Écologie doit rimer concrètement avec intérêt général, service public et solidarité (Intervention de Guilhem Serieys en Assemblée pleinière du Conseil régional Midi Pyrénées)

samedi 14 novembre 2009.
 

Quel plaisir, ces derniers mois, de voir que l’écologie est devenu un sujet d’intérêt pour les grands de ce monde, pour tout le monde. On peut se féliciter de cet élan renouvelé en faveur de notre patrimoine commun : l’environnement.

Mais ce n’est pas la récente journée consacrée au Climat par l’ONU qui va nous réchauffer le cœur : elle a accouché d’une souris en termes de lutte contre le réchauffement climatique. La préparation du Sommet de Copenhague me laisse tout aussi dubitatif. Malgré les engagements du président Obama, les Etats-Unis ne seront pas prêts à franchir un pas significatif à cette occasion.

Pendant ce temps là, partout en France, les démarches d’Agenda 21 s’amplifient pour élaborer un diagnostic partagé et préparer des solutions pour demain... Quand le gouvernement s’acharne à culpabiliser les citoyens en leur imposant une taxe carbone, les collectivités travaillent à bâtir des solutions à partir de leur territoire et en intégrant de manière positive les citoyens dans leur mise en œuvre. Deux visions de l’action publique en matière d’écologie s’opposent, je voulais le rappeler. Finalement, cette taxe pérennise le droit des plus riches à polluer. D’autant que Sarkozy en exonère les plus gros émetteurs de carbone. Le président prétend que ces grandes entreprises sont soumises au marché européen des quotas de CO2. C’est faux : 90 % d’entre elles sont exemptées de payer des droits à polluer.

L’essentiel de cette taxe frappera donc les ménages dont les dépenses en transport individuel et en mode de chauffage sont des dépenses contraintes sans alternative.

Avec Sarkozy l’écologie est devenue une nouvelle méthode pour tondre la population aujourd’hui en lui promettant des pâquerettes pour demain. On est loin de sortir du modèle productiviste avec de telles méthodes.

Avec ce type de mesures, on va faire croire aux citoyens qu’écologie rime avec passage à la caisse et baisse de la qualité de vie !

Non. Écologie ne doit pas rimer pas avec plus de taxe pour les pauvres. Écologie doit rimer avec intérêt général, service public et solidarité. EDF, GDF et TOTAL engrangent chaque année des profits faramineux sur le dos des consommateurs sans qu’aucune contrepartie ne leur soit demandée pour respecter les engagements climatiques de la France ! Il est grand temps de les faire revenir dans le giron public, et d’affecter leurs profits à la réhabilitation du parc de logement et au développement des énergies renouvelables.

Il est grand temps de redonner des objectifs de service public à la SNCF, en terme de fret, d’aménagement du territoire et de tarifs. Grand temps, enfin, de mettre en place une tarification progressive de l’énergie qui permette à tous d’accéder au minimum fondamental et d’inciter à la sobriété en renchérissant le mésusage.

Il faut aller maintenant au-delà des démarches Agenda 21. Le diagnostic s’impose aujourd’hui à tout le monde, de l’habitant du Mirail au premier ministre chinois. Et pour cause, chacun le vit au jour le jour : réchauffement climatique, disparition des espèces animales et végétales, hausse du niveau des mers, accroissement des émissions de gaz à effet de serre, pollution galopante... Autant de conséquences d’un système - le capitalisme - qui, comme le disait Marx, épuise autant la terre que le travailleur. Oui, l’urgence est là !

La Région a décidé d’assumer une part dans le combat en faveur d’un environnement restauré, qui réponde tant à des préoccupations écologiques que sociales. Nous ne devons bien sûr pas nous cacher derrière l’enjeu planétaire pour ne rien faire. Et nous pensons que nous ne devons pas attendre les hypothétiques décrets d’application des deux « Grenelle de l’environnement » pour agir.

Concernant le sommet de Copenhague, 15ème Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques , qui se déroulera du 7 au 18 décembre prochain, il s’agira de fixer de nouveaux engagements pour la période 2013-2020.

Trois questions extrêmement importantes font l’objet des discussions :

1/ quels objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre les pays industrialisés acceptent de se fixer ?

Les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) préconisent une baisse de 25 à 40% en 2020 et 85 à 95% en 2050. Actuellement, les grandes puissances en sont loin ! Les Etats-Unis prétextent du non engagement de la Chine pour faire des propositions honteuses (7% au lieu de 25 en 2020). L’Union européenne propose 20% avant 2020 mais avec de multiples exceptions nationales. Nous devons prendre part à toutes les manifestations permettant de faire pression sur les négociateurs pour atteindre un accord conforme aux préconisations du GIEC.

2/ quels mécanismes pour garantir l’atteinte des objectifs de réduction ?

L’Union européenne a mis en place un marché des émissions de gaz à effet de serre depuis 2005 qui s’est effondré et s’est révélé totalement contre-productif. Pourtant, les Etats-Unis souhaitent aujourd’hui étendre ce marché au niveau international et en faire l’instrument essentiel de régulation des gaz à effet de serre. Nous dénonçons cette proposition, qui aboutirait à créer une nouvelle finance carbone et demande que les objectifs soient fixés pays par pays, et soient respectés par la mise en place de mesures nationales, et non par des échanges de droits sur un marché international.

3/ quel financement pour l’adaptation des pays en développement au réchauffement climatique ?

