L’histoire commence aux Etats-Unis. Depuis 1884, les syndicats ouvriers cherchent à imposer la journée de huit heures. Deux ans plus tard, le 1er mai 1886, une grève massive tente de pousser les patrons à céder. Pas facile, on s’en doute ! Le 3 mai, à Chicago, trois manifestants vont mourir. Dès le lendemain, des heurts violents opposent les policiers aux travailleurs. Une bombe explose. 15 policiers y laissent leur vie. La répression sera sévère, comme de bien entendu. De la prison à vie, des condamnations à mort également. Pour ceux-là, la grève se termine au bout d’une potence.
En juillet 1889, la IIème Internationale se réunit à Paris, en pleine Exposition universelle, tout juste un siècle après la Grande Révolution. But de la manœuvre ? La journée de huit heures, encore et toujours. C’est que des journées de travail de dix, de quinze heures sont monnaie courante. Et que les patrons sont assez forts pour passer au-dessus des décrets ! Le 20 juillet, la résolution est adoptée, après des jours et des jours de discussions et de débats. Il est décidé qu’une manifestation sera organisée, dans tous les pays, dans toutes les villes. La date ? Elle va de soi. Les syndicats américains ont déjà retenu le 1er Mai pour l’année suivante. Ce sera donc le 1er Mai. Cette première journée internationale des travailleurs est un énorme succès. Plusieurs millions d’ouvriers désertent les ateliers, les usines. Et pourtant, la bourgeoisie ne cède pas un pouce de terrain. Trop bon enfant, les défilés, sans doute… Ça va changer, très vite.
À Fourmies, dans le Nord de la France, en 1891, la manifestation vire au drame. Les guesdistes, dont Paul Lafargue, ont organisé les ouvriers. Les 8 heures, encore… Les hausses de salaires, en plus. Mais les patrons eux aussi savent grouper leurs forces. Ils menacent. Ce sera un licenciement massif, pour tous ceux qui ne viendront pas travailler ce jour-là. La mairie demande du renfort. Deux compagnies d’infanterie, rien que ça. Et bien équipées. Rien que du neuf : du Lebel, du Chassepot. 1 manifestant à mains nues pour 2 militaires. Des cailloux s’envolent. Des balles ripostent. 1 minute plus tard, on compte dix cadavres. Des gamins, pour la plupart.
Le 1er Mai devient alors le symbole des revendications ouvrières. La journée de 8 heures va être ratifiée en 1919. En 36, à l’avant-veille du second tour, le possible succès du Front populaire donne à ce jour un avant-goût de victoire.
Heures sombres, et pas bien glorieuses : en 41, c’est Pétain qui institue le 1er Mai chômé ! Sans commentaires, merci camarades ! Un moyen pas bien franc du collier, et propre à faire passer cette bande de collabos pour les amis des ouvriers… et au passage, les amener à plus de raison envers le régime. Sans compter que le type qui est l’instigateur de l’idée, c’est un ancien de la CGT… Encore une fois, pas de commentaires !
Depuis, on se retrouve tous les ans dans la rue, plus ou moins nombreux, plus ou moins décidés, plus ou moins remontés. Souvenons-nous 2007, tout de suite avant la présidentielle, on espérait encore un peu. Et l’an dernier, en pleine campagne des européennes… Cette fois encore et comme tous les ans, on y sera, même si la radio nous promet des hallebardes. La pluie ne sera jamais aussi dure que les balles des fusils Lebel en 1891 à Fourmies.
Et le muguet, dans tout ça ? Oh lui, il est arrivé un peu plus tard. Précédé d’un triangle rouge, comme représentation des 3 huit : travail, loisirs, sommeil. Puis par une fleur d’églantier, et toujours noué d’un ruban rouge. Accroché au revers, il est du dernier chic !
Un dernier mot. À Chicago, dans un des cimetières de la ville, une tombe porte un nom. Celui d’un des exécutés de 1886, Augustin Spies. Avec aussi ses derniers mots : « Un jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui. »
brigitte blang PG 57
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