Pedro, gitan, 44 ans, mort dans l’indifférence institutionnelle aux questions de logement

samedi 10 juillet 2010.
 

La famille AMAYA habite depuis plusieurs années aux Aygalades dans un T5 agréable situé au rez-de-chaussée d’une cité des quartiers Nord de Marseille gérée par 13Habitat l’Office HLM du Conseil Général des Bouches du Rhône, présidé par M. Noyes, conseiller général PS. Devant l’appartement, de l’autre côté de l’allée goudronnée, une pelouse permet à cette famille gitane de temps en temps le soir de manger des grillades en écoutant de la musique andalouse.

Ou plutôt permettait.

Les voisins se sont plaint du bruit. Une banale querelle de voisinage qui dégénéra au point que la famille subit avec le temps des menaces de plus en plus violentes.

Excédée, angoissée, elle se résolut alors à demander une mutation.

Accompagnée du comité chômeurs CGT, elle fut reçue en septembre 2008 par un directeur de l’office, M. Champetier, qui promit à l’époque un logement « dans le diffus » comme ils disent avec un bout de jardin à Marignane.

La famille devait déménager avant Noël 2008.

La proposition ne vint pas et cela ne se fit pas.

Les heurts continuèrent.

Des menaces de mort fusèrent.

L’appartement fut cambriolé.

Une plainte, puis deux furent déposées...sans suite.

En mars 2009 le comité chômeurs alerta préfet, mairie et office sur le risque que présentait la situation et sur l’urgence qu’il y avait à régler le problème. Non seulement parce qu’il y avait eu des coups de feu tirés, mais aussi parce que dans cette situation la santé des parents, Pedro et Marie se dégradait sans cesse.

L’angoisse est une rongeuse…

C’était mars 2009 et encore une fois un courrier sans réponse.

On avait bien pensé à faire un squat, mais Pedro et Marie ne voulaient pas. Ils voulaient « rester dans la loi ».

Comme un malheur n’arrive jamais seul deux de leurs enfants majeurs et chargés de famille se trouvèrent sans logement et il fallut donc les héberger. En « attendant ».

En attendant une solution bien dure à trouver quand on s’appelle Fernandez ou Amaya et qu’en plus on est pauvre. Les mois passaient et il fallait gérer l’ingérable que représentent 3 familles (11 personnes dont 6 enfants) dans un seul appartement et dans ces conditions…

Pedro appelait tous les jours, le comité intervenait de même auprès de l’office.

En vain.

En décembre 2009, épaulé par l’AMPIL [1] et la fondation Abbé Pierre, le comité chômeurs fut reçu par l’adjointe municipale au logement, Mme Fructus.

En mars 2010, la mairie s’engagea à trouver à la famille « un logement adapté »…ce qui fit bien rire Mme Camigliéri (mais que voulez-vous qu’ils fassent la mairie, ils ne feront rien du tout ! » : chacun a l’humour qu’il veut…) une adjointe du président de l’office lequel n’a jamais répondu à aucun des courriers qui lui ont été adressés. [2]

Dans l’intervalle, à force de ténacité, l’office acceptait de loger une des 3 familles [3]. Quand on parle de ténacité et sans remonter trop loin, c’est, pour la seule période allant de mars 2010 à novembre plus de 50 courriels qui ont été adressés aux institutions, sans compter les démarches, appels téléphoniques…

Le médecin de famille fit lui aussi 2 courriers particulièrement éloquents et alarmants adressés à l’adjointe au logement.

Sans résultat ni réponse.

L’angoisse rongeait toujours…

Il est d’ailleurs à noter que le comité chômeurs et les deux associations amies ne faisaient pas que demander.

Ils proposaient des solutions imparables…qu’au bout du compte leurs interlocuteurs paraient ! [4]

En juin 2010 on a tous bien cru qu’une proposition (la première !) allait aboutir mais les propriétaires voisins qui ne connaissaient pas la famille mais savaient qu’elle était gitane protestèrent. Marseille Habitat [5] par la voix d’une responsable, Mme Deldon leur concéda de fait le droit d’être racistes et l’opération ne se fit pas.

En juillet 2010, la fondation Abbé Pierre, dans une démarche inhabituelle pour cette association, écrivit à M. Gaudin maire de Marseille : pas de réponse.

Finalement en septembre une nouvelle promesse fut faite pour fin octobre. Nouvel espoir.

Puis pour mi-novembre, puis…

Hier au soir chez la famille Amaya l’ambiance était au désespoir.

Marie en pleurs, Pedro abattu.

Tant pis on allait se résoudre à squatter….

Pedro, 44 ans, est mort cette nuit au petit matin. Les docteurs ont diagnostiqué un arrêt du cœur…

Pour sa famille, ses amis, c’est clair.

L’angoisse a fini son travail.

Pedro est mort assassiné.

Post Scriptum :

C’est dans la même cité qu’a eu lieu une manif anti-rom en octobre 2009 et dont nous avons déjà parlée. Comme le montre la photo, M. Noyes y était au 1er rang...

[1] une association marseillaise d’aide au logement

[2] On apprit par la suite qu’au moins 2 logements de 13Habitat et tout à fait susceptibles de répondre aux besoins de la famille avaient été proposés...à d’autres...

[3] grâce à une convention particulière qui existe depuis des années avec le comité chômeurs CGT des BdR

[4] Parmi celles-ci l’achat par un bailleur social – qui avait donné son accord de principe – d’une maison du patrimoine communal qui a depuis été proposée à la vente à un particulier à un prix inférieur, la prise en compte des travaux de réhabilitation d’un logement « du diffus », la garantie des loyers et l’accompagnement social dans tous les cas..etc. Même la demande minime de location d’un terrain pour poser un mobil home ou celle de mise à disposition d’un logement provisoire ne trouvèrent pas de réponse.

[5] office municipal présidé par Mme Fructus


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