéfice approchant les 3 milliards d’euros. Ils sont d’ailleurs nombreux les milliardaires du profit à avoir dégraissé leurs effectifs hexagonaux. Les 40 du CAC ont, au total, réalisé 47 milliards de bénéfices. Et ils comptent, notamment grâce à cette politique de baisse du coût du travail encouragée par le gouvernement, les augmenter sensiblement en 2010.

Les effectifs intérimaires ont fondu

Certes, la compression des effectifs en France des champions du CAC n’est pas due en totalité à des suppressions net d’emplois. Quelques baisses s’expliquent par des cessions d’activité. C’est ce qui explique en grande partie que l’effectif de Veolia se soit contracté de 15 000 postes. Mais, par ailleurs, on ne peut évaluer le rôle des vedettes de la Bourse de Paris en matière de suppressions d’emplois uniquement en mesurant l’évolution du nombre des CDI et des CDD. Renault, Peugeot, Vinci et Bouygues ont, en premier lieu, taillé dans leurs effectifs intérimaires. Le seul secteur de la construction a supprimé, en 2009, l’équivalent de 22 000 emplois à temps plein dans l’intérim, l’industrie, 97 900 postes  ! Par ailleurs, les grands groupes ont accentué leur pression sur leurs sous-traitants, en poussant certains à la faillite ou à des réductions d’effectifs.

Une autre politique de l’emploi

Le redressement des comptes de la protection sociale passe bien par une autre politique de l’emploi. Il faut se rappeler que le régime général de Sécurité sociale a retrouvé son équilibre dans les périodes de forte création d’emplois et de recul du chômage. Cela a été le cas en 1999, 2000 et 2001, années au cours desquelles les comptes ont été excédentaires, successivement de 0,5, 0,7 et 1,1milliard d’euros. Durant cette période, l’Insee constatait  : « Entre janvier1999 et mars 2000, le nombre de personnes ayant un emploi a augmenté de 600 000. » Dès 2002, les groupes ayant de nouveau resserré leurs effectifs, le régime général est redevenu déficitaire. Aujourd’hui, il faut réformer le système de financement de la protection sociale afin qu’il aide à la création d’emplois. Cela suppose de moduler les cotisations en fonction des politiques d’emploi des entreprises, en favorisant celles qui en créent et en taxant celles qui en suppriment par souci de rentabilité.

Pierre Ivorra

2) Michelin et Accor : une baisse nette des versements

Les cotisations du géant des pneuma­tiques et du premier groupe hôtelier européen diminuent au rythme des emplois supprimés. Depuis plusieurs années, Michelin, leader mon­dial des pneumatiques, réduit ses effectifs dans le monde. Entre 2005 et 2009, il a supprimé 16 338 postes, soit 14 % de ses effectifs. 11 000 postes, soit 17 %, dans la seule Europe de l’Ouest. Il a trans­féré une partie de ses activités en Asie, où il a augmenté le nombre de ses salariés jusqu’en 2008. Au fil des années, sa contribution au financement des différents systèmes de pro­tection sociale s’est effilochée, passant de 971 millions d’euros, en 2006, à 914 millions, en 2009. Une baisse nette. En France, si l’on ne dis­pose pas de l’évolution des ver­sements à la Sécurité sociale, on peut s’en faire une idée en constatant que les effectifs ont diminué de 2 600 postes, soit de 9,3 % depuis 2007. En juin 2009, notamment, Mi­chelin a annoncé un plan de suppression d’emplois concer­nant 1 093 personnes, dont 516 devaient être concernées par des mesures d’âge, autrement dit un départ en retraite anti­cipé. Parallèlement, Michelin a lancé un plan de départs volontaires. Le groupe Accor, numéro un en Europe dans le secteur de l’hôtellerie, avec 4 100 hô­tels dans le monde, des chaînes comme Formule 1, Ibis, No­votel, Sofitel… a, lui, diminué le nombre de ses employés de 10 500, soit 6 % dans le monde depuis 2007. De 2 500, soit 10 % en France. Ses versements à la Sécurité sociale française ont suivi les évolutions de sa po­litique de l’emploi. Les cotisa­tions patronales, après avoir augmenté de 264 millions d’eu­ros à 275 millions entre 2006 et 2007, ont glissé à 273 millions en 2008, puis à 258 millions en 2009. Le groupe, contrôlé d’une part par le fonds américain Colony et la société d’inves­tissement Eurazeo et, d’autre part, par la Caisse des dépôts et consignations, est actuellement engagé dans un mouvement de restructuration. Après s’être lancé à marche forcée dans une politique d’acquisitions, il a réduit ses participations. En 2010, il a séparé ses activités de service de son hôtellerie.

Pierre Ivorra

3) Michel Chevalier « S’il y a plus d’emploi, c’est plus de rentrées de cotisations sociales »

Michel Chevalier, délégué syndical central CGT chez Michelin, fait le lien entre la bataille pour stopper l’externalisation de la production des pneus et les retraites.

Les salariés font-ils le lien entre les plans sociaux du groupe et la réforme des retraites  ?

Michel Chevalier. Nous sommes en plan social permanent depuis 1983. Le choix du groupe étant d’externaliser la production 
à l’étranger, il ferme des usines, 
il réduit le personnel. Durant cette période nous avons perdu la moitié de nos effectifs. Par conséquent, 
les salariés ne font pas toujours 
le lien. Tous les jours à l’usine 
de Montceau-les-Mines et à celle du Puy-en-Velais, les salariés font deux heures de débrayage contre la réforme des retraites mais aussi pour mettre la pression en vue des négociations salariales. La direction de Michelin doit nous faire une proposition le 14 décembre. Parce que tout est lié. Si on a plus d’argent, on a plus de retraite. Si on exige des modes de rémunérations fixes en refusant les primes, on a plus de retraite. S’il y a plus d’emploi, c’est plus de rentrées de cotisations sociales. Au niveau des idées, 
la question de la retraite commence 
à laisser des traces intéressantes.


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