Droites conquérantes et ’Parti de gauche’ discrédité en tant que force d’appoint des sociaux-démocrates casseurs de l’« État social » suédois (PCF)

jeudi 23 septembre 2010.
 

Les élections législatives suédoises du 19 septembre ont consacré la victoire de la droite Suédoise.

La coalition « Alliance pour la Suède » menée par le Parti du rassemblement modéré de Fredrik Reinfeldt emporte le scrutin avec 49% des voix et conserve la majorité gagnée en 2006. C’est la première fois depuis 80 ans que la droite remporte deux scrutins successifs.

L’autre élément marquant de ce scrutin reste la percée historique de l’extrême-droite et du parti des Démocrates de Suède avec 5,7% des voix. Ce parti nationaliste double ses voix par rapport à 2006 et accède ainsi à une représentation parlementaire avec 20 députés.

Parti d’inspiration néo-nazie à sa fondation, ayant entamé une reconversion vers des modèles plus « respectables » (sic) FN français ou BNP britannique, sa progression dans l’électorat de gauche traditionnel – ouvrier et populaire – est signe autant d’une imprégnation populaire des thèmes racistes et xénophobes, notamment anti-musulman, portés par ce parti que d’une colère de fond vis-à-vis de la politique de consensus menée par les deux blocs dominants.

Une droite conquérante sous toutes ses formes face à une gauche incapable d’incarner une alternative au projet libéral de la droite.

Pour son baptême, le bloc « rouge-vert » (sociaux-démocrates/Verts/parti de gauche ex-communiste) essuie un revers de taille. Sa force hégémonique, le Parti social-démocrate atteint son minimum historique, avec seulement 30,9% des voix (soit 5 points de moins que ce qui était déjà un échec en 2006).

A ses côtés, les Verts apparaissent comme la force d’appoint incountournable des sociaux-démocrates avec 7,2% des voix et 25 députés (2% et 6 députés de plus par rapport à 2006 et+6 députés).

Ils prennent la deuxième place à gauche à un Parti de gauche (ex-communiste) à bout de souffle (5,2% des voix), et qui a sans doute pâti d’avoir accepté pour la première fois de s’associer à un pacte de gouvernement potentiel avec les sociaux-démocrates.

Comment expliquer un tel raz-de-marée de la droite ?

Les causes premières sont à rechercher dans la politique d’accompagnement du capital– de casse sociale et d’austérité sociale – menée par la gauche socialiste pendant vingt ans entre 1986 et 2006 (avec le moment conservateur entre 1991 et 1994).

La droite a eu beau rôle de se présenter comme opposant à cette logique et comme défenseur de l’ « État-providence ».

En réalité, elle a mené une politique sensiblement identique à celle des sociaux-démocrates, et sa défense formelle du modèle social suédois repose en fait sur une équivoque : le système de sécurité sociale historique auquel il est fait référence n’existe plus. Un modèle libéral patronné par la droite et la social-démocratie l’a remplacé. C’est lui que la droite veut défendre et approfondir.

Une petite mise au point historique est nécessaire.

Le Mythe du modèle suèdois (1) – du système historique reposant sur la co-gestion à son démantèlement

Bien qu’excessivement complexes et connaissant des différences pratiques importantes, les systèmes de protection sociale suédois et français sont relativement équivalents dans l’étendue des services garantis. Pour en donner une idée imparfaite, en 2004, après plusieurs contre-réformes dans les deux pays, la France et la Suède consacraient encore environ 32% du PIB aux dépenses de protection sociale, taux maximum pour des pays de l’UE et de l’OCDE.

Toutefois, il existe deux différences fondamentales entre ces modèles.

Premièrement, si près de la moitié des dépenses du système sont financées par les cotisations sociales, l’autre moitié l’est par l’impôt. Cette part importante financée par l’impôt a abouti donc d’une part à une ponction relativement plus importante du travail par rapport au capital (bien que les cotisations sociales soient assumés essentiellement par ces derniers), et d’autre part a affaibli à long-terme la viabilité du système à cause du coût exponentielle de ces dépenses (En Suède le part des Prévélements obligatoires dans le PIB est encore de 50% contre 44% en France en 2005)

Deuxièmement, le système suédois fonctionnait selon un principe de co-gestion soit de collaboration entre patronat et syndicats sous l’égide de l’État.S’appuyant sur un très fort taux de syndicalisation aux syndicats sociaux-démocrates (80% de syndicalisation aujourd’hui encore), cette gestion a permis, dans le cadre de rapports de force nationaux et internationaux favorables au Travail de conquérir certains acquis.

