Le NPA mise sur la rentrée sociale pour se refaire une santé » (Médiapart.fr)

mercredi 1er septembre 2010.
 

Au village vacances des Carrats, les 1.200 militants du NPA, réunis pour leur université d’été dans le décor à la Miami Beach de Port-Leucate, ont le sourire aux lèvres malgré leur récente gamelle aux élections régionales (2, 5% contre 6, 9% pour le Front de gauche). « L’année a été très dure, reconnaît tout de même Rodolphe, un militant parisien de 27 ans. Il y a eu quelques journées de grève qui n’ont pas abouti à un mouvement fort, contrairement à 1995 et 2003, alors les nouveaux militants n’ont pas vu tout de suite que la lutte, l’organisation, ça paie. »

Et des anticapitalistes sans mouvement social, « c’est un peu comme un poisson hors de l’eau », lance cet enseignant en lycée professionnel. « En réalité, pendant la crise, les gens ont la tête dans le guidon, ce qui n’est pas propice à de grandes mobilisations », soupire un autre militant parisien, Patrick, 38 ans.

« On pensait que la crise allait ouvrir un boulevard aux anticapitalistes mais les gens ont surtout peur pour leur situation, et ils se tournent vers des choses plus immédiates et possibles », analyse Pierre-François Grond, numéro deux du NPA. Traversé par de multiples interrogations (questions de laïcité et de féminisme, de l’alliance avec le Front de gauche, du rôle des militants au sein des syndicats, de la représentation qu’Olivier Besancenot ne veut plus incarner seul) après un an et demi d’existence, le parti espère se refaire une santé. Grâce avant tout à une rentrée sociale « très riche et avec plein de possibilités pour une organisation comme le NPA », dit Margarita Alauzet, membre du comité politique national.

Il s’agit donc de surfer sur la mobilisation contre la réforme des retraites du 7 septembre. Autant le NPA ferme la porte à toute alliance électorale qui inclurait de près ou de loin un Front de gauche « compromis » avec le PS, autant il veut brasser large côté mouvement social.

Vendredi soir, le traditionnel discours de clôture d’Olivier Besancenot (qui n’est arrivé que jeudi après-midi) a d’ailleurs été remplacé par un meeting unitaire pour le retrait du projet de loi sur les retraites, rassemblant des représentants des Verts, du parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, du parti communiste, du PS (à travers un Gérard Filoche sobrement présenté comme inspecteur du travail), de divers syndicats (dont la CGT) ainsi que d’Attac. « L’idée est de rappeler que ce serait bien que les universités d’été à gauche ne regardent pas que 2012, explique Olivier Besancenot. Les élections de 2012 n’auront pas le même visage si Sarkozy fait passer sa réforme ou si le mouvement social et ouvrier réussit à la stopper. »

« Accélérer la crise politique et sociale »

« L’enjeu de la rentrée est de battre le gouvernement sur les retraites, avec l’unité d’action la plus large possible, dit François Sabado, qui fut membre du bureau politique de la Ligue pendant trente ans. S’il perd, ça changerait beaucoup de choses car ce serait notre première victoire depuis longtemps. Et nous allons tout faire pour accélérer la crise sociale et politique. » Et d’ajouter : « Avoir Woerth comme ministre pour régler les retraites est un vrai problème pour le gouvernement. »

Derrière lui, ce n’est pas l’affiche, qui représente Eric Woerth et Nicolas Sarkozy sur fond d’un billet de 500 euros (« Dehors ! Parce qu’ils ne valent rien ! »), qui le contredira. Patrick, par ailleurs syndicaliste CGT dans la fonction publique de la Ville de Paris, en est lui aussi convaincu : « La priorité, c’est d’infliger une défaite sociale à Sarkozy et de redonner le moral aux gens, car, si on attend les présidentielles 2012, on va arriver groggy. »

