LE MOUVEMENT HISTORIQUE CONTRE LA RÉFORME DES RETRAITES (par Tendance Révolutionnaire du NPA)

dimanche 5 décembre 2010.
 

LE MOUVEMENT HISTORIQUE CONTRE LA RÉFORME DES RETRAITES CONFIRME L’URGENCE DE RÉAXER LA CONSTRUCTION DU NPA

POUR UN PROGRAMME DE TRANSITION RÉVOLUTIONNAIRE

POUR L’IMPLANTATION PRIORITAIRE DANS LE PROLÉTARIAT

POUR LA FUSION AVEC L’AVANT-GARDE DE LA LUTTE

La lutte contre la réforme des retraites se termine certes par une défaite revendicative, mais son ampleur et sa profondeur lui donnent une importance historique pour la reconstruction du mouvement ouvrier à partir des expériences mêmes de la lutte des classes. Même s’il s’agit encore d’une lutte défensive, comme toutes celles qu’on a vécues depuis 1995, un palier a été franchi dans la combativité du prolétariat et les progrès de la conscience de classe.

En ce sens, c’est une relative défaite politique ou une victoire à la Pyrrhus pour la bourgeoisie et Sarkozy : ils croyaient éviter la résistance grâce à la collaboration des directions syndicales et réformistes, a fortiori du PS ; mais ceux-ci ont été débordés par la levée des masses, ils ont dû la suivre pour mieux la canaliser par des journées d’action plus rapprochées et ont finalement évité de justesse la paralysie du pays qui commençait à faire paniquer le patronat et le gouvernement. Ce mouvement est sans conteste la plus forte réponse à la crise du capitalisme depuis la grève générale antillaise, la préfiguration de 2009 en France et le printemps 2010 en Grèce ; il a été suivi de près par les gouvernements, les médias et les travailleurs du monde entier, et pourrait contribuer à relancer ou nourrir les mobilisations dans les pays voisins, notamment en Espagne, au Portugal ou en Grande-Bretagne.

Il faut en tirer les leçons au plus vite par la discussion collective, réaxer l’orientation générale et l’intervention quotidienne des militants anticapitalistes, à commencer par notre propre parti, pour nous hisser à la hauteur de la nouvelle situation. De fait, il y a une polarisation croissante entre la classe dominante contrainte de poursuivre ses attaques et le prolétariat qui redresse la tête.

De ce point de vue, les débats et divergences programmatiques et stratégiques qui traversent le NPA à l’occasion du congrès doivent être relancés à partir des enjeux les plus concrets, qui concernent à la fois les prochaines étapes de la lutte de classe et la défense d’un projet clairement marxiste révolutionnaire qui s’assume comme tel et permette de gagner contre les réformistes l’avant-garde du mouvement. C’est ainsi que l’on contribuera à la préparation des prochains af rontements rendus inévitables par la gravité de la crise capitaliste et qui seront sans doute encore bien plus profonds et radicaux que ce mouvement de septembre-octobre 2010.

Ampleur et profondeur du mouvement

Durant deux mois, la lutte a entraîné des millions de manifestants, une puissante mobilisation de la jeunesse, des centaines de milliers de grévistes, la grève reconductible dans plusieurs secteurs importants, de multiples actions de blocages économiques dans tout le pays, une effervescence et une inventivité considérables des masses (slogans, actions, auto-organisation...), un soutien continu de la majorité... Plus large et profond que les précédents, ce mouvement a combiné leurs caractéristiques en les intensifiant : grèves reconductibles de 1995 et 2003, lutte lycéenne et révolte de la jeunesse des quartiers de 2005, grève générale étudiante auto-organisée contre le CPE de 2006, entrée en scène du prolétariat industriel, partielle mais importante, qui avait marqué les grandes mobilisations de 2009. Plus précisément, sa principale nouveauté réside dans

- son ampleur interprofessionnelle à l’échelle de tout le pays, qui s’est concrétisée non seulement par le nombre et la massivité sans précédent des cortèges, mais aussi par la présence importante du privé en leur sein, de nombreux débrayages dans les entreprises, le fort soutien aux secteurs en grève reconductible, la multiplication des AG interprofessionnelles, présentes dans près d’une cinquantaine de villes ;

