« Les fourmis s’en tireront bien, mais nous, ce n’est pas si sûr  ! la vie sur Terre est très robuste, mais l’espèce humaine très fragile " » par Hubert Reeves

lundi 26 juillet 2010.
 

« Lorsque j’ai compris l’état de la biodiversité, j’ai ressenti l’urgence d’opérer un glissement de l’astrophysique à l’écologie. J’ai des enfants et des petits-enfants et je me fais beaucoup de soucis quant à l’avenir du vivant sur la planète et dans quelles conditions ils vivront. C’est la raison pour laquelle je me suis impliqué dans la Ligue ROC, qui inscrit son action dans le cadre global pour la préservation de la biodiversité. J’anime aussi une conférence qui s’appelle “Astronomie et écologie”  : l’astronomie, c’est la science qui raconte comment nous en sommes venus à être ici, tandis que l’écologie nous dit comment y rester dans des conditions convenables. La Ligue ROC, s’intéresse beaucoup aux DOM-TOM. Car dans ces territoires, il y a une biodiversité extraordinaire et ce sont des endroits où nous pouvons agir, car si nous ne le pouvons pas partout en Amazonie, nous le pouvons dans ces zones françaises.

Nous avons en particulier réussi, avec d’autres associations, à stopper l’implantation d’une mine d’or en Guyane, mine d’or qui allait déverser des quantités de cyanure polluant les eaux, ce qui aurait été évidemment très nocif pour les autochtones. Nous avons défendu devant le gouvernement la thèse suivante  : la France a une responsabilité par rapport aux habitants de ce pays. Or, s’il était question de déverser du cyanure dans l’Hexagone, ce serait la révolution  ! Il faut considérer les autochtones au même niveau que les Français de métropole. Mais nous défendons aussi la “biodiversité ordinaire” voire invisible, cachée dans le sol par exemple.

Aujourd’hui, les mentalités ont évolué  : jusqu’à récemment, on pensait que la conservation de la biodiversité dépendait des parcs naturels auxquels on ne touchait pas, on conservait ce qu’il y avait dedans, or actuellement on se rend compte que cette solution n’est pas viable. Avec le réchauffement climatique, les populations animales et végétales se développent autrement et aujourd’hui les villes doivent être de plus en plus accueillantes pour la biodiversité. Il y a des problèmes dans les campagnes  : à cause des pesticides dans les champs ou d’autres causes, des fleurs sauvages disparaissent, et cela n’est pas sans relation avec la disparition des abeilles, évidemment.

Donc, l’idée importante à transmettre, c’est que nous avons, chacun d’entre nous, une responsabilité et il suffit d’un petit lopin de terre sur lequel nous pouvons agir, cela peut être quelques mètres carrés où nous pouvons y réintroduire la vie sauvage. C’est une démarche que tout le monde peut faire dans son coin, sur son balcon ou dans son jardin  : créer des oasis-nature comme nous le préconisons Il faut abandonner l’idée que si l’on a des parcs naturels, la vie sauvage sera conservée. Il faut la conserver partout, il vaut mieux réimplanter la vie sauvage, sauvegarder les haies, en replanter, enrichir le paysage. Puis, il y a deux leçons importantes à tirer des extinctions précédentes, la première est que la vie sur Terre est très robuste, mais l’espèce humaine très fragile  ; la deuxième est que l’humanité pourrait donc disparaître, et ça, c’est un choc, parce que nous avons été élevés dans l’idée que nous étions des champions de la création… Or, notre humanité est menacée, non pas forcément de s’éteindre, mais de survivre dans des conditions déplorables. Les fourmis s’en tireront bien, mais nous, ce n’est pas si sûr  ! »

Propos recueillis par Anna Musso


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