Les Sahraouis en quête de leur terre

samedi 6 octobre 2012.
 

Une délégation de cent élus français s’est rendue dans les campements de réfugiés sahraouis de Tindouf (Algérie). Au programme : échange et solidarité à l’heure où les Nations unies reculent sur le droit de ce peuple à l’autodétermination au profit du Maroc.

À la lueur de la pleine lune, on devine partiellement les contours des maisons en terre séchée et les nobles tentes dressées. Sous le soleil écrasant du Sahara, le désert manifeste son hostilité. Dahkla, l’un des quatre camps de réfugiés sahraouis dans la région de Tindouf (Algérie), abrite 37 000 âmes. Cent élus français (1) rassemblés en une caravane de l’amitié, toutes tendances politiques confondues, ont partagé leur expérience avec leurs homologues sahraouis. Découverte d’une société privée de liberté depuis 1975, lorsque le Maroc a colonisé les terres du peuple sahraoui. « Nous sommes arrivés sans savoir où nous allions précisément, raconte Claude Vivier Le Got, conseillère municipale chargée de l’enseignement supérieur à la mairie de Sens. Ce flou nous a plongés de force au cœur d’une réalité : le peuple sahraoui est un peuple debout qui vit dans un espace structuré avec des codes et une hiérarchie, des organisations sociales, politiques et culturelles. » Un hôpital, des dispensaires d’« arrondissements », des écoles ont poussé au cœur de l’aridité inhospitalière. La militante du Parti radical y voit là une différence notoire par rapport à d’autres camps de réfugiés où elle a pu se rendre même si, reconnaît-elle, « tout cela est assis sur un tapis volant ». La guerre entre le mouvement de libération du Front Polisario et Rabat a abouti à un cessez-le-feu en 1991. Les résolutions onusiennes depuis, enjoignant la tenue d’un référendum d’autodétermination, sont restées lettres mortes. Passé les années de guerre, le sort des Sahraouis a sombré dans un silence assourdissant. Les uns, chassés de leurs terres, se sont réfugiés sur le sol algérien ; les autres subissent toujours la répression dans un Sahara occidental annexé par le royaume. Cette déchirure, Rabat l’a matérialisée en érigeant un mur long de 2 720 kilomètres bordé de mines antipersonnel. Une honte, elle aussi, tue. « Il aura fallu que je vienne jusqu’ici pour apprendre l’existence de ce mur qui cloisonne un peuple », confiera Jean-François Debiol, conseiller municipal UMP de Rillieux-la-Pape.

« Nous voulions permettre à chaque élu de se forger une libre opinion avec les élus et les citoyens sahraouis à ce moment précis où 
le peuple sahraoui a tant besoin de 
la solidarité », déclare Mohamed 
Mahrez Lamari, président du Comité national algérien de solidarité avec le peuple sahraoui (Cnasps). Porteurs de solidarité concrète, les élus ont partagé le quotidien de familles sahraouies. « Mais, fait valoir Jean-Claude Kennedy, premier adjoint au maire de la ville de Vitry-sur-Seine, il faut adapter les formes de solidarité matérielles et politiques à l’évolution de situation, en organisant des réunions et conférences qui rassemblent tous ceux qui veulent œuvrer à la résolution du problème. » Pour l’élu communiste, dont la ville a tissé, depuis trente ans, des liens de coopération avec les Sahraouis, il faut « résoudre la situation anachronique et presque unique que vit ce peuple. Il nous faut nous centrer sur l’aspect politique, être plus volontaires et frapper aux portes ».

Cette dimension politique aura irrigué le colloque international pour « la gestion démocratique dans les camps de réfugiés », pointant singulièrement les responsabilités du Maroc mais également des puissances, France et États-Unis en tête. D’autant qu’à des milliers de kilomètres de là, à New York, au même moment, le Conseil de sécurité renouvelait d’un an la mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso). Comme l’an passé, Paris a joué de tout son poids pour contrecarrer l’élargissement du mandat à la protection des droits de l’homme dans les territoires occupés. Or, depuis cinq ans, sur ce plan, la situation est alarmante, comme l’ont relevé dans un rapport conséquent l’organisation Human Rights Watch et une délégation ad hoc du Parlement européen.

« Je suis interpellé par l’abandon de la politique des droits de l’homme de la France concernant le Sahara occidental », déplore Mourad Goual, adjoint au maire des 9e et 10e arrondissements de Marseille. D’autant, soutient le mandataire de l’UMP, que « la France a su prendre des initiatives autrement plus courageuses sur le conflit israélo-palestinien, par exemple ». La France, berceau des droits de l’homme, a trébuché. « Elle ne s’est pas débarrassée de l’esprit colonialiste », considère Mahrez Lamari, du Cnasps. Pourtant, aucun État n’a reconnu une quelconque souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. En soutenant la proposition marocaine de large autonomie pour les Sahraouis, en lieu et place de leurs droits à décider librement de leur destin, Paris nourrit la pérennisation du conflit. « Ce faux bond de la France témoigne d’un décalage entre la société civile et le pouvoir au sommet », tranche Rabah Lachouri, maire adjoint de Vitry-sur-Seine. La non-résolution de cette dernière colonie de l’Afrique continentale tient des liens entretenus par la France et l’Union européenne avec Rabat qui ambitionnent d’exploiter les ressources maritimes et minières sahraouies. « La France s’honorerait en utilisant les liens politiques qu’elle noue dans la région à abattre les murs et construire des ponts », plaide Jean-Claude Kennedy. Sauf à hypothéquer l’équilibre régional. « Nous demandons à la France d’avoir une position neutre et d’appuyer la légalité internationale (et) de voir sur un pied d’égalité tous les peuples du Maghreb », a demandé le premier ministre sahraoui, Abdelkader Taleb Omar. Car, à ses yeux, il y a « de la stabilité et de la démocratie dans la région ». À l’issue de cette rencontre, l’idée de nouvelles coopérations a fait son chemin, mais également l’idée de démarches politiques comme celle qui consisterait à interpeller les « différents groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat », propose Cyril Boilleaux, maire divers gauche de Villeneuve-sur-Yonne. Au nom du respect de la légalité internationale et du droit, rappelle Tayeb Zitouni, maire d’Alger Centre : « Le droit d’un peuple qui revendique le droit à la liberté, à la dignité, le droit à bâtir sur son sol national un État démocratique et souverain. »

Cathy Ceïbe

(1) Du 29 avril au 2 mai.


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