- sa profondeur politique, le mouvement charriant au-delà de la question des retraites toutes les colères accumulées contre un gouvernement Sarkozy discrédité, apparaissant plus que jamais après l’affaire Woerth-Bettencourt comme illégitime, au service des banquiers et des grands patrons, voulant faire payer la crise aux travailleurs ;

- un début de convergence entre la jeunesse radicalisée et les travailleurs, dont le potentiel explosif a fait peur au gouvernement et aux patrons, d’où la politique répressive et la campagne médiatique de stigmatisation face à l’entrée des lycéens dans la lutte ;

- la radicalité des actions par lesquelles une avant-garde large a tenté de déborder la stratégie de l’intersyndicale nationale : alors que celle-ci n’a cessé de réclamer des « négociations », des centaines de syndicats de base, d’UL, d’UD, voire certaines fédérations ont exigé le retrait. Alors que les bureaucrates syndicaux ont refusé d’appeler à la grève générale ou même d’étendre les grèves reconductibles, les salariés de secteurs concentrés et stratégiques de la classe ouvrière, comme ceux des raffineries, du rail ou du port deMarseille, ainsi que les fonctionnaires territoriaux dans un certain nombre de villes, se sont mis en grève reconductible, constituant l’avant-garde du mouvement, entraînant les autres travailleurs mobilisés, qui ont organisé la solidarité financière et des actions de soutien aux grévistes. Dans certaines villes comme au Havre ou àMarseille, il y a eu des débrayages tous les jours dans de nombreuses usines du privé. Alors que l’intersyndicale nationale a refusé de soutenir les blocages, appelant au contraire au « respect des biens et des personnes », les équipes syndicales combatives (SUD, bases de la CGT et dans une moindre mesure de la FSU) et/ou les AG interpro ont impulsé les blocages de centres ou de nœuds stratégiques (dépôts de carburants, axes routiers, chemins de fer, ports, aéroports, déchetteries), qui resteront l’un des traits lesplus marquants de ce mouvement dans la mesure où ils ont été incomparablement plus nombreux que ceux des étudiants en 2006 : mis en œuvre cette fois avant tout par des travailleurs, généralement comme points d’appui pour la construction de la grève (aides au blocage économique et convergence des grévistes dans l’action), ils prouvent le progrès de la conscience de classe, la compréhension que les prolétaires, parce qu’ils font tourner l’économie, sont aussi capables de la bloquer, et qu’il faut tout faire pour les y aider. De ce point de vue, l’AG interpro du Havre (organisant à la base de nombreux grévistes, y compris du privé, sous la direction d’une intersyndicale combative), celles de Tours, de Lens, du 92 Nord ou de Saint-Denis ont joué un rôle particulièrement important.

Limites de la spontanéité et trahison des directions

Le mouvement s’est cependant heurté à des limites évidentes :

- D’un point de vue programmatique, le mouvement est resté focalisé sur la réforme des retraites, sans constitution de plateformes revendicatives plus larges sur les salaires, la précarité et les conditions de travail, alors que c’était nécessaire pour entraîner des secteurs entiers du prolétariat qui sont plus préoccupés par leur exploitation et leur vie immédiates ou qui ne croient de toute façon pas à la possibilité de toucher une retraite décente dans un avenir plus ou moins lointain. A contrario, la mise en avant de revendications catégorielles a considérablement dynamisé la mobilisation dans un certain nombre de secteurs parmi les plus mobilisés, comme les raffineries, le port de Marseille, les éboueurs de plusieurs grandes villes... Et la puissante lutte des lycéens s’est nourrie de la question des retraites comme d’un simple prétexte pour dire le refus d’une vie de précarité, exiger le droit à un avenir digne.

