Guerre d’Algérie « Les Arabes ne comprennent que la force brutale » (1)

vendredi 16 décembre 2011.
 

Alger 1957. Le port. Ballottés par la houle, des corps flottent. Ce sont les « crevettes-Bigeard ». Cadavres d’Algériens raflés par les parachutistes. À ces meurtres collectifs et à tant d’autres, il est encore répondu  : c’était la guerre, ses dérives, ses bavures. Inévitables. Les crimes du 3e régiment de parachutistes coloniaux (RPC) et plus largement de l’armée coloniale étaient-ils le lot commun de toute guerre ?

L’histoire du colonialisme en Algérie montre en réalité que les crimes de guerre ont été une constante de l’armée coloniale. À cet égard le RPC, responsable de la disparition de Maurice Audin, de l’exécution de Larbi Ben M’hidi, de l’assassinat d’Ali Boumendjel et de milliers de patriotes algériens, n’est-il pas le digne héritier des Colonnes infernales du général Bugeaud, adepte de «  la guerre totale jusqu’à extermination  »  ? Digne héritier aussi des Voltigeurs de la mort, dont le chef, le capitaine Montagnac, déclarait  : «  Tout doit être pris, saccagé, sans distinction d’âge ni de sexe (...). Voilà comment il faut faire la guerre aux Arabes  : tuer tous les hommes jusqu’à l’âge de quinze ans, prendre toutes les femmes et les enfants (…), les envoyer aux îles Marquises ou ailleurs. En un mot, anéantir tout ce qui ne rampera pas à nos pieds comme des chiens.  » Les politiques, à l’image de Tocqueville, théoricien adulé de la démocratie, n’étaient pas en reste  : «  Le second moyen en importance, après l’interdiction du commerce, est le ravage du pays (…), le droit de la guerre nous autorise à ravager le pays.  » Absolu d’un idéal totalitaire, la guerre de conquête coloniale a détruit les êtres, les villes, les écoles, l’agriculture, le commerce. Au final une société et un peuple asservis, décivilisés par un implacable processus de spoliation, de paupérisation, de régression socioculturelle et de terreur existentielle.

De 1954 à 1962, pour casser l’insurrection nationale et l’aspiration profonde des Algériens à la liberté, l’armée française n’aura aucun mal à renouer avec les violences de l’armée d’Afrique, celle-là même qui participa au meurtre de 30 000 communards à Paris, entre le 21 et le 28 mai 1871.

Pourquoi ces violences, ces crimes de guerre  ? Pour le système colonial (que des historiens et des politiques français, toute honte bue, qualifient de «  système injuste  »), les Algériens étaient des sous-hommes. Pour maintenir leur asservissement, la puissance coloniale se dotera d’une administration militaire et civile mortifère. Celle-ci mettra en pratique les théories sur les races, nécessaire lubrifiant idéologique pour la cohésion de la colonie de peuplement.

À ce sujet, comme le notait l’historien algérien Mostefa Lacheraf, le mérite des Européens d’Algérie qui ont combattu ce système «  est énorme  ». «  Ils sont, à leur manière, des hors-la-loi, ayant opté pour la dignité humaine, contre l’aberration et le meurtre collectif.  » Ils le paieront de leur vie. Comme Maurice Audin. L’Algérien.

(1) Pierre de Castellane, officier de l’armée d’Afrique.

Article de Smail HadjAli


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