Le 9 janvier 1959 est lancé « 5 colonnes à la une ». Créé par Pierre Lazareff, ce programme mensuel marque la naissance du reportage télévisé. Son succès fulgurant ne se démentira pas pendant 9 ans. Emblématique d’un âge d’or télévisuel pour les uns, « alibi » pour les autres, « 5 colonnes à la une » est, au-delà des opprobres ou des éloges, un étalon utile pour analyser les transformations des conditions de production de l’information télévisuelle liées à sa soumission aux logiques capitalistes depuis les années 1980.

La principale réside dans le rapport à la censure. La tutelle du ministère de l’Information sur la télévision d’État est alors officielle, et toutes les étapes de l’élaboration du magazine sont contrôlées. A fortiori pour la politique intérieure, dès lors peu abordée par l’émission. Inversement la politique étrangère est largement traitée, avec un professionnalisme inégalé en raison d’importants moyens matériels, mais aussi de l’intégrité d’une équipe qui s’appuie sur la notoriété de l’émission pour contourner les velléités censoriales.

Les thuriféraires de la télévision actuelle se focalisent sur l’heureuse abolition de cette censure « à l’ancienne » pour dépeindre une évolution soi-disant « démocratique ». Posture commode pour dénoncer une nostalgie autoritaire derrière toute critique de leur travail, et occulter la censure économique qui a remplacé la censure d’État depuis que la plupart des chaînes sont devenues des entreprises, privées ou publiques, dont les logiques de fonctionnement sont contraires à toute indépendance journalistique : « circulation circulaire » et uniformisation de l’information, dictature du « temps réel », précarisation des salariés contraints à l’autocensure par des rédactions tyranniques et des présentateur(ice)s starisé(e)s inféodés aux modes idéologiques, austérité interdisant les enquêtes de terrain, actualité internationale résiduelle et soumise à la doxa atlantiste.

Le programme du Conseil national de la résistance visait à « rétablir la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ». Il est toujours révolutionnaire.

Théophyle Malo