Woerth, symbole du sarkozysme au service des riches

dimanche 12 février 2012.
 

À l’heure où nous mettions sous presse, l’homme clé de l’interpénétration entre la droite et les milieux d’affaires était entendu par la justice, risquant une mise en examen pour financement illicite de la campagne sarkozyste de 2007.

« L’arrogance précède la ruine, l’orgueil précède la chute  », dit un proverbe. Éric Woerth, dans l’œil du cyclone judiciaire, avec sa possible mise en examen dans deux des volets de l’affaire Bettencourt, est un précipité de ces impératifs catégoriques de classe. Arrogance, orgueil, préjugés 
et sentiment d’impunité. Il n’en a pas l’apanage  : il devient, non pas la victime expiatoire, mais le symbole du sarkozysme, un système politique portant le néolibéralisme au paroxysme du capitalisme. S’y entremêlent pouvoir et affaires au service d’un communautarisme d’intérêts.

Ancien ministre du Budget, député UMP, Éric Woerth est surtout l’une des principales clés de voûte de l’appareil politico-financier de la droite. Hier matin, il était auditionné à Bordeaux par le juge Jean-Michel Gentil. Il devait être interrogé dans le cadre d’une instruction ouverte fin 2010 pour «  trafic d’influence et financement politique illicite  » en 2007, pour le compte de Nicolas Sarkozy, alors en campagne présidentielle. Il est aussi suspecté d’abus de faiblesse sur la personne de Liliane Bettencourt, héritière et actionnaire principale de L’Oréal, troisième fortune de France et quinzième du monde. D’ordinaire, les mœurs et les accointances dans les milieux de la droite et des affairistes restent cachés. Il aura fallu un bien improbable concours de circonstances pour que l’affaire sorte au grand jour  : un conflit familial entre la mère Bettencourt et sa fille, les indiscrétions d’un majordome et les enregistrements de conversations privées mais sulfureuses, entre 2009 et 2010.

Financement électoral illégal en espèces

On y apprenait que Liliane Bettencourt, par l’entremise de son gestionnaire de fortune, Patrice de Maistre, mis en examen en décembre 2011, pourvoirait au financement légal de l’UMP, dont Éric Woerth était à ce moment le trésorier national. Les enquêteurs ont eu rapidement la conviction, à partir des déclarations de l’ex-comptable des Bettencourt, Claire Thibout, qu’il a existé aussi un financement électoral illégal en espèces. Éric Woerth étant alors trésorier de cette campagne. On est loin de «  la République irréprochable  » qu’invoquait le candidat Sarkozy en 2007  : les masques tombent. D’autant que la justice s’intéresse aussi, dans une autre enquête, à l’affaire Karachi dans laquelle, en 1995, Nicolas Sarkozy, alors ministre du Budget et directeur de la campagne présidentielle d’Édouard Balladur, à l’instar de plusieurs de ses proches déjà mis en examen, pourrait être mouillé. Il s’agirait de
financement illicite, via ventes d’armes et recours à des paradis fiscaux.

L’interpénétration systémique entre le sarkozysme et les milieux d’affaires avait été brutalement révélée dès le soir de la présidentielle de 2007, avec la soirée au Fouquet’s, quand bien même le futur président avait promis un séjour monacal. L’ambiance y était donnée par les milliardaires  : Dominique Desseigne (Groupe Lucien Barrière), Vincent Bolloré, Martin Bouygues, Bernard Arnault, Serge Dassault, Jean-Claude Decaux, Paul Desmarais et Albert Frère (Total, Suez, Lafarge), Agnès Cromback, Nicolas Bazire… et bien d’autres, souvent inconnus du grand public. Au cours du quinquennat, la chronique des scandales ou des affaires juridico-financières sera émaillée de noms de personnalités appartenant au milieu sarko-affairiste (voir la liste non exhaustive, ci-contre).

Les interventions de la justice, en dépit des efforts de Nicolas Sarkozy pour étouffer les poursuites via un contrôle des parquets ou son projet de suppression des juges d’instruction, témoignent des ressorts républicains. Elles n’en soulignent qu’un volet des scandales. Car l’action politique de Nicolas Sarkozy s’est naturellement traduite par des mesures en faveur des riches, des banques et des affairistes. Au point d’éclairer sur la finalité de classe 
du sarkozysme. Dès l’été 2007, le bouclier fiscal (et la désactivation de l’ISF qui en découle) favorise les privilégiés avec des mesures décomplexant les 
dividendes, les plus-values et autres revenus du capital. 
En 2009, les 352 ménages les plus riches de France (au minimum 4,229 millions d’euros) ont eu un taux moyen d’imposition de seulement 15 %. Seulement 952 foyers fiscaux ont capté 59 % des restitutions fiscales  : 380 000 euros en moyenne par foyer.

Parallèlement à l’organisation de ces cadeaux aux riches qui creusent les déficits publics, le sarkozysme s’est aussi attaché à dépénaliser le droit des affaires. Et alors qu’Éric Woerth prétendait lutter contre les paradis fiscaux, Liliane Bettencourt gérait, avec l’aide de Florence Woerth, ses comptes en Suisse et sa domiciliation aux Seychelles…

Dominique Bègles, L’Humanité


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