Mais c’est cette même logique, consistant à assurer la paix sociale en échange de compensations matérielles temporaires, qui a permis le démantèlement sans résistance de ce système en quelques années.

L’adhésion de la Suède à l’Union européenne en 1995, par le biais notamment de la procédure d’admission préalable conditionnée à la mise en œuvre de certaines réformes structurelles au début des années 1990, a contribué à accélérer de manière décisive le processus.

Le mythe du modèle suédois (2) – Contre-réformes, privatisation de la sécurité sociale et baisse des prestations

En effet, la crise réelle de ce modèle – avec notamment hausse du chômage et des déficits publics – dépendant d’une croissance économique forte aboutit à sa remise en cause dès la fin des années 1980 par les sociaux-démocrates eux-mêmes.

Deux grandes contre-réformes du système public de sécurité sociale ont alors vidé de son sens le système historique de protection sociale. D’une part, la contre-réforme des retraites étalée sur dix ans et achevée en 2001 avec introduction de la logique de capitalisation adossée au système de répartition et son corollaire, le passage du système à prestations définies (garantissant une certaine retraite en fonction du dernier salaire/meilleur salaire sur x années) à un système à cotisations définies (versement de cotisations fixes sans garantie d’un niveau de retraite prévu). La variable d’ajustement préférentielle devient, pour ce qui reste du système par répartition, l’allongement de l’âge de départ à la retraite, qui est aujourd’hui fixé à 67 ans (taux plein).

D’autre part, la contre-Réforme de la santé dès les années 1980 et poursuivie dans les années 1990 et débouchant sur sa privatisation inévitable : avec une accentuation décisive de la décentralisation du système suédois de santé aboutissant à la gestion municipale de nombreux centres de Santé. Les conséquences directes en ont été une moindre hospitalisation (prise en charge à domicile) et une hausse des impôts locaux ou/et moindre prise en charge par les pouvoirs publics du coût des soins. La dégradation du système, et la baisse de la qualité de la santé publique, a permis l’introduction réussie du privé dans le secteur, la concurrence privé/public achevant de détruire ce qu’il restait de secteur public.

A cela s’ajoutent au cours des années 2000 : la baisse de l’ensemble des prestations sociales et le conditionnement des aides généreuses accordées jusqu’alors notamment en cas d’arrêts maladies ou de congés maternités. Avec comme mesure emblématique, aboutissant à une vague massive et sans précédent de déchirement de cartes syndicales la réforme des allocations-chômages, la baisse des prestations articulée à une hausse des cotisations.

État-social démantelé et impôts en hausse : les travailleurs suédois paient la note des politiques de rigueur des deux bords

Car l’équation magique des réformateurs libéraux de gauche et de droite en Suède est = moins d’Etat mais plus d’impôts (pour les travailleurs).

Moins d’Etat avec un dégraissage sans commune mesure en Europe de l’appareil d’Etat. Entre 1990 et 2000, le nombre d’employés de l’État est divisé par deux : de 400 000 à 220 000 fonctionnaires. Les fonctionnaires perdent également leur statut. Salariés de droit privé, ils n’ont aucune sécurité de l’emploi et subissent par ailleurs de plein fouet les politiques de « flexsécurité » imposées aux salariés de privé, avec licenciements à la carte pour l’État comme pour les entreprises privées.

Privatisation des secteurs-clés de l’économie en quelques années (souvent via la mixité public/privé ou la délégation de missions de service public au privé dans un premier temps) : Poste, télécoms, énergie, téléphone, transports.

