Pourquoi la Banque Centrale Européenne a aidé la Hongrie (hors zone euro) et pas les Grecs

lundi 17 mai 2010.
 

Bien sûr le plan grec ne peut pas fonctionner. Comment le budget pourrait-il se remettre à flot quand une telle ponction va être opérée sur l’économie réelle réduisant d’autant les recettes de l’Etat ? J’ai déjà expliqué cela. Je ne suis pas le seul à l’avoir fait. Rien dans ce qui s’est passé n’a démenti si peu que ce soit l’analyse globale que nous avons été plusieurs à présenter aussitôt connus les principaux paramètres de la situation. Je suis amusé, en quelque sorte, de voir dorénavant le thème de l’emprunt direct à la BCE commencer son chemin dans les esprits. J’ai lu dans « Le Monde » que cette mesure serait la bombe atomique de Trichet. C’est exactement mon vocabulaire. Je renvoie aux expéditeurs leurs petits sourires mi navrés mi moqueurs quand je le disais… De même je veux rappeler sans cesse que la « solution de la crise » se lit aussi comme un nouvel avatar de la ponction croissante du capital sur le travail. Aussi bête que ça, nonobstant la sophistication de la tuyauterie qui l’organise. En effet le financement du « déficit » du budget de l’Etat intègre une part croissante pour les remboursements des emprunts. Sauf erreurs ce sont bien les banques qui glanent ce pécule, non ? Et comme le capital ne sera taxé d’aucune façon…

Une rappel très intéressant est donné dans les commentaires qui ont suivi ma précédente note. On se souvient que je détaillais comment il y avait deux cas prévu par le Traité de Lisbonne pour aider un pays en difficulté selon qu’il est dans ou hors de l’union européenne. Je relevais qu’en refusant son aide, l’Union avait traité la Grèce comme un pays extérieur à l’union. Non. Ce n’est pas le cas. La Grèce a été traité encore pire. Car en effet il y a un cas ou l’Union a fait intervenir la Banque centrale indépendante en prêtant massivement et directement à une banque nationale pour empêcher l’effondrement du système bancaire ! Ce fut le cas de la Hongrie. Je m’en souviens parfaitement car nous l’avions pointé dans mon équipe à l’époque sans vraiment mesurer ce que cela voudrait dire ensuite dans le cas ou cela serait refusé à d’autres. Donc pour sauver le système bancaire hongrois, la BCE a prêté directement et ans faire d’histoire. Mais pour la Grèce…

Voici le récit de ce cas Hongrois. Carol DEBY : 5 mai 2010. Message adressé à Monsieur le député européen J-L Mélenchon. D’autres que vous, JLM, partagent votre colère, votre indignation devant ce qui apparaît de plus en plus comme un acte de banditisme s’abattant, sous couvert de légalité, sur le peuple grec. Mais voici des documents qui transforment cette colère en rage. L’article 123 du Traité de Lisbonne interdit un prêt direct de la BCE à un pays de l’UE, soit. Mais on a oublié qu’en décembre 2008, la BCE mettait 5 milliards d’euros à la disposition de la banque centrale hongroise (Magyar Nemzeti Bank), pour soutenir son système financier. Cette annonce se trouve dans le Figaro de l’époque : elle est donc authentique, même pour la droite. Un journal marocain s’étonnait : « La BCE, dans un geste sans précédent hors de la zone euro, a octroyé à la Hongrie un prêt de cinq milliards d’euros pour faire face à la crise des liquidités à Budapest, dont les causes seraient à chercher exclusivement, selon les dirigeants et experts hongrois, du côté des spéculateurs et d’un vent de panique. »

Pourquoi cette générosité ? Michel Santi a résumé la crise hongroise fin octobre 2008. La masse globale de prêts consentis en Francs Suisses hors de Suisse étant estimée à 500 milliards d’Euros, une secousse provoquée par le défaut de paiement de ces débiteurs sub-primes « nouvelle vague » d’Europe Centrale ébranlerait l’Autriche, la Suisse, l’Italie et la Grèce en même temps que l’ensemble de la région d’Europe Centrale et Balkanique… « On comprend ainsi la générosité de la Banque Centrale Européenne qui a volé au secours de la Hongrie la semaine dernière en lui prodiguant des facilités de crédit de 5 milliards d’Euros, montant comparable au plan américain de 700 milliards de dollars, proportionnellement à la taille et au P.I.B. Hongrois ! En effet, les banques autrichiennes réalisent 35% de leurs profits grâce aux pays d’Europe Centrale et des Balkans, l’Autriche ayant une exposition à ce marché de l’ordre de 230 milliards d’Euros, suivie par l’Italie dont les banques sont investies dans cette région à hauteur de 160 milliards d’euros. ».

Cette première entorse au traité de Lisbonne, "Le Monde Diplomatique" la constatait en juin 2009 (art. de F. Lordon.) L’article 123, qui interdit à la Banque centrale européenne de prêter « aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques des Etats membres », ne l’a pas retenue d’ouvrir un crédit de 5 milliards d’euros à un gouvernement, hongrois en l’espèce, qui plus est, n’est pas même membre de la zone euro…


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message