19 octobre : record d’intox sur les medias

lundi 25 octobre 2010.
 

Depuis le premier jour, chaque mobilisation donne lieu au même type de bataille. La presse annonce une décroissance de la mobilisation. Comme les chiffres de départ sont sous estimés et qu’est annoncée une mobilisation moindre la fois d’après, on devrait finir par entendre dire qu’il n’y a personne dans la rue et dans la grève ! On comprend la stratégie gouvernementale. C’est de la lutte. Il s’agit de démoraliser les combattants. Quand aux médias concernés qui participent à la manœuvre, pas besoin de trop s’interroger. Le parti pris date du premier jour. Comme il est emblématique cet édito d’Eric Fotorino dans « Le Monde » du samedi 16 octobre : « Une fois de plus, à la contestation massive du projet de réforme des retraites illustre combien la France reste un pays très conservateur, arc bouté au statu quo et aux droits acquis, l’histoire servant de paravent au réel. » Evidemment. Et comment oublier notre sartrien monsieur Pujadas, interrogeant Bernard Thibault au journal de 20 heures, le 12 octobre, avec cette question si professionnelle : « avec cette culture du blocage ne craignez vous pas d’être la risée de toute l’Europe ? »

Ce mardi 19 octobre record de lutte d’intox. Dès les premières heures de la journée commençait le matraquage : il y a moins de grévistes, les dépôts de carburant se débloquent, la mobilisation est en retrait. De notre côté, par sms, les informations allaient à l’inverse. Au fil de la journée des manifestations monstres étaient annoncées par les camarades, plus importantes qu’en 1995. Pourtant vers dix sept heures encore les sites internet des grands médias de références annonçaient encore une mobilisation « en repli ». Mais en début de soirée, changement de ton. Les manifestations sont finies et les bouclages audiovisuels de vingt heures achevés. Les titres peuvent tourner à l’inverse. On lit alors que le niveau de mobilisation « est resté stable ». Cela n’a plus d’importance dans l’effet produit. Mais pour nous c’est une indication précieuse. Cela signifie que l’adversaire sait à quoi s’en tenir. On doit analyser ses prochaines décisions en tenant compte du fait qu’il sait à quoi s’en tenir. Et nous devons de notre côté prendre les mesures pour élargir la brèche qui s’ouvre sous ses pas.

Tout ce mépris ne doit pas nous miner. Il nous sert. De jour en jour se creuse de nouveau le fossé de dégout qui éclairait l’opinion en 2005 quand le matraquage pour le « oui » battait son plein à longueur d’antenne. Il est très important pour nous que les gens soient profondément outragés par le comportement des médias. Après tant d’heure de manifestations et tant de sacrifices consentis, l’aile marchante du mouvement social et tous ces gens que l’on voit pour la première fois dans la lutte s’éduquent. Il est vital que leur confiance dans les médias de référence soit réduite à néant dès maintenant, car c’est à cette condition que notre parole avance dans les esprits et dans les cœurs. Quand cette barrière saute, tout le reste saute avec. Le roi alors est nu et tout l’appareil de domination avec lui. Il est à peu près certain que la mobilisation ne se démentira pas. Les esprits et les nerfs sont tendus à craquer. Quand la température sociale s’élève, l’information circule à toute vitesse. La vigilance est extrême. L’éducation politique de chacun suit un rythme accéléré. Personnages et porte paroles sont repérés de loin, slogans et refrains s’apprennent à toute vitesse, d’un bout à l’autre du pays. On voit que cela bouillonne à des petits détails. Comme celui-ci par exemple. Je pense au nombre de pancartes individuelles. Des tas de gens préparent un carton, une blague, un dessin chez eux et viennent avec en manifestation. Ce moment de créativité et d’implication décomplexée est un symptôme parmi d’autre, mais je l’ai toujours observé comme une caractéristique d’un moment bien spécial d’élévation du niveau d’un mouvement.

Comme tout le monde je me demande ce qu’il faut faire pour donner de la force à notre action. Dans ma précédente note j’imaginais qu’une montée nationale sur Paris pourrait être un bon point d’appui. Il y a eu des précédents de cette sorte dans le passé. On a vu que cela était une façon dorénavant traditionnelle en France de tracer une limite en face d’un projet gouvernemental. C’est d’ailleurs la droite qui a commencé l’exercice sous le mandat de François Mitterrand avec la manifestation de l’école privée pour défendre ses privilèges. Puis il y a eu la notre, pour défendre l’école laïque agressée en 1994 par la loi Bayrou. Chaque fois le résultat a été le retrait du texte incriminé. S’il en a été ainsi c’est parce que la puissance du mouvement montrait au pouvoir qu’il s’engageait dans une escalade dont l’issue était incertaine pour la démocratie elle-même. « Convaincre plutôt que contraindre » avait dit François Mitterrand. Je pense que si nous étions un ou plusieurs millions dans Paris, ce serait un évènement décisif dans le bras de fer actuel. J’évoque cette idée. Peut-être rencontrera-t-elle de l’intérêt. Mais je n’en ferai pas plus. Je sais trop comment une idée peut déclencher des discussions stériles qui n’apportent rien pour finir à l’action. Et notre parti n’est pas en situation d’être celui qui polarise les propositions.


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