- La grève reconductible est restée non seulement sectorielle, mais minoritaire en dehors des raf ineries et des terminaux du port de Marseille. Chez les cheminots, elle a été assez importante (autour de 20% selon la CGT entre le 12 et le 21), mais pas assez pour paralyser le trafic, d’autant que les dispositifs anti-grève sur le « service minimum » ont été efficaces. La défaite de la reconductible en 2007 (réforme du régime spécial) et l’échec de celle lancée au printemps dernier dans certaines régions (notamment au Sud de la France) ont pesé sur la motivation des cheminots. De même, les enseignants ont été assez peu nombreux à se lancer dans la reconductible, en dehors des équipes militantes les plus radicales ; là aussi, la défaite de 2003 a pesé, d’autant plus que la réforme qui était passée alors a déjà brisé la possibilité de partir en retraite à 60 ans pour une profession où l’on commence à travailler tard. Enfin, la mobilisation des étudiants est restée limitée, elle n’a pas pris le relais des lycéens à une échelle de masse en dehors des universités traditionnellement les plus combatives (Rennes-II, Toulouse-III, Paris-I Tolbiac, Caen...) ; cela s’explique tant par la rentrée décalée, qui n’a pas donné le temps de construire profondément le mouvement étudiant, que par les défaites récentes sur la LRU (2007 et 2009).

- Les travailleurs du privé, en dehors des raf ineries et des ports où les salariés ont des statuts qui les rapprochent des travailleurs du secteur public tels que les cheminots (statut des dockers, héritage chez Total des acquis de l’ancienne entreprise nationale), ont manifesté massivement, mais ne sont pas entrés en grève reconductible et ont globalement peu fait grève, même si le nombre élevé de débrayages ponctuels, parfois répétés, et la taille de certains cortèges les jours de grève nationale, sont des élément extrêmement prometteurs pour la suite. Globalement, la mobilisation du secteur privé confirme qu’il est bien revenu sur la scène de la lutte des classes, comme on avait pu commencer à le voir en 2009, mais l’usage de l’arme de la grève se heurte encore aux obstacles des bas salaires et de la précarité, ainsi qu’à l’absence de syndicats dans de très nombreuses entreprises.

- L’auto-organisation est restée assez faible, notamment dans les secteurs en grève reconductible, qui étaient pour la plupart dirigés par la « gauche » bureaucratique de l’appareil CGT sur une ligne certes plus combative que la direction confédérale, mais sans réelle volonté de mettre en cause celle-ci et moins encore d’impulser l’auto-organisation des travailleurs. Les AG interpro ont dès lors rarement été impulsées par les secteurs qui se trouvaient à la pointe du mouvement et beaucoup ont gardé un caractère d’avant-garde restreinte et essentiellement activiste, autour de militants de Solidaires, d’anarchistes, plus rarement de camarades du NPA.

Cependant, ces limites auraient pu être largement dépassées par la dynamique du mouvement spontané étant donné sa profondeur, mais les directions syndicales et réformistes ont tout fait pour que cela n’arrive pas, pour contenir la montée vers la grève générale. Certes, elles n’ont ni signé la contre-réforme, contrairement à la CFDT en 2003, ni appelé expressément à la fin de la lutte. Elles ont pu ainsi paraître comme combatives et fermes face à un gouvernement qui ne voulait rien leur céder. De fait, cela a contribué à faire entrer de nombreux travailleurs dans la mobilisation et beaucoup qui n’avaient jusqu’à présent aucune expérience de lutte demandent aujourd’hui à adhérer à un syndicat, démarche qui exprime par elle-même une élévation de la conscience de classe. C’est d’ailleurs le sens de la publicité faite aux caisses de grève des uns et des autres, sur fond de concurrence pour gagner les travailleurs éveillés à la lutte... alors que l’existence même de ces caisses avait été cachée au moment clé du mouvement, quand elles auraient pu jouer un rôle décisif parce que les travailleurs en reconductible se demandaient s’ils pourraient tenir longtemps et que d’autres hésitaient à les rejoindre en raison du coût de la grève.

