Les femmes polonaises brisent le silence ! Elles exigent l’avortement légal !

jeudi 23 novembre 2006.
 

Environ 60 personnes ont manifesté le 14 novembre devant le Parlement Polonais à Varsovie exigeant l’abrogation de la loi anti-avortement. En présence des médias, une dizaine de femmes tenait des pancartes sur lesquelles on pouvait lire "J’ai avorté". Les organisatrices ont annoncé que ces manifestations auront lieu toutes les semaines.

L’objectif principal de ce rassemblement était un "coming out" collectif afin que les femmes puissent enfin reconnaître publiquement avoir avorté. Ce type d’action a déjà eu lieu dans les années 70 dans des pays comme la France ou l’Allemagne. Le collectif "Pro Choice 2006" qui organise cette action espère que le tabou sera également brisé en Pologne et que des personnalités connues auront le courage de dire à voix haute "j’ai avorté". En France, par exemple, des personnalités telles que Catherine Deneuve, Jeanne Moreau, Marguerite Duras, Françoise Sagan et Marina Vlady et en Allemagne Romy Schneider ont eu ce courage alors qu’elles risquaient 3 ans de prison.

L’animatrice du rassemblement, Katarzyna Bratkowska, de l’Entente des Femmes du 8 mars et du Comité d’Aide au Salariés Victimes de Répression KPiORP a déclaré qu’en Pologne, la seule personne qui a reconnu publiquement avoir interrompu une grossesse (à la télévision publique le 24 octobre dernier) était Wanda Nowicka, la présidente de la Fédération du Planning Familial polonais et candidate à la municipalité de Varsovie sur la liste du Parti Polonais du Travail.

Avant cette événement, les seules à parler ouvertement d’une IVG ont été Nina Andrycz et l’écrivaine Anna Bojarska. Ewa Dabrowska-Szulc, présidente de l’association Pro Femina, n’a jamais caché avoir vécu une IVG et l’a reconnu publiquement à la manifestation du 4 novembre pour le droit à l’avortement. L’écrivaine Hanna Samson a également participé à cette manifestation ou elle a tenu par solidarité, une pancarte "J’ai avorté".

Au cours de la manifestation, Irena Komorowska, responsable syndicale, présidente de l’Union des Travailleurs des Services de Santé et militante du Comité d’aide aux Salariés KPiORP a raconté aux journalistes présents comment elle avait vécu un avortement du temps de la République Populaire de Pologne : "J’étais infirmière, j’avais déjà deux enfants et je savais que je ne pouvais pas me permettre d’en avoir d’autres. Je devais être responsable. Comme l’avortement était alors gratuit, le plus simplement du monde je suis allée à l’hôpital de la rue Karowa et j’ai avorté en toute sécurité, dans des conditions normales, sans peur et sans honte. Toutes les femmes en Pologne doivent aujourd’hui avoir la même possibilité que moi à l’époque".

"Nous sommes venues ici pour briser ce silence qui est l’effet de l’angoisse et de la terreur causée par la propagande anti-avortement des 15 dernières années. Ces femmes désignées comme "criminelles", ces femmes auxquelles on dénie le droit de décider de leur vie et de vivre selon leur conscience, elles sont des millions.

Le silence de ces femmes célèbres qui en privé déclarent avoir avorté est la meilleure preuve de cette peur, mais la peur n’est pas un consentement. Aujourd’hui nous sommes rassemblées pour ensemble dire "Oui, j’ai avorté". Comme les Françaises et les Allemandes et les femmes d’autres pays nous refusons les lois piétinant les libertés fondamentales des femmes. Aujourd’hui, seule 20% des femmes en Pologne est libre. Ce sont celles qui peuvent payer une IVG clandestine. Toutes les autres sont condamnées à accoucher d’enfants non désirés ou à avorter seules, dans des conditions dangereuses pour leur vie et leur santé. Nous exigeons l’éducation sexuelle, l’accès universel à la contraception et l’avortement libre et gratuit !" - tel fut le discours prononcé par Katarzyna Bratkowska au cours de la manifestation.

Les manifestants ont souligné que contrairement à ce que disent les médias la loi anti-avortement n’est pas un compromis mais l’effet des pressions de l’Eglise catholique. Dans les années 90 les élites politiques issus de la dissidence anti-communiste avaient décidé de faire ce cadeau à l’Eglise en remerciement pour son soutien. Quand la "pseudo-gauche" social-libérale de l’Union de Gauche Démocratique a pris le pouvoir, malgré les promesses électorales, les politiciens issus de ce mouvement ainsi que les médias tels que "Gazeta Wyborcza" ont vendu les droits des femmes en échange du soutien de l’Eglise catholique à l’entrée de la Pologne dans l’Union Européenne.

"Nous sommes ici aujourd’hui parce que nous avons décidé de dire stop à l’hypocrisie qui règne dans ce bâtiment" - continuait Irena Komorowska en désignant le Parlement. "L’interdiction de l’avortement c’est avant tout l’enfer pour les femmes pauvres, les chômeuses et celles qui ont déjà une famille nombreuse et ne peuvent pas se permettre d’élever un enfant de plus. Elles n’ont pas de quoi payer un avortement clandestin. Seules les femmes riches, comme les épouses et les maîtresses de messieurs les politiciens qui luttent avec tant d’acharnement pour la "protection de la vie", peuvent se permettre un avortement. Tout simplement, elles montent dans une voiture, vont à l’étranger et peuvent avorter en toute sécurité et légalité. Je ne veux pas que ces politiciens décident de la vie de ma fille et de ma petite-fille. Nous devons dire NON à cette loi restrictive qui cause la souffrance de tant de femmes. " - conclua Komorowska.

"En France ce ne sont pas seulement les femmes qui ont dénoncé l’interdiction de l’avortement. En 1971 300 médecins français ont reconnu avoir pratiqué des avortements. Ils risquaient alors de perdre le droit l’exercer leur métier et d’aller en prison et malgré cela ils ont exigé la légalisation de l’avortement pour les femmes." - rappela Bratkowska. "En Occident c’est grâce à ce genre d’action et à leur courage que les femmes ont obtenu le droit à l’avortement et elles commémore cette journée comme une fête, la fête de la Liberté. Et nous aussi, nous voulons commencer la fête. La Fête du Courage. Nous brisons le silence !".

Merci à toutes et à tous

traduit du Polonais par Monika Karbowska

Magdalena Ostrowska

Source : www.lewica.pl


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message