Jacques Duclos La cheville ouvrière d’un grand parti de la Résistance

mercredi 1er septembre 2010.
 

Par son action 
et son combat durant toute la période 
de la guerre, puis de l’occupation, il a joué un rôle parfois méconnu mais essentiel. II fut l’un des trois principaux dirigeants du PCF durant près 
de cinquante ans avec Maurice Thorez et Benoît Frachon.

Lorsque des centaines de milliers de personnes suivent en 1975 la dépouille de Jacques Duclos, son image est d’abord celle d’un dirigeant communiste qui a incarné l’histoire du Parti. Avec Benoît Frachon, il assume l’essentiel de la responsabilité du Parti communiste clandestin pendant quatre ans et qui devient une des principales forces politiques de la Résistance. Député de la Seine dès 1926 et à plusieurs reprises, puis sénateur de ce département de 1959 à sa mort, ce parlementaire à l’éloquence redoutable et brillante est le candidat du PCF à l’élection présidentielle de juin 1969 au cours de laquelle il fait un score électoral remarquable.

C’est en vacances dans les Pyrénées que Jacques Duclos apprend, le 23 août 1939, la nouvelle de la signature du Pacte germano-soviétique. Revenu d’urgence à Paris, il prépare immédiatement le passage de la direction dans la clandestinité, tout en participant aux différentes réunions du groupe parlementaire communiste. Il suit d’abord sans réticences la ligne de l’Internationale communiste qui parle d’une « guerre impérialiste ayant un caractère révolutionnaire antifasciste ». Mais les nouvelles orientations, imposées très vite par Staline, prennent le PCF à contre pied. Dès le 9 septembre des directives sont envoyées aux partis communistes pour qu’ils modifient complètement leur ligne politique.

A la demande de l’Internationale, Duclos prend sa place dans le système de direction du PCF, en rejoignant le Tchèque Eugen Fried, dit Clément, délégué de l’Internationale communiste, déjà installé en Belgique. Il part à Bruxelles après l’interdiction du PCF le 26 septembre, après avoir supervisé la rédaction de la « Lettre du Groupe ouvrier et paysan ». Mais cette initiative, préconisée par l’IC, est jugée insuffisamment offensive, à l’image du comportement des députés communistes. Tenu pour responsable, Duclos est un moment pressenti pour retourner en France et paraître au procès des députés. Durant plusieurs mois, il participe à l’activité du PCF depuis Bruxelles, tandis que Thorez est en URSS et Frachon est resté en France. Après l’attaque allemande de mai 1940, Duclos, que l’IC a tenté sans succès de faire passer en Suisse, s’installe à Paris le 15 juin, juste après l’arrivée des troupes allemandes. Durant les deux dernières semaines du mois, il s’efforce avec Maurice Tréand de reconstituer l’organisation du Parti. Parallèlement des contacts sont pris avec les autorités allemandes, en vue notamment de la reparution de journaux communistes. Durant ces tractations, Tréand occupe le devant de la scène, mais Duclos, qui dans ses Mémoires prétendra qu’il s’agissait d’initiatives individuelles, cosigne toute la correspondance avec l’IC. à Moscou, Thorez obtient de Georges Dimitrov, secrétaire de l’IC, qu’il alerte les dirigeants soviétiques et Staline sur les inconvénients irrémédiables qu’une compromission avec les nazis pourrait entraîner. Dès la fin juin, la tonalité des textes envoyés en France par l’IC met l’accent sur l’indépendance nationale. A la mi-juillet, les consignes se précisent. Thorez demande fermement que le Parti se démarque totalement des nazis et renonce à ses projets. Duclos, qui ne possède pas de liaison directe avec Moscou, prend le contrôle des relations avec l’IC, au prix d’un affrontement avec Tréand progressivement privé de son appareil technique (mars 1941) et critiqué dans sa politique de réorganisation des forces communistes depuis juin 1940,- en particulier lorsque la répression s’abat sur des cadres comme Jean Catelas, Gabriel Péri et Mounette Dutilleul.

À partir du printemps 1941, Duclos devient le seul interlocuteur de Fried et des dirigeants moscovites. C’est lui que Thorez et Marty chargent en janvier, puis avril, d’infléchir l’orientation générale du PC, en soulignant que « la lutte pour la paix [était] subordonnée à la lutte pour l’indépendance nationale ». Le 15 mai 1941, le Parti communiste lance, sous l’impulsion de Duclos, un appel à la formation d’un « Front national de lutte pour l’indépendance de la France » et des contacts sont pris peu à peu avec les milieux résistants les plus divers : laïcs et religieux, médecins, écrivains, syndicalistes, etc. Avec la ruée des armées hitlériennes vers l’URSS à partir du 22 juin 1941, le Parti communiste et son principal leader mettent évidemment tout en œuvre pour donner à la lutte un nouvel élan. Cette lutte entraîne de sévères représailles (arrestations et fusillades d’otages), qui frappe les adjoints les plus proches de Duclos (Félix Cadras, Georges Politzer, Danielle Casanova, etc.) et surtout Arthur Dallidet, son principal agent de liaison qui, malgré les tortures, ne dévoile par le lieu où son chef est caché. Duclos réussit à renouer les liens de l’organisation centrale en faisant preuve d’une volonté et d’un courage peu communs.

De l’été 1941 au printemps 1943, il assume la responsabilité de l’orientation politique générale en relation avec l’IC. Il tient un rôle central dans les négociations avec de Gaulle qui conduiront à l’envoi de Fernand Grenier à Londres comme représentant du PCF auprès de la France Libre. Duclos, qui correspond activement avec Grenier, sera en grande partie tenu à l’écart des discussions et des négociations relatives à la participation communiste au CFLN puis au Gouvernement provisoire.

De la constitution du CNR jusqu’à l’engagement du PC dans les combats de la Libération, Duclos centre son activité sur la mobilisation idéologique notamment à travers l’Humanité clandestine qu’il supervise. Le 25 août 1944, il fait son entrée dans Paris par la rue Didot, avec Benoît Frachon à bord d’une voiture FFI. Le 31, il organise une réunion du comité central où il prononce un discours de grande ampleur qui trace en termes très généraux les tâches du Parti et ce que devrait être le gouvernement de la France. Simultanément, il prend place à l’Assemblée consultative comme leader du groupe communiste. Thorez revenu à Paris le 27 novembre 1944, Duclos redevint le numéro deux du PCF. Jamais il ne chercha au cours de la guerre ou ensuite à supplanter le secrétaire général avec qui il travaille en réelle complémentarité.

Par Serge Wolikow, Historien, Professeur 
d’Histoire contemporaine 
à l’Université de Bourgogne.


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