Les Bettencourt et le financement de la campagne Sarkozy 2007 : le chèque de 100.000 euros qui accuse ?

mercredi 5 août 2015.
 

Quatre mois seulement avant le premier tour de la présidentielle de 2007, Lilianne Bettencourt avait procédé à un énorme retrait en liquide : 100 000 euros, qu’elle avait chargée sa comptable de tirer en espèces à la banque Dexia, grâce à un chèque auto-libellé dont Marianne s’est procuré le fac similé. Il n’y avait donc pas que les 180 000 euros de la BNP !

La semaine dernière, Marianne publiait les fameux « carnets Bettencourt », ces cahiers de caisses tenus, au jour le jour, de 1995 à fin 2008, par Claire Thibout, l’ex-comptable de Liliane Bettencourt. Des cahiers où elle recensait scrupuleusement les entrées et les sorties d’argent liquide du couple Bettencourt. Sur la période janvier-avril 2007, les quatre mois précédant le 1er tour de l’élection présidentielle, ces carnets avaient révélé près de 400.000 euros d’espèces tirées à la BNP et, surtout, plus de 180.000 euros accompagnés, dans ces carnets, de la mention « Monsieur » ou « M.Bettencourt ». Or, l’ex-comptable a toujours affirmé qu’elle inscrivait l’une ou l’autre de ces mentions lorsque l’argent était destiné à des financements politiques.

Or, cette semaine, Marianne est en mesure d’affirmer que les Bettencourt possédaient d’autres comptes bancaires sur lesquels, en pleine campagne électorale, ils tiraient également des sommes extravagantes en liquide. Notre journal a pu se procurer, en effet, la copie d’un chèque de 100.000 euros, tiré non plus sur BNP-Paribas (comme il est inscrit dans les carnets), mais sur la banque Dexia. Un chèque daté du 21 décembre 2006 que Mme Bettencourt a libellé à son nom et qu’elle a confié à sa comptable, Claire Thibout, pour que celle-ci aille le tirer en espèces au guichet de la banque.

Ce chèque, en voici un fac similé (cliquer sur la vignette pour l’agrandir) :

100.000 euros, donc, en liquide ! Afin que l’ex-comptable ne rencontre aucune difficulté pour se faire remettre l’argent, Mme Bettencourt a même délivré à son employée une autorisation, signée de sa main, que nous nous sommes également procurée et dont voici le contenu : « Je, soussignée, Madame Liliane BETTENCOURT, autorise Madame Claire Thibout à venir chercher à votre agence pour mon compte une somme de 100.000 euros, chèque N° 3794677, tiré le 21 décembre 2006 sur la banque DEXIA. Fait à Neuilly-sur-Seine, le 21 décembre 2006 ».

Selon nos informations, Claire Thibout a bien retiré cette somme qu’elle a ensuite remise en mains propres à Mme Bettencourt. A qui ces 100.000 euros étaient-ils destinés, à quatre mois seulement du premier tour de l’élection présidentielle ? Pourquoi cette somme ne figure-t-elle pas dans les carnets de Mme Bettencourt, contrairement à tous les autres retraits en liquide effectués au guichet de la BNP ? La banque Dexia a-t-elle alerté Tracfin, l’organisme chargé de lutter contre les mouvements illicites de capitaux, à propos de cet énorme retrait ? Et si oui, les services de Tracfin ont-ils prévenu leur autorité de tutelle ? Existe-t-il d’autres comptes bancaires sur lesquels le couple Bettencourt tirait des espèces ?

Marianne a pu consulter la liste des comptes des Bettencourt pour les années 2006 et 2007 : outre BNP-Paribas et Dexia, on relève les noms des banques Crédit Lyonnais, Union des Banques Suisses (UBS), Banexi, CCP, BIMP, OBC, HR Finances, Marignan Gestion et même Banco Credito de Balear. L’existence de ce chèque Dexia de 100.000 euros, remis à Mme Bettencourt, est d’autant plus étonnante que, dans les carnets que tenait Claire Thibout, les seules sommes d’argent en espèces attribuées directement à Mme Bettencourt ne dépassent jamais 1500 ou 2000 euros. Pourquoi, ce 21 décembre 2006, une somme aussi importante et pour quoi faire ?

Ces nouvelles révélations devraient intéresser les enquêteurs de la brigade financière qui viennent de placer en garde-à-vue Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt, le photographe François-Marie Banier, Fabrice Goguel, l’ex-avocat de l’héritière L’Oréal, et Carlos Vejarano, le gérant de la fameuse île d’Arros aux Seychelles, dont Marianne révélait, voici trois semaines, qu’elle était cachée dans une fondation-écran au Liechtenstein et qu’elle avait ainsi échappé au fisc. Elles devraient aussi passionner le procureur de Nanterre Philippe Courroye qui vient d’ouvrir deux nouvelles enquêtes préliminaires pour « blanchiment de fraude fiscale » et « financement illégal d’activités politiques ».

Puisque, selon son avocat Georges Kiejman, Liliane Bettencourt est en pleine possession de ses moyens, les enquêteurs ne devraient pas manquer d’interroger la milliardaire sur ces invraisemblables mouvements d’espèces et leurs destinataires, à quelques semaines de la présidentielle de 2007. Marianne publie, d’ailleurs, dans son édition de samedi matin, la suite des carnets Bettencourt, cette fois pour l’année 2006.

En début de semaine, le Président de la République, Nicolas Sarkozy, avait voulu faire croire que cette affaire était close. Il semblerait, au contraire, qu’elle ne fait que commencer…

de Laurent Neumann


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