Et comme mentionné plus haut,le privé s’introduit jusque dans le cœur d’activité de l’État : concurrence du privé dans la santé (développement exponentiel des hôpitaux/cliniques privés) et l’éducation (une école sur deux est privée aujourd’hui en Suède) tandis que la gestion de certaines agences de sécurité sociale est confiée à des entreprises privées tout comme les tâches administratives des ministères.

Et tout cela ne s’accompagne pas d’une baisse de la pression fiscale qui reste la plus élevée des pays de l’UE et de l’OCDE. Au contraire, les réformes fiscales successives ont abouti à faire payer plus le travail et moins le capital : d’un côté baisse des impôts sur les sociétés (désormais en-dessous de la moyenne de l’OCDE) et exonérations patronales, et de l’autre hausse de divers impôts pesant sur les travailleurs, avec notamment explosion des impôts locaux.

Les bons résultats économiques vantés par la presse économique (une croissance de 4,5% en 2010) sont l’arbre qui cache la forêt. Comme la croissance des pays libéraux dans les années 1990, celle-ci s’accompagne d’une politique de compression salariale et de casse des services publics. De plus, elle a la particularité d’entretenir un niveau élevé de chômage(autour de 10% soit un niveau équivalent à celui de la crise des années 1990-94 qui a servi de justification à la casse de l’ « Etat social ») et de maintenir un taux élevé d’impositions sur les ménages.

Globalement le « modèle suédois » n’est plus que l’ombre de lui-même, un système qui achève sa convergence avec les modèles libéraux anglo-saxons. Un système de sécurité sociale en délitement dans un pays où les salariés subissent depuis vingt ans l’austérité au quotidien.

Devenu voiture balai de la social-démocratie, un Parti de la Gauche à bout de souffle

Face à une gauche social-démocrate convertie au social-libéralisme et à l’accompagnement des politiques du capital, le choix stratégique du Parti de Gauche se révèle politiquement désastreux.

Le Parti de Gauche est né en 1990 de la décision de l’ancienne direction du Parti communiste de Suède d’abandonner ses références et son nom communistes, devenant ainsi un des précurseurs des expériences de transformation de Partis communistes en partis de la gauche « sans adjectifs ».

Néanmoins, le Parti de la Gauche était parvenu à conserver une image de « gauche », d’héritier du Parti communiste, grâce à deux positions de principe essentielles : sa relative autonomie vis-à-vis du parti social-démocrate et sa position critique vis-à-vis de la dynamique d’intégration européenne.

Les dernières années ont vu un infléchissement très net de la critique du « Parti de Gauche » suédois vis-à-vis de l’UE du capital au point de converger désormais avec les thèses social-démocrates sur une « Europe sociale ». Et la décision d’intégrer une coalition « Rouge-Verte » marque la deuxième rupture avec ses positions « de gauche » héritées de son passé communiste, et l’alignement derrière la social-démocratie avec laquelle elle a signé un pacte de gouvernement allant bien au-delà des accords programmatiques signés jusqu’alors.

Ce choix politiquement réformiste n’a même pas été payant électoralement avec 5,2% des voix et 19 députés. Certes, il ne perd que 0,2% des voix et 3 députés depuis 2006 mais les scores du parti sont en érosion constante depuis 1998 bien loin de son maximum historique d’alors (12% des voix en 1998).

Et ce sont désormais les Verts qui se substituent désormais au Parti de gauche tant comme représentant de la « gauche radicale » que comme partenaire privilégié de la social-démocratie. Sur le terrain de la conquête des couches moyennes urbaines sur les questions sociétales, et sur le créneau et de la social-démocratie de gauche, les Verts apparaissent comme une force plus crédible.

Pourtant l’espace existerait pour un véritable parti communiste en Suède.

Son électorat ne le retrouve pas vraiment dans le Parti de la gauche, pendant que le parti social-démocrate perd de plus en plus sa base ouvrière et populaire suédoise et que les Verts progressent chez les couches moyennes. La droite et l’extrême-droite progressent dans les quartiers populaires et seul un Parti communiste fort et enraciné dans la société pourrait leur faire barrage.

Le choix de la liquidation, décidé en 1990, a pesé lourd dans sa capitulation face à la droite sous toutes ses formes.

Cela peut servir d’exemple.


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