La vie quotidienne, la maison (poèmes)

samedi 23 octobre 2021.
 

A) L’habitude (Auguste ANGELLIER (1848-1911)

La tranquille habitude aux mains silencieuses

Panse, de jour en jour, nos plus grandes blessures ;

Elle met sur nos coeurs ses bandelettes sûres

Et leur verse sans fin ses huiles oublieuses ;

*

Les plus nobles chagrins, qui voudraient se défendre,

Désireux de durer pour l’amour qu’ils contiennent,

Sentent le besoin cher et dont ils s’entretiennent

Devenir, malgré eux, moins farouche et plus tendre ;

*

Et, chaque jour, les mains endormeuses et douces,

Les insensibles mains de la lente Habitude,

Resserrent un peu plus l’étrange quiétude

Où le mal assoupi se soumet et s’émousse ;

*

Et du même toucher dont elle endort la peine,

Du même frôlement délicat qui repasse

Toujours, elle délustre, elle éteint, elle efface,

Comme un reflet, dans un miroir, sous une haleine,

*

Les gestes, le sourire et le visage même

Dont la présence était divine et meurtrière ;

Ils pâlissent couverts d’une fine poussière ;

La source des regrets devient voilée et blême.

*

A chaque heure apaisant la souffrance amollie,

Otant de leur éclat aux voluptés perdues,

Elle rapproche ainsi de ses mains assidues,

Le passé du présent, et les réconcilie ;

*

La douleur s’amoindrit pour de moindres délices ;

La blessure adoucie et calme se referme ;

Et les hauts désespoirs, qui se voulaient sans terme,

Se sentent lentement changés en cicatrices ;

*

Et celui qui chérit sa sombre inquiétude.

Qui verserait des pleurs sur sa douleur dissoute,

Plus que tous les tourments et les cris vous redoute,

Silencieuses mains de la lente Habitude.

B) Tout est silence dans la maison

C) La feuille Antoine Vincent ARNAULT (1766-1834)

De ta tige détachée, Pauvre feuille desséchée, Où vas-tu ? - Je n’en sais rien. L’orage a brisé le chêne Qui seul était mon soutien. De son inconstante haleine Le zéphyr ou l’aquilon Depuis ce jour me promène De la forêt à la plaine, De la montagne au vallon. Je vais ou le vent me mène, Sans me plaindre ou m’effrayer : Je vais où va toute chose, Où va la feuille de rose Et la feuille de laurier.


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