Retraites : la gauche accuse le gouvernement d’instrumentaliser les prévisions de déficit

samedi 24 avril 2010.
 

Martine Aubry dénonce la « dramatisation » des projections du Conseil d’orientation des retraites et réaffirme son opposition au report de l’âge légal du départ sans se prononcer sur l’allongement de la durée de cotisation. L’UMP reproche à la gauche de « nier les réalités ». Le président du COR défend l’impartialité du conseil.

Le Parti socialiste n’a pas attendu que le gouvernement dévoile clairement ses intentions pour la réforme des retraites, ni même que les différentes hypothèses de réforme soient chiffrées, début mai. Les prévisions de déficit vertigineuses examinées par le Conseil d’orientation des retraites (COR) lui ont donné l’occasion dès hier de faire entendre sa voix. Dans une tribune publiée par « Le Monde  », Martine Aubry refuse de « céder aux ultimatums », accusant l’exécutif de « chercher à dramatiser  » la situation avec des chiffres aussi inquiétants. Le rapport du COR « ne doit pas être instrumentalisé  ». Le Conseil prévoit entre 56 et 80 milliards d’euros de déficit des régimes de retraite en 2030.

La première secrétaire du PS réaffirme qu’elle défendra « le maintien de l’âge légal du départ à la retraite à 60 ans ». Et d’ajouter : « Si l’âge légal était repoussé à 62, 63 ou 65 ans, comme le préconisent l’UMP et le Medef, des centaines de milliers de personnes qui ont commencé à travailler très jeunes seraient contraintes de faire 44, 45, 48 années de travail. »

Mais Martine Aubry n’aborde pas la question clef de l’allongement de la durée de cotisation, autre moyen envisagé par le gouvernement pour augmenter la période d’activité. Le PS, il est vrai, est divisé sur ce sujet. « Dire qu’on ne pourra pas allonger la durée de cotisation, ça n’est pas crédible, c’est mentir aux Français », a réaffirmé sur Canal+ Manuel Valls, candidat aux primaires du PS pour 2012, quand d’autres ténors écartent cette solution.

« C’est Nostradamus »

Pour le Parti communiste, « toute cette opération de conditionnement de masse n’a qu’un but : faire entrer au forceps une réforme qui s’apparente à un saccage systématique des retraites ». Jean-Luc Mélenchon, fondateur du Parti de gauche, a dénoncé une « grotesque campagne d’affolement » lancée selon lui par le gouvernement sur la base du rapport.

Les syndicats, qui siègent au COR, ne vont pas aussi loin dans la critique, mais la CGT et FO relativisent les projections. « Personne ne peut faire de prévisions sérieuses en 2050. C’est Nostradamus, ce n’est plus de l’économie », ironise le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly. Bernard Thibault (CGT) évoque des estimations de long terme « un peu aléatoires ». « De tels montants traduisent l’impasse de solutions strictement paramétriques pour régler la question des retraites, estime Jean-Louis Malys (CFDT). Un recul de l’âge légal de départ serait à cet égard injuste, inefficace et sans commune mesure avec les enjeux. »

« Enjeu démographique »

La majorité fait bloc contre ces critiques. François Fillon a souligné que le rapport avait été rédigé «  par des hommes et des femmes de toutes les sensibilités politiques, syndicales ». « L’enjeu n’est pas un enjeu de droite ou de gauche, c’est un enjeu démographique », a ajouté le Premier ministre. « Ce qui est dramatique, c’est que Mme Aubry nie la réalité au lieu de se positionner sur le terrain des idées et des propositions », souligne Xavier Bertrand, le secrétaire général de l’UMP. Le président du COR, Raphaël HadasLebel, a de son côté défendu « l’indépendance » et « l’impartialité » du conseil, estimant que les « interprétations divergentes » des prévisions étaient « normales ». Il a souligné que les membres du COR (lire ci-dessus) avaient « unanimement adopté » le rapport et que les trois scénarios économiques plus ou moins optimistes qui ont été retenus n’étaient « ni alarmistes ni lénifiants ». Les prévisions de déficit à l’horizon de 2015 sont en particulier incontestables, selon lui, mais il a reconnu que le degré de « vraisemblance » diminuait au fur et à mesure que l’on avance dans le temps.

VINCENT COLLEN


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