Car l’image relativement ferme qu’ont pu donner les directions syndicales aux travailleurs les moins expérimentés ne saurait masquer leur responsabilité centrale dans le délitement de la grève reconductible et, à partir de là, la défaite revendicative du mouvement. Après avoir participé à toutes les concertations avec Sarkozy, elles n’ont jamais revendiqué le retrait du projet de loi et n’ont pas appelé à la grève générale, ni même à l’extension de la grève reconductible. Elles sont allés jusqu’à condamner implicitement les blocages, ont laissé piétiné le droit de grève en ne s’opposant pas aux réquisitions dans les raffineries, n’ont pris aucune initiative sérieuse contre la répression policière. Elles ont sciemment organisé l’isolement et donc le découragement desgrévistes, sous prétexte de s’en remettre à leurs décisions. Par contre, elles n’ont soumis à personne leurs seules vraies décisions : celles d’appeler à des journées d’action jusqu’à épuisement tout en quémandant des « négociations » à Sarkozy, au lieu de proposer et de construire une stratégie pour le vaincre.

La politique des équipes syndicales de lutte et des organisations d’extrême gauche

Il était cependant possible d’aller beaucoup plus loin dans le débordement des directions syndicales. Les travailleurs les plus mobilisés ont poussé en ce sens, les obligeant par leur activité effervescente à appeler à des journées d’action plus rapprochées pour garder le contrôle dumouvement et les empêchant de combattre ouvertement les grèves reconductibles et les blocages. S’il y avait eu une force capable de porter au niveau national une orientation frontalement alternative à celle des directions syndicales, elle aurait permis que se constitue un pôle de radicalité qui aurait pu porter dans tout le pays la ligne de la grève générale et de l’auto-organisation.

Un tel pôle a de fait commencé à se constituer dans certains endroits, avec des équipes syndicales combatives, surtout des SUD et de nombreux syndicats ou militants CGT. Cependant, du côté de Solidaires, la direction s’est certes prononcée constamment pour la grève générale, soutenant la reconductible et les blocages, ce qui a constitué indéniablement un point d’appui pour leur extension et leur approfondissement ; mais elle ne s’est pas posée comme alternative à l’intersyndicale, refusant de combattre celle-ci clairement et frontalement sous prétexte de ne pas briser l’« unité », alors que sa politique traître empêchait la généralisation de la grève ; et elle a été jusqu’à signer les deux derniers communiqués de l’Intersyndicale, datant de début novembre, c’est-à-dire lorsque les confédérations essayaient de couvrir leur trahison par des appels à de nouvelles journées d’action sans aucune perspective.

Du côté des équipes combatives de la CGT, l’absence d’une opposition structurée au niveau national a lourdement pesé, les réduisant à une certaine dispersion malgré leur nombre. De plus, le discours « gauche » de certaines fédérations comme celles de la chimie ou des cheminots et de certaines UD comme celles de Paris, de Marseille ou de Seine-Maritime, s’appuyant sur la reconductible, a pu limiter la radicalisation des militants en donnant l’illusion de la radicalité alors qu’il s’agissait en fait uniquement, au niveau national, d’une orientation de bureaucrates de gauche qui n’ont jamais combattu sérieusement l’orientation confédérale et ont fini par pousser plus ou moins discrètement à la reprise du travail. Dans certaines raffineries, comme à Donges, la CGT a même organisé des votes à bulletin secret avec la participation des cadres et des non-grévistes pour arrêter la grève. De même, certaines structures ont vu dans les actions de toutes sortes et notamment les blocages un moyen de faire passer sous un vernis de radicalité leur refus de se battre sérieusement pour construire la grève dans une perspective de grève générale. Enfin, même les syndicats CGT les plus combatifs, par exemple dans certaines gares SNCF, ont pour la plupart refusé toute auto-organisation des travailleurs, empêchant le plein développement de la réflexion politique sur les fins et moyens du mouvement.

Du côté des principales organisations politiques d’extrême gauche, on a manqué d’un parti clairement révolutionnaire. Les militants de Lutte ouvrière ont pu participer aux grèves, débrayages et actions sur le terrain ; mais la direction de cette organisation, en cohérence avec sa conception d’un interminable reflux du mouvement ouvrier, a considéré qu’il s’agissait d’un petit mouvement ne mettant nullement à l’ordre du jour le combat pour la grève générale, et que la classe ouvrière n’était guère mobilisée ; de plus, elle n’a rien trouvé à redire à la politique des directions syndicales, refusant de les critiquer, appelant simplement à être le plus nombreux possible à leurs journées d’action !

