De la cotisation chômage à l’impôt : l’argent public au secours des patrons ( Par Thierry Lepaon CGT)

lundi 19 avril 2010.
 

Comment le patronat veut faire financer par L’ÉTAT le régime d’assurance chômage  ?

La barre symbolique des 10% de demandeurs d’emploi recensés, selon la définition du Bureau international du travail, a été franchie au mois de janvier. Selon la plupart des analystes nous resterons autour de ce seuil au moins jusqu’à la fin 2011. La situation est individuellement dramatique et collectivement explosive.

Les destructions d’emploi sont massives. 412 000 emplois ont été détruits dans le secteur marchand en un an, entre la fin 2008 et la fin 2009. Les offres d’emploi et le taux d’emploi diminuent depuis mi-2008. Le cœur du système productif est attaqué. Cette dégradation de l’emploi est non seulement quantitative mais aussi qualitative, en particulier pour les femmes. Après avoir, dans un premier temps, licencié les intérimaires, certaines entreprises ont à nouveau recours à l’intérim pour assurer la production. L’emploi à temps complet diminue mais l’emploi à temps partiel, lui, augmente depuis début 2009. Les conséquences sont évidemment dramatiques. Le chômage apparent et déclaré explose  : 3,9 millions de personnes sont inscrites à Pôle emploi. En tout, ce sont environ 5 millions de nos concitoyens qui sont exclus du travail pour des raisons économiques. Deux catégories de privés d’emploi augmentent particulièrement  : celle des chômeurs de longue durée et celle des hommes de plus de cinquante ans. Selon Pôle emploi lui-même, un million de privés d’emploi arriveront en fin de droits en 2010. Il y a donc situation d’urgence sociale. Pour permettre la simple survie de ces salariés, la CGT a formulé deux propositions.

1. L’allongement exceptionnel de six mois de la durée d’indemnisation du chômage. Cette mesure pourrait être financée en taxant le recours au travail précaire, qui constitue la première cause d’entrée au chômage.

2. L’assouplissement des conditions d’accès à l’Allocation spécifique de solidarité (ASS) afin qu’aucun demandeur d’emploi ne se retrouve sans revenu. Cette mesure pourrait être financée, par exemple, en supprimant le bouclier fiscal et les mesures anachroniques des heures supplémentaires.

Pourtant, bien que nécessaires, ces mesures ne règlent pas le problème de fond. Elles ne règlent absolument pas la question de l’emploi et pas davantage celle du chômage ou de l’indemnisation du chômage. Au mieux elles règlent temporairement et partiellement la question de la survie des salariés privés d’emploi en fin de droits. C’est pourquoi d’ailleurs la CGT parle de « mesures d’urgence », « d’allongement exceptionnel », « d’assouplissement des conditions d’accès ». Bref l’ensemble ne peut être que provisoire, exceptionnel, transitoire, temporaire.

En effet qui paye et qui devrait payer  ? Certes la première mesure continue à être financée par le régime d’assurance chômage. Nous parlons bien d’assurance, système qui permet de mettre dans une caisse commune une partie du salaire, une partie de la richesse produite par les salariés par leur travail pour s’assurer durant les périodes d’inactivité. C’est le système assez classique de l’assurance  : les périodes de travail permettent de s’assurer pour les périodes de chômage. Cela passe par des cotisations assurance chômage du salarié et des entreprises. L’ensemble est assis sur le travail.

Aujourd’hui, lorsque le salarié arrive au terme de ses droits à l’indemnisation par l’assurance chômage, il peut basculer dans le régime de la solidarité et percevoir, par exemple, l’Allocation spécifique de solidarité. Il bascule alors du système de l’assurance vers un système de la solidarité. Que s’est-il passé  ? Autrement dit qui paye  ? Dans ce cas, c’est l’État qui paye à travers l’impôt, c’est-à-dire la collectivité nationale, c’est-à-dire chaque citoyen. Peu importe qui verse en dernière instance, peu importe la tuyauterie et les circuits de l’argent  : Pôle emploi pour l’ASS ou le département pour le RSA. Cela pourrait éventuellement être directement l’État  ; d’autres systèmes pourraient être imaginés. Il s’agit toujours d’argent public provenant de l’impôt. Avec des circuits, des objectifs déclarés, des cibles, des publics différents, les mêmes mécanismes sont à l’œuvre pour le Revenu de solidarité active (RSA) ou encore les emplois aidés. D’ailleurs l’année 2009 a vu le grand retour des emplois aidés  : contrat d’initiative emploi (CIE) ou contrat d’accompagnement dans l’emploi (CAE) maintenant contrat unique d’insertion depuis le premier janvier 2010. Solution temporaire pour beaucoup, les contrats aidés ont augmenté d’environ 100 000 au cours de l’année 2009. Une partie du travail est payée par la collectivité, par l’impôt, sans assurer de solution durable pour les salariés.

Quand les patrons font passer l’indemnisation des salariés privés d’emploi du régime de l’assurance vers un régime de solidarité, ils réussissent le tour de force de faire basculer le financement du système assis sur les cotisations sociales, donc le salaire et le travail vers le système de la fiscalité où chaque citoyen contribue directement ou par la TVA. Ils ne payent ainsi plus rien, ou si peu… mais distribuent les dividendes, pèsent sur les salaires, plombent les comptes de la Sécurité sociale. Ils licencient mais font assumer aux citoyens les conséquences pour les salariés. En faisant basculer vers la fiscalité, ils abaissent ce qu’ils appellent le coût du travail, ils dévalorisent le travail. Là est le véritable enjeu.


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message