Le réchauffement climatique produit déjà des effets désastreux dans les pays en développement qui renforce leurs difficultés : sécheresses, incidents climatiques, inondations des terres, érosion des sols. Les pays industrialisés ont une dette à l’égard de ces pays et nous devons soutenir la proposition de mettre en place un fonds d’adaptation alimenté par les pays industrialisés, sous égide de l’ONU, pour financer les projets d’adaptation de ces pays. Les Régions doivent avoir ici toute leur place dans les opérations de coopération décentralisée. Mais nous devons refuser le mécanisme de « développement propre » qui permet aux entreprises multinationales d’investir dans ces pays en échange de quotas carbone et va encourager un nouveau colonialisme vert.

Ce débat met en évidence la nécessité de repenser les relations mondiales sur la base de la coopération et de sortir des règles actuelles de l’OMC et du « libre »-échange. Car on ne réglera pas la crise climatique sans rompre avec le système capitaliste qui l’a produite, et son moteur productiviste qui s’est étendu sur l’ensemble de la planète.

A l’inverse, avec la thèse du capitalisme vert, on veut nous faire croire que les évolutions nécessaires peuvent être prises en charge par le marché. Comme si il suffisait d’augmenter, par exemple, le prix de l’essence avec la taxe carbone pour que les alternatives à la voiture, enfin rentables, se développent. Les infrastructures de transport nécessaires se programment sur de longues années. Elles exigent des ressources considérables que seule la puissance publique peut engager. La planification écologique est donc l’outil indispensable d’une action globale inscrite dans la longue durée.

Le droit à l’eau, la promotion de modes de consommation plus sobres sont également incompatibles avec une gestion privée qui pousse au contraire à la consommation irraisonnée et qui tire profit de l’inégalité d’accès croissante à cette ressource.

La Planification écologique doit s’appuyer sur :

1/ la mise en place d’un service public de l’énergie, avec le retour d’EDF et GDF à 100% public et la nationalisation de Total et Areva, permettant à la fois de réduire la fracture énergétique et de planifier, sur le long terme et de manière volontariste, la nécessaire transition énergétique ;

2/ un plan d’investissement massif dans les énergies renouvelables, la recherche en matière d’efficacité énergétique et la promotion de la sobriété en matière de consommation

3/ la mise en place d’un vaste plan de rénovation et d’isolation des logements ainsi qu’un plan de développement des transports les moins polluants à l’échelle du territoire (transports en commun de passagers, frêt ferroviaire et navigation fluviale) ;

4/ l’organisation de tables rondes pour planifier la reconversion des industries les plus polluantes ;

5/ la réorientation des aides de la Politique Agricole Commune vers une agriculture paysanne relocalisée, pourvoyeuse d’emplois et plus sobre en matière énergétique

Nous approuvons le plan climat régional qui comporte des mesures ciblées, allant dans ces directions, pour développer l’efficacité énergétique, les transports moins émetteurs de CO2, le développement des énergies renouvelables.

Mais nous devrons passer la vitesse supérieure en instaurant la planification écologique : prévoir les objectifs, anticiper les besoins, décider des moyens, assumer les échéances les unes après les autres. La planification écologique doit contribuer au dépassement du capitalisme par une action concrète que je pourrais résumer aussi par « l’écologie par la preuve ». Preuve que c’est possible, au quotidien, de transformer l’environnement sur un territoire, de changer de pratiques sans pour autant que le service public que nous mettons en œuvre ne perde de son efficacité, au service de tous les citoyens. Je prends un exemple, l’eau.

Nous proposons par exemple que la Région mette en place une structure régionale de gestion de l’eau.

La presse vient de révéler l’incroyable scandale du délabrement du réseau d’eau potable en France, entraînant un gaspillage évalué à 2 milliards d’euros. Feignant de découvrir le problème, le gouvernement, par la voix de Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, s’empresse de rejeter la faute sur « Les collectivités [qui] ont l’obligation par la loi de rechercher les fuites », en menaçant « de leur demander de ramener leur taux de perte à 15 %, voire moins dans les zones urbaines denses ». Mais ce gaspillage est avant le résultat du véritable pillage par les entreprises privées de ce bien commun de l’Humanité qu’est l’eau. Le 4 juin 2009, la majorité UMP du conseil municipal de Montauban a voté le principe de la délégation du service public de l’eau et de l’assainissement au privé.

Aujourd’hui, déléguer la gestion du service de l’eau aux multinationales Veolia, Suez, ou Saur, c’est accepter des marges bénéficiaires inouïes dans la plus totale opacité sur le dos des usagers.

Nous affirmons que la gestion intégralement publique de l’eau, conçue et défendue à l’échelle mondiale et appliquée à l’échelle locale, est le seul modèle qui permet de garantir une exploitation raisonnée et la préservation de ce bien commun de l’Humanité. Contrairement à ce que dit le gouvernement Sarkozy, refusons de faire payer aux usagers et aux contribuables la remise en état d’un réseau que continueraient à exploiter sans vergogne les compagnies privées. L’eau doit redevenir publique. Cela offre la garantie d’utilisation des bénéfices à des fins de rénovation du réseaux et non à l’alimentation de fonds de pensions.

Nous proposons que la région mette en place une structure régionale de gestion de l’eau. Ce afin d’inciter les communes à gérer ce bien commun en régie publique et de leur en fournir les moyens. De nouvelles politiques pourront alors être mises en œuvre, notamment sur le plan tarifaire : premiers mètres cubes gratuits afin de garantir le droit d’accès à ce bien commun, tarif progressif afin de décourager la surconsommation d’eau et la péréquation tarifaire afin de garantir l’égalité des citoyens. »

La bataille pour un grand service public de l’eau, partout sur le territoire, est centrale pour le Front de Gauche. Il portera cette revendication lors de toutes les prochaines élections, mais aussi dans les mobilisations locales, y compris à Montauban (1).

NOTE

1) Le maire de Montauban sera tête de liste de l’UMP pour les élections régionales.


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