Manifestations des 4 et 7 septembre : Une seule voix et un seul visage, ceux de la colère (Gérard Mordillat, Dan Franck)

samedi 11 septembre 2010.
 

Nous allons manifester le 4 et le 7 septembre. La première fois contre la politique xénophobe et raciste du gouvernement, la seconde contre l’iniquité profonde de la réforme des régimes de retraite. Il y aura du monde. Pour autant, il ne faudrait pas que le nombre apparaisse, une fois encore, comme l’unique critère de réussite de ces deux manifestations. Un critère commode qui permet, la plupart du temps, de faire passer à la trappe les revendications des manifestants. On se dispute toujours sur le nombre : les uns disent mille, les autres un million. En revanche, en écoutant les commentateurs, en voyant les images filmées par les télévisions, personne ne saurait répondre à une question simple : pourquoi ces mille ou ce million sont-ils descendus dans la rue ?

AUCUNE OBJECTIVITÉ

Après les grandes grèves de 1995, Bernard Thibault (leader de la Fédération des cheminots CGT à l’époque) nous avait réunis (des cinéastes, des écrivains, des philosophes) pour regarder ensemble un montage de tous les journaux télévisés de TF1 pendant cette période. Que voyait-on de la grève et des grévistes ? Des manifestants qui tapaient sur des tambours, d’autres qui agitaient des fumigènes, des hommes et des femmes portant des banderoles où fleurissaient les calembours, des choeurs qui chantaient des refrains revendicatifs, un peuple rigolard et bon enfant. Où était la colère qui les animait ? Où s’exprimaient leurs arguments, leurs revendications, leurs propositions ? Nulle part. Ils ne parlaient pas, ils criaient, et leurs cris étouffaient toutes les voix.

Le choix des images était évidemment un choix politique, un choix idéologique. Il n’y avait là aucune objectivité. La télévision montrait ce qu’elle voulait montrer. Et ce qu’elle voulait montrer était clairement hostile au mouvement populaire.

En manifestant le 4 et le 7 septembre, quelles images allons-nous donner de notre colère, de notre dégoût devant les agissements du gouvernement ? Allons-nous encore une fois faire de la marche à pied au son des scies remises au goût du jour ? Allons-nous scander de nouveaux calembours ? Allons-nous rire et nous congratuler d’être aussi nombreux ? Le nombre sera-t-il encore une fois la bonne blague que se renverront la police et les organisateurs ?

Aux Jeux olympiques de Mexico, en 1968, Tommie Smith et John Carlos montèrent sur le podium et, baissant la tête, levèrent le poing vers le ciel pour protester contre la situation des Noirs américains. Ils n’étaient que deux, sans calembours, sans slogans, sans chansons, mais leur message résonne encore en nous.

Les manifestations de début septembre devront résonner semblablement dans les mémoires de nos enfants. Elles sont clairement politiques et doivent être montrées comme telles. Le conflit qui nous oppose au gouvernement dépasse la discussion sur tel ou tel amendement au régime des retraites, sur les conditions constitutionnelles de déchéance de la nationalité, sur l’expulsion des Roms et des sans-papiers.

C’est un rejet global et de la pensée et des actes de ceux qui nous gouvernent. C’est cela que nous devons faire entendre, cela que nous devons montrer. Et pour que le message soit clair, renonçons aux bons mots, aux ritournelles, aux sourires, à l’amabilité bonhomme entre République et Bastille. Que nous soyons cent ou des millions, peu importe. Ces manifestations ne doivent avoir qu’un visage, qu’une voix ; le visage et la voix de la colère.

Gérard Mordillat, cinéaste, et Dan Franck, écrivain


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