La direction du Parti Ouvrier Indépendant a exigé le « retrait sans conditions du plan du gouvernement » et s’est prononcée pour la « grève unie pour imposer ce retrait », mais sans parler ni de grève générale, ni même de grève jusqu’au retrait, ni des grèves reconductibles, ni des blocages. Et surtout, elle a comme d’habitude collé à la direction de FO qui demandait certes le retrait,mais se prononçait comme les autres pour « une autre réforme » et de nouvelles « négociations », et qui parlait certes de « grève interprofessionnelle », mais seulement « de 24h » —seuls les lambertistes du POI faisant croire que FO appelait à la « grève générale »...

Quant à notre parti, le NPA, beaucoup de camarades ont participé en première ligne à la grève reconductible et aux blocages, la direction s’est prononcée à juste titre pour le retrait du projet et pour chasser Sarkozy, elle a appelé clairement à la grève reconductible et au blocage et il lui est même arrivé de parler de la grève générale. Mais sa ligne a été hésitante et oscillante suivant les événements... et selon l’auteur des tracts ou articles de Tout est à nous ! La question de la grève générale n’a nullement été au centre de l’orientation : elle a pu être en titre d’un numéro du journal (n° 72) et d’un tract (semaine du 5 octobre), mais elle a disparu aux moments clés (« unes » des journaux suivants, tracts nationaux des 10 et surtout du 18 octobre). De plus, la critique des directions syndicales est restée d’un bout à l’autre insuffisante : elle a été limitée dans le journal, diffusé à petite échelle, et a disparu purement et simplement des tracts, distribués quant à eux en masse. En effet, sous prétexte de ne pas démoraliser les travailleurs, la direction du NPA a refusé de mener le combat politique combinant dénonciation et interpellation des directions syndicales ; cela laisse croire aux militants qu’il serait possible de contourner cet obstacle majeur par la seul investissement dans les grèves et les actions tous azimuts. Pire : quand ils ont été explicitement interrogés par les journalistes sur la stratégie des directions syndicales, O.r Besancenot et Alain Krivine ont tu totalement leurs critiques, voire les ont soutenues ! De façongénérale, la direction du NPA a constamment prétendu que les nouvelles journées d’action des directions syndicales étaient des points d’appui pour la lutte, alors que leur stratégie s’opposait centralement à celle de la grève générale et menait inévitablement au délitement. Dès lors, les camarades du NPA n’ont pas été armés politiquement pour affronter correctement le verrou majeur qu’il s’agissait de faire sauter. Or, tant que les travailleurs n’auront pas pris conscience de la politique traître des bureaucrates, ils ne seront pas prêts à s’engager massivement dans la construction de structures d’auto-organisation telles que les comités d’entreprise et de grève, ils ne pourront donc pas construire une direction alternative sur la base d’un programme rompant avec le réformisme.

Même les camarades de la position 2 (ex-B) liés au 92 Nord et au secteur jeunes, avec qui les membres du CTR se sont retrouvés sur la ligne de la grève reconductible, des blocages aidant au développement de la grève et de l’auto-organisation, ont refusé d’affronter la politique des directions syndicales, croyant pouvoir la contourner par le seul volontarisme activiste, allant jusqu’à dépolitiser les AG et coordinations interpro : refus d’étendre les revendications au-delà des retraites, opposition à la critique et à l’interpellation des directions syndicales, soutien sans critique à leurs journées d’action, cécité face au reflux dû précisément à la trahison.

