D’un jeudi noir à un vendredi rouge (par René Revol, vice-président de PRS, président du collectif anti-libéral de l’Hérault)

jeudi 23 novembre 2006.
 

Un jeudi noir ( 16 novembre)

Ah ce jeudi je vais tout faire pour l’oublier. Pour mes copains du café en face du lycée, le jeudi 16 novembre c’est le jour du beaujolais nouveau ; je l’ai goûté mais j’avais la tête ailleurs.

Pour mes copains profs d’économie le jeudi 16 novembre, c’est le jour de la mort de Milton Friedman, le père inspirateur de la contre révolution libérale que subissent les peuples du monde ; j’ai fait mon travail en rédigeant une biographie intellectuelle du bonhomme, la plus objective possible, pour la distribuer à mes étudiants.

Mais j’avais la tête ailleurs. Car ce jeudi les socialistes ont investi Ségolène Royal. C’est un coup dur pour toute la gauche car les socialistes ont désormais une candidate qui va porter des idées de capitulation devant l’idéologie libérale et sécuritaire de la droite et, si rien n’est fait, on va tous perdre. En discutant avec les adhérents qui défilaient pour voter je n’ai guère entendu d’arguments politiques : « c’est bien que ce soit une femme », « les sondages montrent que c’est la seule qui peut battre la droite », « elle parle de problèmes concrets »...

Je ne répondrai pas ici car je l’ai fait dans mes précédentes lettres. Mais il faut prendre la mesure de ce que signifie cette investiture : le Parti Socialiste change de nature et devient un rassemblement de supporters sans fidélité aux valeurs fondatrices du socialisme français. C’est grave car un parti çà ne s’improvise pas et les reconstructions ne se font jamais à l’économie.

Mon ami, Dominique ROUSSEAU, le professeur de Droit Constitutionnel, me téléphone ; il est effondré : « C’est pas croyable ; mais ce Parti n’est il composé que de décervelés ? Bon désormais il y a Le Pen, Bayrou, Sarkozy et Royal... Où est le candidat qui représente la gauche ? Il n’y en a pas. On peut pas en rester là. Alors il faut que toutes les autres formations de gauche, notamment antilibérales, ne cherchent pas à témoigner de leurs particularismes. Il doivent s’entendre pour que la gauche soit représentée. Tu m’entends : pas la gauche ceci ou la gauche cela mais la gauche tout court ». Je sens qu’il parle vrai.

Mais jeudi il y a encore eu une mauvaise nouvelle : Georges Frêche se plaint qu’il y ait trop de noirs sur les stades ! Décidément, le même qui préside le Comité de soutien départemental de Ségolène Royal et qui nous a expliqué qu’il fallait « briser les tabous de la gauche », là on est servi : il nous sert du Le Pen dans le texte. Faut-il rappeler que dans aucun domaine nous ne devons distinguer les êtres humains par la couleur de leur peau ? Oui, il faudra le rappeler car on se doit de tout ré-expliquer de nos fondamentaux, tant le décervelage et la dérive idéologique est profonde sous l’influence de ces révisionnistes du socialisme et des valeurs républicaines.

A Paris, dans l’élite du PS, on le condamne (plus ou moins fermement) ; Il est vrai que Ségolène qui était venu faire sa révérence à Montpellier n’a plus besoin des 5000 cartes de l’Hérault. Le plus comique ce sont les trémolos de Lang, lui qui était présent sur place aux côtés de Frêche lors de l’épisode des harkis traités de sous-hommes et déclarant alors n’avoir rien entendu. Félicitons nous que Jack Lang ait retrouvé l’usage de ses oreilles ! Les communistes et les Verts ont très bien réagi sauvant l’honneur de la gauche. Mais le plus lamentable vient de l’agglomération de Montpellier et de la Région : les élus socialistes soutiennent Frêche à l’unanimité ! Quel courage pour ces élus qui vous chuchotent à l’oreille toute leur hostilité au chef et qui en public s’agenouillent pour garder leurs avantages. Je me sens bien seul avec le député Mesquida et le sénateur Vezinhet, entre autres, à condamner ces propos. En tout cas nous ne sommes pas seuls dans le peuple de gauche qui n’en peut plus de tels représentants locaux.

Un vendredi rouge ( 17 novembre)

Le vendredi a commencé vers trois heures du matin. Coup de fil de Jean-Luc Mélenchon ; échanges décisifs sur l’essentiel et il décide de venir au meeting unitaire antilibéral à portée nationale qui se tient le vendredi soir à Montpellier. Moment décisif où Jean-Luc manifeste ces qualités décisives : lucidité et courage. Les mails circulent, le bouche à oreille au boulot, les coups de fils....Tout le monde militant s’active et le soir c’est la surprise : 4000 personnes dans un Parc des Expos bondé.

Toute la gauche est là : les communistes bien sûr qui sont venus nombreux de tout le département, mais aussi tous les autres républicains, les militants de la LCR, les altermondialistes, des syndicalistes, et je vois beaucoup de socialistes bien au delà des amis de PRS... je vois des animateurs de la campagne du Non dans tel ou tel village qui reviennent car comme me le dit l’un d’entre eux « je recommence à y croire » ; et puis beaucoup de jeunes, la génération de la victoire contre le CPE, nombreux, bruyants... Bref le peuple de gauche qui ne veut pas se faire voler une nouvelle fois un rendez vous électoral.

Et quand bras dessus bras dessous Buffet, Bové, Mélenchon, Salesse, Autain, Braouzec, Picquet... et tous les autres arrivent dans la salle une formidable clameur à vous faire trembler d’émotion, la joie d’une unité retrouvée et d’un espoir possible. Cette soirée fut une formidable récompense pour tous ces militants bénévoles qui ignorés des médias font depuis des semaines ce formidable travail de conviction sur le terrain : Noter les coordonnées de chacun, diffuser les 125 propositions, organiser des débats particuliers, sans parler de faire un peu de service d’ordre pour éviter les dérapages qu’attendent les autres...

La récompense c’est cette gauche populaire massive qui a l’air décidée à se faire entendre. Car ces quatre mille était à la sortie une force prête à se propulser dans les quartiers, les entreprises, les villages. On en reparlera.


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