Malgré les revers des européennes et des régionales, l’effet Besancenot joue toujours à plein pour les présidentielles, selon un sondage TNS-Sofres-Logica, publié le 26 août par Le Nouvel Obs. S’il rengainait ses doutes et rempilait une troisième fois, le postier obtiendrait de 7% des voix (avec Martine Aubry comme candidate socialiste) à 9% des voix (si c’est DSK). « C’est plutôt le PCF qui a un problème pour la présidentielle : soit il s’aligne sur Jean-Luc Mélenchon, soit sur Martine Aubry, soit il présente son candidat qui fera les mêmes scores que Marie-George Buffet, estime François Sabado en réponse à l’attaque du nouveau patron du PCF, Pierre Laurent, qui tient son université d’été à partir d’aujourd’hui dans les Landes et, selon qui, les choix politiques du NPA « l’ont mené dans une impasse ».

Chez les militants projetés dans une réflexion sur « le socialisme du XXIe siècle », fil rouge des conférences, la question des élections semble presque accessoire. « Je suis plus attachée à la propagation de nos idées dans l’opinion qu’aux scores électoraux », explique Gisèle, 41 ans, venue du milieu altermondialiste. « Ce n’est pas notre terrain, avoir des élus n’est pas un but en soi », hausse des épaules Rodolphe.

« Reprendre à zéro des débats difficiles »

Les questions de cuisine interne (organiser un porte-parolat collectif pour soulager Olivier Besancenot, décider de « critères de représentativité des candidats NPA », c’est-à-dire la question du voile, etc.) ont été renvoyées au congrès de novembre. « La direction qui sortira du congrès élira en son sein des portes-paroles », détaille Olivier Besancenot, qui a trouvé les tribunes collectives des régionales « vachement plus enthousiasmantes » et voit dans un porte-parolat collectif « une façon de corriger le tir par rapport à ce qu’on est vraiment », comprendre un parti luttant contre la personnalisation du pouvoir. Mais pour les historiques de la Ligue, un coup d’œil sur le public très divers qui circule entre les chapiteaux et la plage suffit à se rassurer.

« Il y a une réalité politique et sociale qui dépasse largement celle de la LCR », se réjouit François Sabado. Au sein du comité politique national, Margareta Alauzet, membre de la commission quartiers populaires et arrivée avec la création du NPA, assure avoir du mal à deviner « qui venait ou pas de la LCR ». « Le clivage me paraît fallacieux car la page a été tournée très vite, dit cette jeune prof d’histoire-géo à Marseille. S’il reste des nostalgies, c’est plutôt au niveau local. »

Sur les 9.000 adhérents enregistrés lors de la création du NPA, 7.000 à 7.500 sont toujours présents. Un chiffre qui n’a pas bougé depuis un an selon Pierre-François Grond. « Tout le mouvement altermondialiste, anarchiste, etc., qui est entré a donné une bouffée d’oxygène », salue Sandrine, 31 ans, qui militait à la Ligue depuis 2003. « Mais ça rend aussi la ligne directrice plus difficile à construire », souligne Solange, ancienne instit de 58 ans, entrée au NPA à sa création après avoir longtemps flirté avec la LCR.

Certains ont l’impression d’une précipitation non maîtrisée. « Il faut qu’on reprenne à zéro des débats difficiles que nous n’avons pas eu le temps de mener, car nous nous sommes tout de suite trouvés embringués dans des échéances électorales qu’on ne contrôlait pas », regrette Antoine, 30 ans, militant à la Ligue depuis 1995. Avec de vrais clashs comme, dans le Vaucluse, sur la candidature aux régionales d’une militante NPA portant un voile, ce qui a provoqué une séparation des comités locaux.

« Mais, malgré ce “chaos créateur” (selon la formule d’un autre militant), les envies NPA, contradictoires peut-être, persistent, remarque Jacques Fortin, militant avignonnais et historique de la LCR. Donc le projet NPA, tel qu’on l’avait tenté, est difficile, mais il est là. » Et il joue gros.

Par Louise Fessard.


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