Les membres du Collectif pour une Tendance Révolutionnaire sont intervenus dans le mouvement sur la base d’une orientation politique combinant le combat pour une plate-forme revendicative élargie partant des aspirations immédiates des masses, la critique systématique et l’interpellation des directions syndicales et réformistes, la participation résolue aux grèves, aux actions de soutien aux grévistes, aux blocages et aux processus d’auto-organisation comme les comités de grève, les AG et réunions interpro, embryons de démocratie ouvrière regroupant les travailleurs syndiqués ou non, disposant d’une emploi pérenne ou précaire. Pour que leNPA intègre les travailleurs et jeunes de l’avant-garde dumouvement sur la base d’un programme prolétarien et révolutionnaire

Le bilan de la lutte doit être au cœur des débats du congrès, car c’est là que se sont concrétisées les différentes orientations proposées. Si le NPA, depuis le processus fondateur, avait fait de l’implantation dans le prolétariat une priorité de sa construction, au lieu de penser constamment à des accords avec le Front de gauche pour les élections, il aurait pu peser beaucoup plus dans les secteurs clés et dans les grandes entreprises. Si le NPA s’était doté d’un programme de transition clairement révolutionnaire, il aurait armé politiquement une avant-garde qui aurait dynamisé le mouvement en clarifiant ses enjeux et en combattant les réformistes en théorie comme en pratique. Si, comme le demandent en vain de nombreux militants (déjà du temps de l’exLCR !), le NPA avait impulsé avec des syndicalistes combatifs un courant intersyndical lutte de classe, notamment dans la CGT à l’occasion du congrès confédéral de l’an passé, il aurait affronté ce mouvement avec un instrument décisif pour mener le combat à l’intérieur des confédérations en s’appuyant sur le mouvement des masses. Si, durant le mouvement, tout le NPA s’était investi à fond dans les processus d’auto-organisation, à commencer par les AG interpro qui ont été actives dans près de 50 villes, il aurait aujourd’hui beaucoup plus de liens avec les travailleurs et les jeunes les plus combatifs et pourrait contribuer à maintenir ces instruments extrêmement précieux (certains parmi les plus efficaces datant de 2006, comme au Havre, voire de 2003) ; c’est important pour aider l’avant-garde à faire le bilan politique dumouvement et par là même à se préparer pour les prochaines luttes, pour soutenir les luttes partielles ou catégorielles qui ne vont pas manquer de resurgir dans les prochaines semaines ou les prochains mois tant ont été grandes la profondeur du mouvement et la colère contre le gouvernement.

C’est à ces tâches qu’il faut s’atteler maintenant, en rompant avec la politique mise en œuvre par la direction du parti depuis sa fondation, en rejetant ses « réponses à la crise » et ses propositions pour l’orientation à venir du NPA, par lesquelles elle voudrait aller encore plus loin dans la dérive vers le réformisme. Pour le CTR, le grand mouvement de septembre-octobre confirme la nécessité d’un NPA ancré dans la classe ouvrière et la jeunesse en défendant sur le terrain de la lutte des classes un programme et une stratégie clairement révolutionnaires, qui tranche les ambiguïtés des principes fondateurs. Ces axes sous-tendent la « plateforme 4 » soumise au congrès, où sont développées les analyses du CTR, son bilan du NPA et ses propositions.

Il s’agit de s’atteler enfin à la tâche historique de reconstruire le mouvement ouvrier en partant des luttes réelles, en en tirant les leçons et en se préparant le mieux possible aux prochaines. C’est le moment pour le NPA d’entrer dans les usines, de s’implanter dans les secteurs les plus stratégiques, afin d’influencer les prolétaires qui commencent à se repolitiser et de pouvoir intervenir au cœur des grands combats de classe qui s’approchent. L’enjeu immédiat est de gagner les milliers de travailleurs et de jeunes qui se sont mis en grève reconductible, qui ont mené les actions de blocages, qui se sont auto-organisés sur leurs lieux de travail et dans les AG interpro : il n’y a aucune raison de les laisser capter par les réformistes des directions syndicales, du PCF ou du PG, ni même par des courants anarchistes ou autonomes qui nous disputeront d’autant plus la radicalité que nous manquerons de clarté stratégique. Il s’agit de franchir un pas décisif dans la constitution d’un NPA, en intégrant les plus combatifs, avec leurs expériences et leurs réflexions, et en les nourrissant des nôtres, de nos acquis comme de nos clarifications indispensables. Il s’agit de nous fusionner avec l’avant-garde du mouvement réel en nous dotant d’un programme marxiste révolutionnaire.

Paris, le 28 novembre 2010


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